Le pianiste Giuseppe Albanese nous invite à la danse

par

Carl Maria von WEBER (1786-1826) : Invitation à la danse op. 65. Léo DELIBES (1836-1891) : Valse de Coppélia. Pyotr Ilyich TCHAÏKOVSKI (1840-1893) : Casse-Noisette, suite op. 71a. Igor STRAVINSKY (1882-1971) : Danse infernale, Berceuse et Finale de L’Oiseau de feu. Claude DEBUSSY (1862-1918) : Prélude à l’après-midi d’un faune. Maurice RAVEL (1875-1937) : La Valse. 2020. Livret en anglais et en italien. 67.50. Deutsche Grammophon 4818970.

Pour son quatrième enregistrement sous l’étiquette jaune de Deutsche Grammophon, Giuseppe Albanese entraîne l’auditeur dans un univers tourbillonnant qui ne néglige pas la langueur ni la rêverie. Après un CD Fantasia consacré à Beethoven (Sonate n° 13 Quasi una fantasia), Schubert (Wanderer-Fantaisie) et Schumann (Fantaisie), deux CD Liszt ont concrétisé sa connaissance de l’univers de ce compositeur auquel Albanase a consacré, lors de ses études de philosophie à Messine, un mémoire intitulé L’esthétique de Liszt dans Les Années de Pèlerinage. Les deux concertos, Malédiction et un programme varié « Après une lecture de Liszt » où l’on retrouvait notamment Les Jeux d’eau à la villa d’Este ou Saint-François de Paule marchant sur les eaux, ont démontré ses affinités. Cette fois, le contenu est ludique et construit autour de partitions célèbres, toutes dans des transcriptions ou arrangements, sauf La Valse qui est jouée dans sa version originale pour piano seul. 

Né à Reggio di Calabria en 1979, Giuseppe Albanese se consacre à l’étude du piano dès ses cinq ans. Il obtient son diplôme à Pesaro à 17 ans, poursuit sa formation à Imola puis à Messine où, nous l’avons dit, il étudie la philosophie et où il va enseigner quelque temps. Aujourd’hui, c’est à Trieste qu’il prodigue ses leçons. Ce surdoué remporte plusieurs prix : le Primo Venezia en 1997 et le Prix Vendôme à Londres en 2003, dans le jury duquel figurent Jeffrey Tate, Stephen Bishop-Kovacevich ou Elisabeth Leonskaya. La même année, il obtient un prix spécial au Concours Busoni pour la meilleure exécution d’une page contemporaine pour piano. Dès 1998, il enregistre divers disques où se retrouvent Chopin, Scriabine, MacDowell ou Debussy, mais aussi Bartok ; il participe en 2016 à l’intégrale des œuvres de ce dernier pour la firme Decca. Albanese semble apprécier ces programmes composites au cours desquels les divers aspects de son talent sont mis en évidence.

C’est encore le cas pour ce nouveau CD « Invitation à la danse » qui s’ouvre en toute logique par la partition de Weber du même nom, dans la transcription de Carl Tausig (1841-1871), élève de Liszt, dont Benno Moïseiwitch (1890-1963) a laissé une version célèbre. D’autres transcriptions existent, comme celles de Godowski ou de von Henselt. Celle de Tausig conserve à ce rondo brillant, qui dépeint l’histoire d’un couple le temps d’une valse, son caractère à la fois émotionnel et virevoltant. Albanese laisse s’envoler sous ses doigts ce moment de grâce qu’il prolonge dans la langueur avant la flamme de la Valse de Coppélia de Delibes, transcription d’Ernst Von Dohnanyi. Deux Russes suivent, Tchaïkovski d’abord, dans une Suite de sept extraits du Casse-Noisette arrangée par Michail Pletnev. On y retrouve notamment la Danse russe et la Danse chinoise. Le monde de l’enfance, la féerie, la poésie, l’humour mais aussi l’ampleur sont au rendez-vous du jeu d’Albanese (écoutez le fabuleux Pas de deux). Dans l’arrangement de Guido Agosti de L’Oiseau de feu de Strawinsky, le virtuose déploie un sens du surnaturel chatoyant, dans des couleurs presque orchestrales, nettes et précises. Le Finale est un vrai feu d’artifice. 

Il faut préciser que le toucher de Giuseppe Albanese est d’une absolue souplesse, qu’il réussit à diversifier les moments lyriques d’avec les instants d’intense technicité. Aidé en cela par la profondeur de chant et la rondeur séduisante de pianos Fazioli et par la qualité de la prise de son de l’auditorium de la même firme à Sacile, en Frioul-Vénétie, il passe de la clarté à l’économie de moyens, de la ligne limpide du discours aux envolées les plus ardentes avec une facilité qui n’est pas démonstrative, mais profondément vécue. Les deux dernières pages du CD ne font que confirmer ces qualités. La transcription du Britannique Léonard Borwick (1868-1925) du Prélude à l’après-midi d’un faune est rendue par Albanese avec sensualité, intériorité et raffinement. Quant à La Valse de Ravel, seule page originale du disque, elle envoûte par son côté « fin d’un monde » d’une puissante densité qui, sous les doigts de ce pianiste au goût très sûr, prend des allures imaginatives qui interpellent. Un superbe disque qui fait espérer que Giuseppe Albanese s’attaque dès que possible à de grandes pages du répertoire pianistique. On attend cela avec impatience !  

Son : 10  Livret : 8  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix  

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