Michel Corboz, passions chorales classiques et romantiques

par

Michel Corboz. The Complete Erato Recordings. Classical & Romantic Eras. Livret  36 CD. Livret en français, anglais et allemand. 36 CD Erato 5 054197 186783. 

Warner, via sa filiale Erato, nous propose le prolongement d’un premier coffret hommage à Michel Corboz paru l’année dernière. Après les œuvres de l'ère baroque, voici le legs du chef suisse dans le répertoire classique et romantique. Warner, qui reprend les titres des labels Erato et Fnac Music/Aria, envisage cet hommage au sens large car le coffret repique des gravures pour lesquelles Michel Corboz était le chef des choeurs : l'imposant Golgotha de Frank Martin sous la  baguette de Robert Faller (1969) et les pétaradantes Noces de Stravinsky sous la baguette de Charles Dutoit (avec Martha Argerich et Nelson Freire dans l'équipe des pianistes).  

Au niveau des œuvres, on retrouve le cœur de répertoire du chef : Mendelssohn avec des gravures essentielles des oratorios Elias, Christus et Paulus, mais aussi de la cantate séculaire Die erste Walpurgisnacht et de nombreux Psaumes. La ferveur du chef est communicative et on le sent habité par cette musique dont il rend avec dévotion et amour toutes les nombreuses caractéristiques. Mozart est également représenté avec deux versions du Requiem et la Grande messe en ut. Là encore, la ferveur surmonte parfois une direction un peu linéaire et épaisse, même si le chef parvient à imposer une belle énergie aux forces chorales. Du répertoire allemand, on retient les deux versions de Ein Deutsches Requiem dont un live de 1989 au Festival de Fribourg emporté au panache, comme si tous les artistes se hissaient vers le miraculeux. Les albums Schumann (Messe en ut et Requiem für Mignon) et Schubert (Magnificat, Offertorium et Stabat Mater) sont également à connaître pour la justesse du ton.  

Avec Fauré, on reste sur les sommets tant cette musique coule dans les veines du chef. La fine poésie du Requiem trouve en Corboz un interprète dévoué qui comprend les moindres nuances de cette musique de clair-obscur. La deuxième version proposée dans ce coffret, captée en 1992 à Lausanne, est une des plus grandes versions de la partition.  La musique chorale française est également une terre d’excellence et on se réjouit de retrouver des gravures majeures d'œuvres de Vierne, Gounod, Saint-Saëns, Alain et Langlais avec rien moins que la grande Marie-Claire Alain à l’orgue. L’une des plus grandes réussites de ce coffret réside dans le disque consacré à la Danse des morts et la Cantate de Noël de son compatriote Arthur Honegger. Sans gommer la modernité des textures et du traitement choral, Corboz place ces partitions parfois déroutantes sous le signe d’une forme de classicisme et d'élégance, ainsi la Danse des morts se découvre avec la dignité d’un statuaire antique. On aime beaucoup cet équilibre au cordeau qui porte Honegger vers des horizons que d’autres n’avaient pas explorés. On termine ce parcours français avec l’un des plus beaux Gloria de Poulenc, taillé comme un diamant éclatant.  

La musique italienne n’était pas foncièrement le répertoire que l’on associait au chef helvétique, mais il se montre très à son aise dans Messa di Gloria de Puccini, ici délicate et lumineuse, dans la beauté formelle  de la Petite messe solennelle de Rossini ou dans le Requiem de Verdi. De cette dernière oeuvre, la discographie est bardée de références plus impactantes au niveau dramatique ou orchestral sans parler du prestige de la distribution, mais Corboz se distingue par la cohérence de sa vision et encore cette ferveur qui transcende les artistes dans une version aérée et lumineuse. 

Le coffret comporte de sympathiques chemins de traverses qui s’avèrent des compléments éditoriaux bienvenus même si pas indispensables : le Requiem de Von Suppé ou celui du Portugais Bomtempo. On placera à la marge trois albums en retrait : un disque Beethoven avec la Messe en Ut Majeur et la brève cantate chorale Meeresstille und Glückliche Fahrt un peu fade et caractérisé par des chanteurs décevants, un album autour des Marienlieder de Brahms un peu trop neutre et de très dispensables concertos pour clavecin de Haydn avec Christiane Jaccottet en soliste. Mais ce sont peu de choses par rapport à la très haute tenue artistique de coffret. 

Dès lors, si le précédent coffret centré sur le répertoire baroque était fort dispensable, celui-là est une pierre angulaire de l’art interprétatif. C’est un magnifique hommage à un chef qui, en dehors des lumières du star system, a pu développer un savoir-faire unique que ce soit avec son Ensemble vocal de Lausanne ou avec les forces chorale de la Fondation Gulbenkian de Lisbonne. On ne peut qu’admirer la capacité du chef à conserver, quelles que soient les oeuvres, le contrôle de l’équilibre et en intégrant des solistes que ce soit des grands noms ou de fidèles compagnons de route. 

La boite Warner est fort belle et on apprécie de retrouver les pochettes d’origine, qu’il s’agisse de l’esthétisme un peu froid des antiques pochettes Erato avec le traditionnel fond blanc ou les dynamiques patchworks très années 1990 des albums édités par Fnac Music / Aria.     

Son : 8/10 – Livret : 8 – Répertoire : 7/10 – Interprétation : 9 

Pierre-Jean Tribot

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.