Juin 2019 : Martha Argerich et ses amis à Hambourg. C’est la fête !

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Rendez-vous avec Martha Argerich, volume 2. Felix Mendelssohn (1809-1847) : Trio pour piano, violon et violoncelle en do mineur op. 66. Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate pour violon et piano en sol majeur op. 78. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Andante et Variations pour piano à quatre mains en sol majeur K.501 ; Sonate pour piano à quatre mains en ré majeur K. 381/123a. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate pour piano et violon n° 9 en la majeur op. 47 « A Kreutzer ». Franz Schubert (1797-1828) : Fantaisie pour piano à quatre mains en fa mineur D. 940. Piotr Ilyich Tchaïkowvki (1840-1893) : Concerto pour piano et orchestre n° 1 en si mineur, op. 23. Igor Stravinsky (1882-1971) : Les Noces. Domenico Scarlatti (1685-1757) : Sonates pour clavier K. 20, 32, 55, 109, 128, 455 et 495. Johann Sebastian BACH (1685-1750) : Concerto pour quatre claviers et cordes en la mineur BWV 1065. Robert Schumann (1810-1856) : Kinderszenen op. 15. Frédéric Chopin (1810-1849) : Introduction et Polonaise brillante en do majeur op. 3. Serge Prokofiev : Sonate pour violon et piano en ré majeur n° 2 op. 94a ; Concerto pour piano et orchestre en do majeur n° 3 op. 26. Claude Debussy (1862-1918) : Petite Suite, L. 65. Enrique Granados (1867-1916) : Danse espagnole n° 5, arrangement Fritz Kreisler pour violon et piano. Fritz Kreisler (1875-1962) : Schön Rosmarin, pour violon et piano. Francis Poulenc (1899-1963) : Sonate pour deux pianos. Witold Lutoslawski (1913-1994) : Variations sur un thème de Paganini, pour deux pianos. Serge Rachmaninov (1873-1943) : Six Pièces pour piano à quatre mains op. 11 : Valse. Martha Argerich, Nicholas Angelich, Khatia Buniatishvili, Stephen Kovacevich, Karin Lechner, Gabriela Montero et Sergio Tiempo, piano ; Renaud Capuçon et Tedi Papavrami, violon ; Micha Maisky, violoncelle ; Symphoniker Hamburg, direction Sylvain Cambreling et Charles Dutoit, et une vingtaine d’autres interprètes. 2019. Notice en anglais, en allemand et en français. 362.00. Un coffret de six CD Avanti 5414706 10632.

Organisé à Lugano entre 2002 et 2016, un « Festival Martha Argerich » a réuni chaque été autour de la virtuose un grand nombre d’interprètes proches d’elle et de ses amis. Lorsque le sponsor principal s’est retiré, Hambourg a très vite succédé à la cité suisse. La ville hanséatique est très active sur le plan musical, avec sa magnifique Laeiszhalle sise sur la Johannes-Brahms-Platz, et son Schmidt Theater. Un public connaisseur et enthousiaste a accueilli les artistes du 25 juin au 1er juillet 2018. A l’affiche, on retrouvait des comparses traditionnels de la pianiste, auxquels sont venus s’ajouter une bonne vingtaine de solistes, ainsi que le Symphoniker Hamburg dirigé par Ion Marin. Dès l’année suivante, un coffret de 7 CD (Avanti 5414706 10572) s’en faisait l’écho, en regroupant une vingtaine d’œuvres jouées lors de ce festival.

Le couvert a été remis dans la ville portuaire du 20 juin au 1er juillet 2019, sous la forme d’une nouvelle édition, menée par la toujours fringante Martha Argerich, née, rappelons-le, en juin 1941. A ses côtés, on retrouvait, comme en 2018, les pianistes Nicholas Angelich, Stephen Kovacevich, Alexander Mogilevsky, Akane Sakai et Mauricio Vallina, le violoniste Tedi Papavrami et, au violoncelle, Mischa Maisky et Edgar Moreau. Une petite trentaine de solistes s’y sont ajoutés, et la direction de l’orchestre a été confiée à Sylvain Cambreling et à Charles Dutoit, partenaire de longue date de Martha Argerich. Un coffret de 6 CD Avanti rappelle aujourd’hui cette aventure ; il est le témoin d’une programmation éclectique, totalement différente de la saison précédente. Il propose vingt-six œuvres de dix-huit compositeurs, Martha Argerich étant présente à douze reprises. A toute majesté, tout honneur ! Commençons par elle avec deux concertos pour piano, qu’elle a abordés avec succès par le passé à plusieurs reprises. On ne peut que constater, dans le Premier de Tchaïkovski, qu’Argerich possède, encore et toujours, l’étincelante capacité de faire jaillir des feux d’artifice à côté de moments de tendresse infinie, et dans le Troisième de Prokofiev, de jouer de fluides fulgurances (la fin du premier mouvement !) et un lyrisme qui semble toujours improvisé. On ne jouera pas au jeu des comparaisons : ce que nous possédons de cette artiste hors normes se situe toujours au sommet. Bien mené par Charles Dutoit (Tchaïkovsky) et par Sylvain Cambreling (Prokofiev), successeur de Jeffrey Tate, disparu en juin 2017, le Symphoniker Hamburg apporte à la soliste un efficace soutien orchestral. 

