Stokowski à Londres
Leopold Stokowski. Vol 2. John Alldis Choir, Royal Philharmonic Orchestra, New Philharmonia Orchestra, London Symphony Orchestra & Chorus, direction : Leopold Stokowski. Enregistrements de concerts. 1961-1974. Pas de livret. 6 CD ICA Classics. ICAB 5183
ICA Classics propose un coffret reprenant des enregistrements de concerts d'orchestres londoniens sous la direction de Leopold Stokowski (1882-1977) qui avaient été, pour la plupart, déjà réédités dans le cadre de collections officielles (BBC Legends) ou de collections pas très légales.
On retrouve ici, le vénérable maestro à l'automne de sa carrière lors de son retour sur sa terre natale après sa carrière légendaire aux USA. Pour le premier live, le chef d’orchestre est âgé de 79 ans….Si parfois les vieux chefs aiment ralentir les tempi, étager la matière sonore et creuser une massivité, ce ne sont pas des aspects qui intéressent le vétéran. Cursivité et énergie sont les maîtres mots à l’image d’une Symphonie n°9 de Beethoven, emportée et engagée ou d’une Suite n°2 de Daphnis et Chloé de Ravel jubilatoire avec un tempo ultra-rapide dans la “danse générale” conclusive comme une overdose de boisson énergisante.
Stokowski c’est surtout une conception du son. L’orgue était son instrument et le chef aimait faire sonner un orchestre comme un orgue à l'amplitude sonore totale et à la puissance décuplée. Dans les extraits symphoniques des opéras de Wagner, cette conception du son est à son paroxysme. Alliée à une direction foncièrement narrative et directe, ça donne dans le spectaculaire et l’énergie communicative. On y pense à la saillie de Woody Allen dans Meurtre mystérieux à Manhattan : « quand j’écoute trop Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne ".
La musique russe était aussi une terre de prédilection de Stokowski : ses couleurs, ses timbres et ses contrastes prennent sous sa direction une fabuleuse puissance évocatrice. Sa Symphonie n°5 de Tchaïkovski est altière de conquérante, ses Danses polovtsiennes du Prince Igor de Borodine sont enragées et d'un fauvisme abrupt alors que son Ouverture 1812 de Tchaïkovski, arrache tout sur son passage.
On connaît la passion du chef pour les orchestrations, c’est parfois gras, épais et peu digeste comme dans les Tableaux d’une exposition, parfois ultra-romantique comme dans la Passacaille et Fugue de Bach avec la massivité imposante d'un building du Nouveau monde. Petit pécher mignon, sa version du la Nuit sur le mont chauve de Moussorgski, telle un typhon tropical qui n' pas le limites. On peut détester, mais il faut respecter l'engagement du chef dans ces interprétations si personnelles des partitions originales.
Le répertoire de Stokowski était immense et il était très concerné par la musique de son temps. On apprécie ici le le rare Concerto pour double orchestre à cordes de MIchael Tippett et la Symphonie n°6 de Nielsen. Loin de ses élans et des fulgurants de sa conception du son, le chef est ici très méticuleux, ciselant avec dévotion ces deux partitions en particlier le diamant étincellant qu'est la symphonie de Nielsen.
Les machines à jouer que sont des orchestres londoniens sont en parade sous cette direction qui sait leur insuffler le plus qui les fait atteindre l’exceptionnel, même si, aléas du live, il y a parfois quelques scories.
Les prises de son de concert sont des captations live donc bien évidemment elles ne versent pas dans le hifisme. Le spectre un peu étriqué et les dynamiques sont un peu courtes et cela nuit à notre parfaite appréciation de l’art du chef. C’est un aspect à considérer avant d'acquérir ce coffret. De plus, le label n’a pas jugé bon de joindre un livret, mais les indications essentielles sont au verso des jaquettes des disques.
Un coffret attachant et qui rend justice à un chef, véritable star de son vivant, maillon essentiel de l’art de la direction, mais que le temps à tendance à oublier.
Note globale : 9