Lukás Vondráček clôture les Flagey Piano Days en beauté

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C’est sur un récital d’Elisabeth Leonskaja qu’auraient dû se conclure les Flagey Piano Days de cette année. Mais la grande pianiste russo-autrichienne s’étant vue contrainte d’annuler un récital attendu avec impatience, c’est un brillant remplaçant que parvinrent à trouver les organisateurs en la personne d’un Lukás Vondráček qu’on avait somme toute assez peu entendu chez nous depuis son triomphe amplement mérité au Concours Reine Elisabeth en 2016.

On connaît la formule de ces journées, où chaque pianiste propose un récital d’environ une heure sans entracte. Nous pouvons déjà vous révéler que Vondráček dépassa assez largement ce cadre, mais nul dans la salle n’aura songé à s’en plaindre tant la prestation du pianiste tchèque fut d’un bout à l’autre convaincante dans un récital aussi finement conçu que superbement interprété.

On lui saura d’abord infiniment gré d’avoir mis à son programme des pièces de musique tchèque que l’on n’entend guère -et c’est bien dommage- en dehors de leur pays d’origine. C’est ainsi que Vondráček ouvrit son récital par une sélection de quatre morceaux tirés des Six Pièces pour piano, Op. 7 de Josef Suk, dont il fit entendre des versions pleine de tendresse (comme dans la Chanson d’amour qui ouvre le cycle), de lyrisme et de simplicité dans les Idylles et la Dumka, mais aussi de délicatesse comme dans cette Humoresque qui fait curieusement songer à Chabrier dans sa subtilité.

Lukás Vondráček offrit ensuite trois des dix pièces du deuxième recueil de Danses tchèques de Smetana, musique conçue comme une réplique aux Danses slaves de Dvorák, dont Smetana est ici particulièrement proche par les rythmes bondissants et enlevés du Furiant joué en dernier avec une virtuosité diabolique proprement lisztienne. Mais on aura tout autant apprécié la délicatesse de l’interprète dans le très chopinesque Uhlan donné en premier. 

Le coeur de ce récital était cependant les Kreisleriana, Op. 16 de Schumann. Plutôt que de décortiquer chacune des huit parties de ce superbe cycle, il vaut mieux saluer la superbe interprétation qu’en donna le pianiste tchèque. Schumann est certainement l’un des compositeurs les plus difficiles à interpréter, car s'il demande une virtuosité sans faille, il exige plus encore de la spontanéité, de l’imagination et de la sensibilité afin de rendre aussi bien les emportements juvéniles de la musique que la poésie toujours présente dans chaque phrase, chaque accord, chaque note. On ne peut que s’incliner devant le mélange de fougue et de délicatesse dont fit preuve ici Lukás Vondráček. Le pianiste eut en plus la superbe idée de faire immédiatement suivre les Kreisleriana de la rêveuse Arabesque du même compositeur, et dont l’exquise Coda apporta une merveilleuse conclusion toute de sérénité apaisée à cet inattendu diptyque comme à ce magnifique récital.

Bruxelles, Flagey, le 20 février 2022.

Patrice Lieberman

Crédits Photographiques : Geert Van Hoeymissen

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