Mozart : un Requiem crépitant. Et hors sujet ?

par

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Requiem en ré mineur K. 626. Golda Schulz, soprano. Katrin Wundsam, mezzo-soprano. Martin Mitterrutzner, ténor. Nahuel di Pierro, basse. Andrea Secchi, chef de chœur. Stefano Montanari. Orchestre et chœur du Teatro Regio de Turin. Juillet 2020. Livret en italien et anglais ; pas de texte des paroles. TT 43’16. Dynamic CDS 7932

Pour une œuvre aussi emblématique et abondamment enregistrée que ce Requiem le plus célèbre de l’histoire de la musique, on s’attendrait que le livret avançât quelque argument décisif, quelque option interprétative marquante, plutôt qu’un honorable résumé de la genèse de ce chef d’œuvre inachevé par Mozart. Le minutage du programme, sans couplage, annonce une lecture cravachée que confirme l’écoute. Une version cinétique qui rappelle, parmi les témoignages baroquisés (fussent-ils controversés), l’enregistrement de Jean-Claude Malgoire (CBS, 1986) gravée à l’avènement du TGV.

Après un Introitus fluide et caressant, esquissé du bout des doigts, la fugue du Kyrie embraye à vive allure au détriment de l’assise polyphonique, le Dies Irae s’agite frénétiquement, le Tuba Mirum enrôle les solistes dans des contorsions au tempo dévertébré et dégingandé, le Rex tremendae s’érige en surchauffe, le Confutatis surconsomme le carburant… Les moments d’émotion espérés du Recordare sont parcourus au pas de charge et semblent bien anecdotiques. Certes l’orchestre soigne ses couleurs et ses inflexions, tant qu’il peut dans cette course sans frein. Certes le chœur vibre d’une flamme communicative, certes les quatre chanteurs n’ont rien à se reprocher dans leur timbre et leur souci de caractérisation du texte liturgique.

Mais cette prestation sous turbocompresseur s’apparente à ces boissons énergisantes au goût capiteux qui stimulent dans l’instant sans nourrir. Rapprocher ce Requiem d’une certaine flamme opératique, pourquoi pas, mais l’assimiler à une cantate de brio ? La mèche étincelle, éblouit et fait long feu. Impressionnant mais traître. Une messe des morts n’est pas un Te Deum. Dans cet exténuant brasier turinois, la solennité abdique, l’émotion s’évapore. On regrette de rester incrédule face à ce zèle manifestement de bonne volonté, qui du moins bénéficie d’une très bonne prise de son.

Son : 8,5 Livret : 6 Répertoire : 10 Interprétation : 5,5

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

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