Martha Argerich en coffret
Martha Argerich. The Warner Classics Edition. Complete EMI Classics, Teldec, Erato & Warner Classics Recordings. 1965-2020. Livret en français, allemand et anglais. 46 CD Warner Classics. 5 021 732 40 8884
Warner Classics met en boîte ses enregistrements avec la légendaire pianiste Martha Argerich. Il ne s’agit pas tant d’une somme que d’un regroupement des différents enregistrements publiés sous les labels Erato, Teldec ou EMI et publiés entre 1965 et 2020. On retrouve des enregistrements de musique de chambre et de concerto bien connus avec ses fidèles compères Mischa Maisky, Gidon Kremer, Charles Dutoit, Alexandre Rabinovitch, mais les deux tiers de ce coffret sont composés de live des concerts organisés à Lugano et captés entre 2002 et 2016, avec ses fidèles compères déjà cités mais avec toute une nouvelle génération d’artistes : Renaud Capuçon, Gautier Capuçon, Mauricio Vallina, Sergio Tiempo…Au niveau du répertoire le grand intérêt est d'offrir une autre regard sur le répertoire de la pianiste. Certes, il y a des intangibles, comme le Concerto pour piano (dit en sol majeur de Ravel, présenté 2 fois en compagnie de l’Orchestra della Svizzera Italiana avec Alexander Vedernikov et Jacek Kaspszyk, mais aussi des raretés comme la Sonate pour violon n°5 de Weinberg (avec Gidon Kremer), la Petite suite de Claude Debussy (avec Cristina Marton), le Concertino pour piano de Leoš Janáček. Le titre collector réside dans un demi disque consacré à des oeuvres de tango de Mariano Mores, Luis Bacalov, Carlos Guastavino et Astor PIazzolla.
Bien sûr la reine Martha est la grande vedette. Que ce soit depuis le premier enregistrement de 1965 à Abbey Road avec la Sonate n°3 et d’autres pièces de Chopin, jusqu’au phénoménal Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saëns en compagnie d’Antonio Pappano et des musiciens de son orchestre romain, en passant par des enregistrements de concerts ébouriffants à Amsterdam, tant en récital qu’en concerto (magistraux Concerto n°25 de Mozart avec l’Orchestre de chambre des Pays-Bas, en 1978 sous la direction de Szymon Goldberg et Concerto n°1 de Beethoven avec le Concertgebouw et le vétéran Heinz Wallberg en 1992.
Même quand l’accompagnement n’est pas toujours à sa hauteur : on peut citer des concertos de Mozart n°19 et n°20 assez mal secondés avec un Orchestra di Padova e del Veneto assez lourd sous la direction peu impactante d’Alexandre Rabinovitch ou des Nuits dans les Jardins d’Espagne de Manuel de Falla avec un Orchestre de Paris très peu concerné sous la direction bien neutre de Daniel Barenboim, la pianiste est fabuleuse avec une liberté aérée et virtuose dans Mozart et une incroyable palette des nuances dans de Falla qu’elle revisite comme jamais.
On se plaît à découvrir certains enregistrements qui nous étaient passés complètement inaperçus à l’image de la poésie de la Symphonie n°6 “Pastorale” de Beethoven dans une transcription pour piano à 4 mains de Selmar Begge avec Theodosia Ntokou. D’autres albums avaient quitté notre mémoire à l’image des Visions de l’Amen d’Olivier Messiaen ou de l’album proposant des versions pour deux piano de l’Apprenti sorcier de Dukas, de la Sinfonia Domestica de Richard Strauss ou de La Valse de Ravel avec son fidèle Alexandre Rabinovitch. Le sens du rythme et des couleurs est génial chez Messiaen alors que tout l’orchestre semble sortir des 2 pianos dans Strauss et Ravel.
Les argerichiens émérites ne chercheront pas l'enregistrement du Concerto pour piano de Ravel et du Concerto n°1 de Liszt avec l'Orchestre symphonique de Montréal et Charles Dutoit, un temps édité au Japon sous étiquette EMI, il n'a pas été possible pour des raisons de droits de l'inclure dans ce coffret.
Dès lors, un plantureux coffret à l’image d’un Menu dégustation d’un restaurant étoilé avec des multiples services. Parfois on adore, parfois on est sur la réverse, mais l’expérience finale est hautement concluante par la découverte des saveurs musicales. Un coffret presque à déguster à l’aveugle en choisissant au hasard les disques à écouter.
Note globale : 9