A Genève, l’OSR à la veille d’une tournée 

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Avant d’entreprendre une tournée en Espagne faisant halte à Oviedo, Madrid, Saragosse, Barcelone et Alicante, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande présentent l’un de leurs  programmes au Victoria Hall le mercredi 16 février. Mais Emmanuel Pahud, mis en quarantaine à cause d’une infection au Covid-19 jusqu’à cette date-là, ne peut pas assurer sa participation à la soirée. Et c’est Loïc Schneider, flûtiste solo de l’ensemble romand depuis 2009, qui le remplace dans l’exécution du Concerto de Jacques Ibert datant des années 1932-1933. 

Même si le tutti est d’une épaisseur étouffante, le soliste réussit à faire entendre ses traits brillants interminables tout en cultivant une veine lyrique qui se pare de tendresse idyllique dans l’Andante où le canevas s’allège. Quant au Final, il prend un caractère burlesque par ses éclats sautillants qui, brusquement, s’estompent pour faire place à une mélancolie passagère, vite dissipée par la cadence virtuose et la stretta endiablée. Face à l’accueil enthousiaste des spectateurs, Loïc Schneider offre de bonne grâce un bis, Syrinx de Claude Debussy, conçue comme une incantation lente qui devient confidentielle par sa conclusion en points de suspension pianissimo.

En seconde partie, Jonathan Nott propose l’une des oeuvres charnières de Gustav Mahler, la Cinquième Symphonie en ut dièse mineur datant des étés 1901 et 1902. Aux quatre trompettes imposant une marche funèbre impressionnante, il répond par la longue lamentation des violons qui devient lancinante, alors que les cuivres emphatiques semblent vouloir prendre le dessus dans un Stürmisch bewegt à l’arraché, scandé par les bois railleurs. Le cantabile expansif des violoncelles s’innerve de tensions suscitées par la clarinette qui butent ensuite contre le portique érigé par les vents. Le cor solo mène le Scherzo avec une noblesse de ton qu’atténuera le rubato des premiers violons amenant un ländler. Le pizzicato des cordes le rendra étrange, voire même satanique dans l’écheveau arachnéen de la stretta. Sublime, le célèbre Adagietto qui n’est qu’épanchement en demi-teintes avec des phrases s’étirant pour se décanter sur le sforzato des cordes graves. Le Final prend forme peu à peu par l’intervention du basson, du hautbois, du cor et de la clarinette provoquant la houle des cordes avec ses lames sonores qui s’écraseront devant l’apparition des cuivres triomphants et… les salves d’applaudissements d’un public subjugué.

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 16 février 2022

Crédits photographiques : Pierre Abensur

 

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