L’œuvre pour violon seul de Bach

par

Johann Sébastian Bach (1685-1750) : Intégrale des Sonates et Partitas pour violon seul
Song Tchakerian, violon
2013 – DDD – 68’71’’ + 66’74’’ – Texte de présentation en anglais et italien – Decca - 4810087

Après Yehudi Menuhin, Gérard Poulet, Julia Fischer et tant d’autres, la violoniste italienne d’origine arménienne Sonig Tchakerian se lance dans l’enregistrement des Six Sonates et Partitas pour violon seul de Jean-Sébastien Bach. Aventure redoutable lorsque l’on regarde la discographie précédent ce volume. Tchakerian, qui a déjà un long chemin dans les studios d’enregistrement, fait ses études au Conservatoire de Venise, sa ville natale. Egalement diplômée de l’Académie de Cremone et suivant des master-classes, elle reçoit plusieurs prix, notamment des concours Paganini et A.R.D à Munich. Jouant auprès de grands artistes et orchestre, elle décroche très vite des critiques positives pour ses enregistrements de Beethoven, Barber, Saint-Saëns et d’autres. Si la signification du terme « libre » semble affecter la violoniste, ce sera pour le plus grand bien du compositeur. Favorites des bis lors des concerts, ces Six suites pour violon seul sont composées par Bach en 1720. Redoutables par leur complexité tant harmonique que rythmique, elles se composent de quatre mouvements pour les Sonates, alternant tempos lent et rapide, et de cinq à huit mouvements pour les Partitas (succession de danses). Bach compose ces pièces lorsqu’il est employé à Cöthen. En dehors des Sonate n°3 et Partita n°3 qui sont respectivement en ut majeur et mi majeur, toutes les autres sont dans des tonalités mineures, confirmant le côté tragique voulu par Bach dans certains mouvements. Mélangeant les styles italien et allemand, la violoniste propose une lecture mature. Précision et belle virtuosité pour la Première sonate. Un phrasé digne des plus grands et le travail des « nuances » notamment dans la fugue est intéressant, même si un léger trait de dureté s’affiche à certains endroits. Bel accent dramatique pour la Seconde sonate où la longueur des notes et le vibrato sont contrôlés avec minutie. La Fugue, toujours aussi construite, et le travail polyphonique qui en découle démontrent une lecture intelligente de la partition. Belle conduite de la mélodie dans l’Andante, tout comme la dernière Sonate qui offre un caractère presque minimaliste. L’ambiance intime retenue ici reflète l’envie de la violoniste d’enregistrer ces pièces dans un cadre étonnant : Santa Croce d’Arménie à Venise. L’acoustique du lieu semble convenir à la violoniste qui développe un beau travail sur les dynamiques et sur les nuances, rendu possible par le peu de réverbération. La dernière sonate, comme une longue respiration, s’imprègne de cette ambiance et offre un grand souffle. Beau contrepoint expressif pour la Première partita. Bonne longueur d’archet et virtuosité impressionnante pour le Double presto. La Seconde partita, en hommage à Maria Barbara, première épouse de Bach, développe un thème clairement entendu dans la Chaconne. Travail soigné pour ce thème ainsi que pour la Courante qui, par ses accents, donne un effet de décalage. Enfin, la dernière Partita, célèbre, est jouée avec une technique d’archet parfaite pour le Prélude. Le côté dansant et joyeux est agréable tandis que la Gigue conclut ce double disque avec brio.
Une intégrale intéressante et mature qui vaut d’être écoutée.
Ayrton Desimpelaere
Son 10 – Livret – 4 – Répertoire 9 – Interprétation 9

 

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