L'opéra qui n'a jamais existé ?

par

Francesco CAVALLI
(1602-1676)
L'Amore innamorato
L'Arpeggiata, Nuria RIAL (sop.), Hana BLAZIKOVA (sop.), dir.: Christina PLUHAR
2015-DDD-66'52-Textes de présentation en anglais, français et allemand-Livret en italien, anglais, français et allemand-Chanté en italien-Erato 0825646166435 (1 CD + 1 DVD bonus)

L'Amore innamorato de Cavalli n'a peut-être jamais existé : la partition s'est-elle perdue ou le compositeur a-t-il renoncé à son projet d'écrire cet opéra ? Sans doute ne le saurons-nous jamais. Ce que nous propose Christina Pluhar dans cette nouvelle production n'est donc pas un ouvrage achevé, pas même une collection d'airs préservés de cette oeuvre, mais une reconstruction complète et, par nature, totalement hypothétique, à partir de pages essentiellement écrites par Cavalli. Ainsi, le prologue est-il celui de L'Ormindo; la sinfonia provient de Il Giasone, les airs sont extraits de La Calisto, La Rosinda, L'Artemisia, etc. Cette compilation est complétée par une toccata de Kapsberger ainsi qu'un air de Falconieri. Nous ne discuterons pas de la pertinence d'un tel exercice pour, tout simplement, nous laisser bercer par ces accents magnifiques, immédiatement séducteurs, ces airs somptueux qui nous aident à comprendre sans mal pourquoi Cavalli était le compositeur le plus apprécié de son époque. Plus belles encore que le reste, les lamenti (« Dammi morte » de l'Artemisia et « Alle ruine del moi regno » de La Didone) inspireront, comme le souligne très justement la notice, Purcell dans Didon et Enée, mais aussi Lully, Rameau, Haendel... Interprétation toute en nuances et en dentelles, brillante, délicate, subtile par un ensemble au mieux de sa forme. Le CD est accompagné d'un DVD de présentation de l'Arpeggiata à l'occasion de son 15e anniversaire: une succession de prises captées de 2004 à 2015 où la musique populaire -italienne, espagnole, grecque- est particulièrement mise à l'honneur, sans oublier des pages de Monteverdi, Cavalli et Purcell. On notera en particulier un Music for a while superbe et iconoclaste dans un arrangement très jazzy de Christina Pluhar et fort bien chanté par Philippe Jarroussky. La décontraction et l'humour des pièces les plus débridées y contrastent avec la concentration des pièces plus méditatives. Un très beau complément.
Bernard Postiau

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

Les commentaires sont clos.