Musique de chambre pour alto de Gordon Jacob

par

Gordon Jacob (1895-1984) : Sonatine pour alto et piano (1946) ; Miniature Suite pour clarinette et alto (1956) ; Trio pour clarinette, alto et piano (1969); Variations pour alto solo (1975) ; Prélude, Passacaille et Fugue pour violon et alto (1948). Jadwiga Stanek (alto), Magdalena Swatowska (piano), Borys Biniecki (clarinette), Bolesław Siarkiewicz (violon). 2021-58’12-Textes de présentation en polonais et anglais- Dux - DUX 1847

Avant de commenter le contenu de ce cd, il faut avouer sa perplexité devant l’approche éditoriale de la courageuse firme polonaise Dux, telle qu’elle se retrouve dans un livret qu’on est obligé de qualifier d’indigent, sauf pour les fans des interprètes qui se voient chacun consacrer deux pages -bilinguisme oblige- de biographie très élogieuse et agrémentée d’une jolie photo en couleur. En revanche, la présentation du compositeur et des oeuvres proposées est expédiée en deux paragraphes, dont le deuxième se contente d’une simple énumération sans un mot de commentaire des oeuvres interprétées. Et pour ceux qui aimeraient en savoir plus ce compositeur britannique, il a droit à une demi-phrase précisant qu’il n’est guère populaire en Pologne. 

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Gordon Jacob -après avoir combattu durant la Première Guerre mondiale- étudia la composition, l’orchestration et la direction d’orchestre au Royal College of Music de Londres, où il eut comme principaux professeurs Stanford et Howells, mais aussi Vaughan Williams et Adrian Boult. Il enseigna à son tour au RCM de 1926 à sa retraite en 1966. Compositeur habile et au métier solide, il semble avoir été imperméable aux tendances progressistes de l’époque et opta pour un néo-classicisme transparent, agréable, quoique -osons le dire- assez anodin. Comme il ne donna pas de numéros d’opus à ses créations, elles sont ici identifiées par leur date de publication.

Pour revenir à ce disque, il a été conçu par l’altiste polonaise Jadwiga Stanek -encadrée ici par plusieurs collègues, tous actifs au Conservatoire de Bydgoszcz et/ou au sein de l’Orchestre Philharmonique de Poméranie Ignacy Jan Paderewski sis dans la même ville polonaise- comme une  ‘’défense et illustration’’  de l’alto par le biais de la musique de chambre de Jacob. 

Tout au long des cinq oeuvres au programme de cet enregistrement, on peut apprécier le néo-classicisme tempéré bien britannique du compositeur ainsi que son excellente connaissance des possibilités des instruments.

Dans les deux premiers mouvements de la Sonatine, un Allegro giusto animé suivi d’un tendre Andante espressivo, Jadwiga Stanek fait d’abord entendre une sonorité assez rauque et épaisse (rien n’est dit de l’instrument utilisé) et franchement pas particulièrement séduisante. Heureusement, elle aborde l’Allegro con brio conclusif avec un son plus égal et mieux maîtrisé. Jacob insère ici de beaux épisodes lents, très anglais, qui rappellent beaucoup Vaughan Williams ou Finzi. Il convient de saluer la belle prestation de la pianiste Magdalena Swatowska, très sûre dans l’exigeante partie de piano. 

Stanek est plus à son affaire dans la Miniature Suite où elle se révèle une interprète consciencieuse, techniquement compétente quoique un peu impersonnelle. Le clarinettiste Borys Biniecki fait apprécier un timbre joliment rustique, sans le velouté que recherchent certains de ses confrères. Cette Suite miniature s’écoute avec plaisir, et Jacob montre son savoir-faire dans la Fugue conclusive néo-baroque au thème volontaire et bien marqué.

Les trois interprètes précités se retrouvent dans le Trio pour clarinette, alto et piano. L’oeuvre réserve quelques beaux moments, comme le serein Adagio molto introductif où l’on apprécie le très beau travail de la pianiste, vraiment excellente tout au long de ce Trio. Après un Menuetto assez anodin agrémenté d’une marche guillerette, l’Adagio molto qui suit apporte une note de mystère soulignée par la belle sonorité, à présent veloutée et pleine de caractère, de la clarinette. Cette dernière domine à nouveau dans le Presto assai final, optimiste et prestement enlevé. 

Très bien écrites pour l’instrument, les Variations pour alto solo trouvent Jadwiga Stanek à son meilleur. L’interprète soigne sa sonorité et fait montre de personnalité dans une musique qui rappelle un peu Martinu.

Comme l’indique à suffisance le titre, Gordon Jacob joue clairement la carte néo-baroque dans  le Prélude, Passacaille et Fugue pour violon et alto. Il démontre ici une réelle connaissance du style baroque, ce qui est moins vrai pour les exécutants qui donnent du Prélude une interprétation très romantique, marquée par l’emploi d’un vibrato intense. La solennelle Passacaille est franchement néo-bachienne alors que la Fugue nous permet d’assister à un véritable chassé-croisé entre les deux instruments. Cette musique est indéniablement très bien faite, quoique -une fois de plus- assez lisse.

Ce disque intéressera sans doute les altistes voulant sortir des sentiers battus et les amateurs de musique de chambre britannique. Pour les autres, on est moins sûr.

Son: 9 - Livret: 2 - Répertoire: 6 - Interprétation: 7 

Patrice Lieberman

 

 

 

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