Les 3B ne sont pas toujours ceux que l'on pense !
Jean-Sébastien BACH
(1685-1750)
Sonate n°3 en do majeur pour violon
Béla BARTOK
(1881-1945)
Sonate pour violon solo Sz. 117 BB 124
Pierre BOULEZ
(1925-2016)
Anthèmes 1 pour violon solo - Anthèmes 2 pour violon et électronique
Michael Barenboim, violon
2017-DDD-78'33"-Textes de présentation en allemand, anglais et français - Accentus Music ACC30405
Eh bien non ! Ce ne sont pas Bach, Beethoven et Brahms mais bien Bach, Bartók et Boulez. Et nous voilà face à un fascinant récital circulaire de Boulez à Boulez en remontant le temps pour aborder successivement Bartók et Bach.
En entrée de ce festival, Boulez et son Anthèmes 1 - du grec ancien anqhma, anthêma, inflorescence ! c'est une courte pièce pour violon d'un peu moins de neuf minutes à double objectif comme l'indique la partition : "commande du concours international Yehudi Menuhin de la ville de Paris" et, plus simplement, à Alfred Schlee - en souvenir amical du 19.11.91. Cette date énigmatique n'est autre que la date du nonantième anniversaire d'Alfred Schlee, le fondateur des "universal edition" qui a publié les œuvres principales de Pierre Boulez (c'est à l'occasion de ce même anniversaire qu'Olivier Messiaen a écrit sa courte Pièce pour piano et quatuor). Quoiqu'il en soit, cette pièce de concours nous montre un Boulez de sa période post-sérielle bien loin de l'austérité et de l'aridité qu'on lui attribue si souvent à tort. Passant par toutes les nuances entre le triple forte fff et le quadruple pianissimo pppp, les idées s'entrechoquent à partir d'un bloc de sept notes transformé dans une écriture très virtuose en six séquences bien séparées par des glissandi sur deux cordes.
Commandée par Yehudi Menuhin, la Sonate pour violon seul est la dernière composition achevée d'un Bartók en rémission de sa leucémie. De l'avis général, c'est un chef d'œuvre. D'amples proportions, plus de vingt-cinq minutes, elle est en quatre mouvements : un tempo di ciaccona, une fuga, une superbe melodia, guère éloignée d'un Beethoven de la dernière manière et un presto final, continuel frémissement des quatre cordes du violon.£A peu près de même ampleur, la Troisième sonate pour violon seul en do majeur de Jean-Sébastien Bach est également en quatre mouvements : un adagio qui répète inlassablement un bref motif, une terrible fuga de plus de dix minutes de contrepoint hautement complexe, largo et allegro assai bipartite qui déroule le jet euphorique continu du trait violonistique.
La boucle se referme avec le retour à Boulez et son Anthèmes 2 directement issu de l’Anthèmes 1 dont la structure musicale des six sections du violon est démultipliée par l’électronique gérée par Andrew Gerzso. L’effet de fascination est garanti. Michael Barenboim est un familier de cette œuvre de près de vingt minutes ; il l’a déjà enregistrée avec le même Andrew Gerzso à l'électronique pour Deutsche Grammophon dans l’album Hommage à Boulez rendu par son père Daniel Barenboim et son West-Eastern Divan Orchestra interculturel.
Le livret comporte un beau texte en six pages de Michael Barenboim lui-même qu'il a intitulé le théâtre du violon. Il est complété par trois photos inédites du violoniste avec Pierre Boulez. Barenboim précise son projet : C'est un concert !... En effet, je souhaitais à tout prix que les œuvres parlent entre elles, dialoguent et se fécondent mutuellement... en faisant cohabiter des pièces différentes, chacune d'elle prise séparément tend à gagner en richesse et en profondeur. Et la magie opère sous l'archet de ce violoniste à l'aube de ses trente ans et déjà dans la plénitude de son talent qui parvient à nous familiariser avec des œuvres parmi les plus élaborées du répertoire. Un programme peu commun et du violon seul à écouter avec recueillement !
Jean-Marie André
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10