L’Ensemble Arabesques dévoile joliment le jardin secret de Jacques Ibert 

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Jacques Ibert (1890-1962) : Deux Mouvements pour flûte, hautbois, clarinette et basson - Trio pour violon, violoncelle et harpe - Trois pièces brèves pour flûte, hautbois, clarinette, cor et basson - Deux Interludes pour flûte, violon et harpe - Cinq pièces en trio pour hautbois, clarinette et basson - Capriccio pour dix instruments. Ensemble Arabesques ; Philipp Pointner, direction (Capriccio). 2018. 56’35. Livret en allemand, en anglais et en français. 1 CD Farao Classics B108105.

Le livret commence par cette citation d’Henri Dutilleux : « De tous nos compositeurs, Jacques Ibert est certainement le plus authentiquement français. Il est aussi le chef incontesté de notre école contemporaine. » Ces propos, tenus aux Jeunesses Musicales de France le 15 février 1945, auraient pu être complétés par la suite : « L’art de Jacques Ibert échappe à l’épreuve du temps car il est, avant toute chose, essentiellement classique de forme. Mais quelle imagination dans l’ordre, quelle fantaisie dans l’équilibre, quelle sensibilité dans la pudeur... ». Le choix des œuvres de cet enregistrement illustre à merveille ces qualités.

Si le nom de Jacques Ibert est plus couramment associé à la musique orchestrale (Escales), scénique (Barbe-Bleue) ou de film (Macbeth, d’Orson Welles), il n’a jamais délaissé la musique de chambre, à laquelle il a consacré plusieurs pages concises, pour des formations très variées. Les instruments à vent, que le compositeur affectionnait tout particulièrement, y ont la part très belle. C’est du reste ce qui a motivé l’Ensemble Arabesques à réaliser cet enregistrement, après avoir honoré et Gustav Holst et Francis Poulenc, eux aussi très friands des couleurs et des caractéristiques de cette famille d’instruments.

Le ton est donné avec les Deux Mouvements pour flûte, hautbois, clarinette et basson, bucoliques, narratifs, légers. Dans le Trio pour violon, violoncelle et harpe qui suit, la présence de cordes donnent plus de sérieux ; avec lyrisme, voire un ton légèrement dramatique, cette pièce en trois mouvements n’en conserve pas moins une charmante fantaisie. Et même si la harpe n’a pas la charge historique du piano, et nous préserve de trop de références mythiques d’œuvres pour piano, violon et violoncelle, elle n’est pour autant pas traitée comme un simple instrument d’accompagnement, plus ou moins décoratif, mais bien comme un interlocuteur à part entière des cordes, avec même une certaine puissance.

Les Trois pièces brèves pour flûte, hautbois, clarinette, cor et basson nous réservent bien des surprises : un sens du swing incomparable dans la première, un savant jeu sur les intervalles dans la deuxième, et un humour un peu narquois dans la troisième. Les Deux Interludes pour flûte, violon et harpe n’en sont que plus touchants de nostalgie, avec une petite touche sud-américaine dans la seconde. Retour à la bonne humeur avec les Cinq pièces en trio pour hautbois, clarinette et basson, qui nous réservent cependant, dans les deux plus longs morceaux (les deuxième et quatrième), une douceur et une tendresse réellement émouvantes.

Et enfin, l’album se termine en beauté avec, de loin, la pièce la plus développée : le Capriccio pour dix instruments (flûte, hautbois, clarinette, basson, trompette, harpe et quatuor à cordes) où l’on retrouve toutes les qualités énoncées plus haut. Mais il s’y ajoute un sens du mystère, parfois même une certaine tension, qui font de ces onze minutes un petit drame en miniature. Le compositeur a dit de ce Capriccio : « L’esthétique de cette page obéit simplement à ma fantaisie, du moment qu’elle échappe à tout procédé ou tout système préconçu. » Cela aurait pu être dit à propos des autres pièces ici enregistrées, car c’est bien ce que l'on ressent à leur écoute.

Voilà donc un album fort bien construit, et qui rend pleinement justice à cet aspect assez secret de Jacques Ibert. L'Ensemble Arabesques y est de bout en bout impeccable (avec une mention toute particulière pour les instrumentistes à vent, qui font preuve d’une homogénéité et d’un sens du détail remarquables). Leur plaisir de jouer cette musique d’un abord très immédiat -mais qui gagne à être approfondie-, pleine de verve et d’élégance, est tout à fait communicatif.

Son : 8 – Livret : 8 – Répertoire : 9 – Interprétation : 8

Pierre Carrive

 

 

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