Ludovic Morlot à Barcelone 

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Le chef d’orchestre Ludovic Morlot a été récemment désigné au poste de directeur musical de l’Orquestra Simfònica de Barcelona I Nacional de Catalunya – OBC, l’une des plus importantes phalanges symphoniques de la péninsule ibérique. Il prendra ses fonctions en septembre prochain avec de nombreux projets pour son orchestre. Crescendo Magazine rencontre Ludovic Morlot pour parler de ses ambitions catalanes. 

Une désignation au poste de Directeur musical est le fruit d’une rencontre à la fois musicale et humaine. Comment s’est produite votre rencontre avec l’OBC ? 

La rencontre s'est réalisée pendant la pandémie. Un premier projet m’a permis de diriger l’orchestre en effectif réduit à l’occasion d’un concert en streaming et sans public en raison des limitations sanitaires. J’ai ainsi pu rencontrer les cordes et quelques instrumentistes à vents pour un programme Bartók, Mozart et Ligeti. La suite s’est déroulée étape par étape car une relation avec un orchestre, c’est comme une relation humaine et on sait dès le début si on a envie de poursuivre. Nous avons pu trouver une date pour un second concert avec cette fois du public et un effectif instrumental plus conséquent à l’automne dernier. Il y avait à l’affiche des œuvres de Lili Boulanger, Bartók, Ravel et Roussel. Des deux côtés, nous avons senti le potentiel incroyable qui pouvait se déployer et nous faire grandir en tant qu'artistes. J’ai ensuite rencontré les membres de l’équipe artistique et administrative ainsi que les collaborateurs de l’Auditori, la salle de concert de l’OBC. Ensemble nous avons pu concrétiser un projet dans une ville aussi exceptionnelle et dynamique que Barcelone.   

Comment voyez-vous la place de l’OBC dans la vie musicale ? 

Chaque orchestre a pour mission d’être le cœur artistique d’une ville au service de la communauté des Barcelonais. La vie culturelle catalane est très riche au niveau musical, ce dont témoigne la large palette de talents chez les compositeurs. La tradition lyrique et la tradition chorale sont également fortes et hautement qualitatives tout comme celle des bandas avec la Banda Municipal dont la notoriété n’est pas à faire. Notre ambition et notre mission doivent être de servir cette communauté dans l’esprit d’être une plateforme pour connecter les publics mais aussi les projets.  

Est-ce que vous avez déjà déterminé des axes structurant de votre mandat

L’une de mes premières actions est d’analyser la programmation des 25 dernières années et trouver quels répertoires complémentaires doivent être proposés. L’une de nos missions essentielles est de constamment réfléchir à la manière de défricher de nouveaux axes du répertoire symphonique. Il y a bien évidemment des fondations structurantes comme la forte présence de la musique contemporaine qui est une marque de l’identité de l’orchestre. Je souhaite poursuivre le lien entre l’OBC avec les compositeurs catalans, ainsi que mener une politique de co-commandes en connectant l’orchestre à d’autres institutions musicales à travers le monde. Je songe également à des projets d’enregistrements ou de tournées pour renforcer la présence de l’Orchestre en Europe dans les festivals. 

Est-ce que vous pensez déjà à des compositeurs en particulier ?  

Oui bien sûr ! Je peux déjà citer quelques noms mais rien n’est figé. Je vais tout d’abord diriger une grande variété de compositeurs pour bien cerner la spécificité de l’orchestre. Mais je songe déjà à Ravel. Certes, sa musique, si inspirée d’une idée de l’Espagne, sied très bien à l’OBC et notre concert de l’automne dernier avec la Suite n°2 de Daphnis et Chloé, nous a fait réciproquement nous sentir musicalement très à notre aise et cela donne envie de poursuivre l’exploration commune. Je peux vous citer Bohuslav Martinů, qui est un compositeur qui m’attire mais que je n’ai pas encore eu l’occasion de trop aborder. Nos deux concerts avaient à l’affiche des partitions de Bartók, c’est sans aucun doute un hasard, mais là aussi le résultat commun me donne envie d’approfondir ses œuvres avec l’OBC. Enfin, j’aimerais également proposer aux Catalans des partitions de compositeurs américains. 

L’an passé, nous parlions déjà des conséquences du Covid sur les orchestres. Vous nous disiez « Je pense qu’il faut reprendre son idée d’un pôle de musiciens, une communauté d’artistes avec des intérêts et des passions différentes ». Aujourd’hui, nous sommes encore plus loin dans la crise Covid et les enjeux sociétaux des suites de la pandémie sont encore plus intenses. Votre avis s’est-il modifié ? 

Non, je garde foncièrement cet avis ! Il ne faut pas évoluer vers une frilosité mortifère avec moins d’effectif et des programmations plus conservatrices. Il faut prendre le chemin inverse et ouvrir en grand ! Je reste partisan de cette idée d’un pôle de musiciens flexibles en fonction des projets, c’est déjà ce que disaient Pierre Boulez ou Iván Fischer avec leur idée de créer des petits groupes au sein d’un grand groupe. Il faut redonner un espace créatif aux musiciens des orchestres, cibler leurs intérêts (musique ancienne, musique contemporaines, projets pédagogiques ou participatifs…). Les musiciens seront plus impliqués car plus connectés ! C’est peut être utopique ou ambitieux, mais je pense que nous pouvons y parvenir. J’ai la chance à Barcelone d’avoir un orchestre en expansion avec de nombreux recrutements à venir. Cette philosophie d’ouverture sera notre ambition. 

Cette semaine, à Lille, vous dirigez un programme avec une œuvre rare d’une compositrice, deux classiques de Ravel et Stravinsky et une création contemporaine d’Hector Parra. Est-ce que c’est pour vous un programme exemplaire de ce que doit être l’affiche d’un concert ? 

Oui, mais le plus important est de ne pas créer un format rigide ! Il faut garder la surprise et il est important de combiner les musiques confortables pour l’auditeur avec une part de découvertes. Un concert est un peu comme une expérience culinaire. Pourquoi se limiter à manger systématiquement la même chose dans le même restaurant ? Découvrir des nouvelles propositions est une manière de découvrir de nouvelles saveurs et d’avoir des points de comparaison. Il faut également se laisser le temps d’apprivoiser les nouveautés ! C’est essentiel pour la musique de notre temps et les perspectives offertes par le streaming qui permet d’écouter à nouveau les œuvres est une grande chance.  

La site du Ludovic Morlot : https://ludovicmorlot.com

Le site de l'OBC : https://www.obc.cat/en 

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

Crédits photographiques : DR

 

 

  

 

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