Mirga Gražinytė-Tyla, pour écrire l’Histoire

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©BBC/Chris Christodoulou

Grand évènement aux BBC Proms de Londres : le concert londonien de prise de fonction de Mirga Gražinytė-Tyla comme Directrice musicale du City Of Birmingham Symphony Orchestra (CBSO).

Si l’accueil d’un nouveau Directeur musical n’est pas, en soi, un évènement ! Il est (encore) trop rare qu’un poste auprès d’un orchestre majeur soit confié à une jeune femme (Mirga Gražinytė-Tyla a juste 30 ans), mais la musicienne marche dans les pas de ses prédécesseurs à Birmingham : Simon Rattle, Sakari Oramo et Andris Nelsons, tous devenus des stars de la musique. Dans cette ville et avec cet orchestre, c’est l’histoire de la vie musicale qui s’écrit et la jeune cheffe d’orchestre vient d’y ouvrir un nouveau chapitre !
Pour ses débuts londoniens, le lendemain de son concert d’intronisation à Birmingham, elle proposait un programme éclectique de Mozart à Tchaïkovski en passant par Hans Abrahamsen.
Tout a quasiment déjà été écrit sur le « Let me tell you » du Danois Hans Abrahamsen, composé sur un texte de l’auteur Paul Griffith. L’œuvre est spécialement dédiée à la soprano-cheffe canadienne Barbara Hannigan est un récit à la première personne d’Ophélie, tragique personnage de la noblesse du Hamlet de Shakespeare. L’enregistrement paru chez Winter&Winter avec la chanteuse et sous la direction d’Andris Nelsons a glané tous les prix discographiques possibles et imaginables. Ce cycle en sept parties peine tout de même à passer le cap du concert. Si la musique, minérale et économe de moyens, est parfois envoûtante dans la beauté pure de ses climats, elle n’en reste pas moins assez longue et répétitive dans ses effets. Le talent et la force de conviction conjointes de la cheffe et de la soprano ne sont pas responsables de la certaines déception qui pointe chez le commentateur.
La partie purement symphonique débutait par une bondissante ouverture de la Flûte enchantée, énergique et savoureuse à souhait pour triompher avec une Symphonie n°4 de Tchaïkovski porté par le charisme de Mirga Gražinytė-Tyla. Cette symphonie est assurément une œuvre de « direction musicale » qui doit voir le chef  (ou la cheffe) imposer sa technique et sa maîtrise structurelle d’une partition qui ne demande qu’à être démonstrative (et trop souvent vulgaire). Mais la jeune femme fuit les effets et de manche et les tics de chef pour imposer une interprétation altière et aérée, ménageant des tons frais lors des plages apaisées. Son CBSO, tranchant et concentré, lui répond à merveille et les différents solistes des pupitres de vents font très forte impression ! Le dernier mouvement, arraché au panache, mais avec une énergie communicative, soulève les travées sur Royal Albert Hall. Une semaine après ses débuts triomphaux au festival de Lucerne, Mirga Gražinytė-Tyla confirme qu’elle est l’un des talents les plus exceptionnels du moment. Quant à l’Orchestre de Birmingham, il reste un des cœurs de la vie musicale mondiale.
Londres, Royal Albert Hall, le 27 août 2016

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