L’école franco-flamande du XVIe siècle
Johannes Lupi (c1506-1539) ; Lupus Hellinck (1493/4-1541) : Missa Surrexit pastor bonus, Salve celeberrrima virgo, Quam pulchra es, Benedictus Dominus Deus Israel, Te Deum laudamus.The Brabant Ensemble, Stephen Rice.2019-70’39- présentation et textes en anglais, français et allemand- chanté en latin- Hyperion CDA68304.
Familiers de l’École franco-flamande du milieu du XVIe siècle, le Brabant Ensemble et son chef Stephen Rice ont déjà sorti de l’ombre d’admirables œuvres d’Antoine de Févin, Jacob Obrecht, Pierre de La Rue ou encore Jean Mouton. Ici, l’unité thématique se fait autour du patronyme Loup commun aux deux musiciens, de leur existence contemporaine et de leur région d’origine -entre Bruges et Cambrai- où se mêlent influences néerlandaises, italiennes, espagnoles, françaises. L’un porte un prénom, Lupus, et l’autre un nom, Lupi, qui les rapprochent mais sont également source de nombre d’attributions erronées. Sans compter d’autres compositeurs de l’époque, circulant en Europe, dont le nom s’inspire de l’animal et que l’on s’est amusé à regrouper sous le vocable de la « meute de loups » (Alonso Lobo, Duarte Lobo ou encore la famille Lupo en Angleterre). Notre Lupus Hallinck vécut plus longtemps que son cadet Johannes Lupi néanmoins très prolifique (2 Messes, 30 Motets, plus de 25 chansons françaises en quelques 32 années). Leur style diffère en ce que ce dernier utilise volontiers de longues séries de notes courtes tandis que Lupus Hellinck recourt à des notes-pédales et une mélodie plus «angulaire» précise la savante notice. Il revient à l’auditeur le plaisir de discerner la personnalité et la sensibilité musicales de l’un et l’autre à travers des œuvres tout à fait représentatives de cette époque intermédiaire entre Ockeghem, Josquin des Prés, Roland de Lassus qui précède Palestrina. La Missa Surrexit Bonus de Lupus Hellinck se base sur un motet d’Andreas Da Siva, chanteur dans la Chapelle du Pape Léon X (1513-21). A cinq voix, cette édition de 1547 offre un bel exemple de la «messe parodie» où le compositeur emprunte des passages polyphoniques ou des thèmes mélodiques à un autre pour les remanier à sa guise. Ici la texture sonne avec une légèreté parfois coruscante. La sensation d’infini legato domine tout le long de la messe ponctuée par quelques montées en crescendo. Assez languides également, les motets de Lupi paraissent néanmoins plus incarnés. Déjà le choix du «Cantique des Cantiques» pour le premier, Quam pulchra es, se traduit par un tissus plus dense et des échanges polyphoniques actifs. Le motet à huit voix Salve celeberrima virgo touche par sa délicatesse mystique tandis que le motet Benedictus Dominus Deus Israel permet d’apprécier le jeu des imitations dans un climat de grande sobriété. Enfin, le Te Deum témoigne de certaines particularités des traditions de la région de Cambrai ainsi que de la parfaite maîtrise de l’agencement si complexe des voix.
L’ensemble vocal britannique The Brabant Ensemble évolue avec une aisance étonnante dans ce répertoire et offre une image sonore fraîche, homogène, qui semble couler naturellement sous la direction de Stephen Rice. Comme souvent, la diction arase les aspérités des consonnes mais la polyphonie et le contrepoint sont-ils vraiment compatibles avec la perception précise d’un texte -qui plus est, connu de tous à l’époque ? Le simple support d’un Amen suffit à la beauté d’une musique qui rejoint les anges d’un autre Maître de Bruges, Jan van Eyck.
Son 9- Livret 10- Répertoire 9- Interprétation 10
Bénédicte Palaux Simonnet