L’Opéra de Lausanne part en tournée avec Dédé 

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« Dans la vie faut pas s’en faire, moi je ne m’en fais pas ! »… Qui n’a pas gardé en mémoire ce refrain que fredonnait Maurice Chevalier avec cette gouaille de dandy qui avait fait le succès de Dédé dès le soir de la création du 10 novembre 1921 au Théâtre des Bouffes-Parisiens ? De ce vaudeville d’Henri Christiné sur un livret d’Albert Willemetz, l’intrigue est bien mince : pour plaire à la ravissante Odette, André de la Huchette dit Dédé achète le magasin de chaussures de M. Chausson, en ignorant que le propriétaire est l’époux de la belle. Pour redonner un certain lustre à la boutique au bord de la faillite, Dédé en confie la gérance à Robert Dauvergne, joueur ruiné à Monte-Carlo, qui s’emploie à activer les rénovations avec la complicité des vendeuses travaillant le soir comme danseuses au Casino de Paris. Seule, la chef de rayon, Denise, ne sait pas comment se débarrasser de son ancien patron, Maître Leroydet, le notaire, alors que, secrètement, elle aime Dédé. Après moult péripéties, elle finira par l’épouser, tandis qu’Odette obtiendra de M.Chausson que Robert conserve le poste de gérant du magasin. 

Cent ans après la première, cette légèreté quelque peu datée fait toujours mouche auprès d’un public hilare qui a applaudi à tout rompre la production que l’Opéra de Lausanne a présentée dimanche dernier 6 juin. Dans un décor simple de Sébastien Guenot consistant en une tourelle d’exposition jouxtant un comptoir sous lequel s’enchevêtrent les cartons à souliers, la mise en scène et la chorégraphie de Jean-Philippe Guilois se déroulent à un rythme endiablé, que pimentent les magnifiques costumes d’Amélie Reymond mêlant le réalisme bourgeois aux paillettes de la scène.

A la tête d’un ensemble ad hoc comportant une douzaine de jeunes musiciens et un piano de renfort, Jean-Philippe Clerc, l’actuel chef de chant de l’Opéra de Lausanne, mène tambour battant un plateau de solistes où s’illustrent en premier lieu le baryton Joël Terrin incarnant Dédé avec l’aplomb du fringant soupirant et la diction impeccable qui canalisent les fanfaronnades du Robert hâbleur de Maxence Billiemaz. Avec une rare cocasserie, Richard Lahady personnifie Maître Leroydet sous ses nombreux travestissements face à la pimpante Denise de Laurène Paterno qui corrige peu à peu ses aigus pointus pour gagner en grâce, ce que l’on dira aussi de Béatrice Nani dominant son vibrato large pour stabiliser son émission. Si le quintette des vendeuses pèche par son élocution pâteuse, il est contrebalancé par les savoureuses compositions de Félix Le Gloahec (M.Chausson) et de Pierre-Yves Têtu (le commissaire/ le reporter).

Au rideau final, le public ne boude pas son plaisir face à ce spectacle qui sera joué pour dix soirées à l’Opéra de Lausanne avant de partir en tournée pour constituer la Route Lyrique 2021 et donner onze représentations dans les cantons de Vaud et du Valais jusqu’au 11 juillet. Qu’on se le dise !

Paul-André Demierre

Lausanne, Opéra, 6 juin 2021

Crédits photographiques : Jean-Guy Python / Opéra de Lausanne

 

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