On la retrouve dans le Trio n° 2 op. 66 de Mendelssohn, avec Renaud Capuçon et Edgard Moreau, pour une version ample, au sein de laquelle les partenaires rivalisent d’élans et de légèreté. Quant à la Sonate « à Kreutzer » de Beethoven, elle permet au duo Argerich/Papavrami d’allier ferveur et équilibre. Les dix petites minutes du Concerto pour quatre claviers de Bach BWV 1065 réunissent avec elle Dong Yek Lim, Sophie Pacini, Mauricio Vallina et le Symphoniker Hamburg, sans chef. Un moment de fraîcheur avant l’Introduction et Polonaise brillante op. 3 de Chopin que la pianiste a déjà jouée avec Mstislav Rostropovitch ou Gautier Capuçon. Ici, avec Mischa Maisky, on sent l’intensité complice. La Sonate n° 2 op. 94a de Prokofiev, encore avec Tedi Papavrami, s’inscrit dans la ligne du lyrisme joyeux improvisé, déjà signalé pour le Concerto n° 3. Sur le plan purement pianistique, Martha Argerich joue à quatre mains avec Stephen Kovacevich les élégants Andante et Variations K. 501 de Mozart et, du même, avec Akane Sakai, la vivifiante Sonate K. 381/123a. Avec Gabriela Montero, c’est Schubert et sa Fantaisie D. 940 aux contrastes dynamiques maîtrisés. On y ajoute, pour la bonne bouche, une Valse de Rachmaninov avec la trépidante Khatia Buniatishvili. Mais on s’arrêtera longuement à sa prestation des Kinderszenen de Schumann avec lesquelles la virtuose a des affinités électives, s’abstenant, comme jadis pour Deutsche Grammophon, de tout effet démonstratif afin d’en retirer toute la pureté et la lumière.

Les nombreux admirateurs de Martha Argerich ajouteront ces enregistrements publics récents à tous les trésors qu’ils possèdent d’elle. Il ne faut pas négliger pour autant les autres moments de ce rendez-vous, ceux auxquels elle ne participe pas. On s’attardera à la générosité de la Sonate n° 1 op. 78 de Brahms que Renaud Capuçon et Nicholas Angelich soulignent avec plénitude, au choix de sept séduisantes sonates de Scarlatti par Evgeny Bozhanov, 2e Lauréat du Concours Reine Elisabeth 2010, qui joue aussi à deux pianos avec Sergei Babayan la Petite Suite de Debussy. On savourera par ailleurs l’entente de Babayan avec le violoniste Gaza Hosszu-Legocky dans de brèves pièces de Granados et Kreisler, et celle qui existe depuis toujours entre Sergio Tiempo et Karin Lechner, qui sont frère et sœur et brillent dans les Variations sur un thème de Paganini de Lutoslawski. Avant de refermer ce coffret, dont la qualité sonore des prises en live est à souligner, on ne se privera pas non plus des Noces de Stravinsky que dirige Charles Dutoit (il a déjà enregistré la partition pour Erato), avec une équipe en verve : c’est une bonne version de concert.

Il ne faut pas rater ce Rendez-vous n° 2 avec Martha Argerich : il s’inscrit dans la continuité qualitative du volume n° 1 (à acquérir si ce n’est déjà fait), dans une atmosphère d’enthousiasme communicatif qui procure à l’auditeur de précieux moments musicaux.

Son : 10  Notice : 6 (uniquement de courtes biographies) Répertoire : 10   Interprétation : 10

Jean Lacroix

 

 

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