Musique sacrée de Carlos Patiño à la Cour de Philippe IV : maints inédits, chaleureusement chantés

par

Música Sacra Para la Corte. Carlos Patiño (1600-1675) : Lauda Ierusalem ; Maria Mater Dei ; Ave Regina caelorum ; Magnificat ; Salve Regina ; Letania de Nuestra Señora ; Laudate Dominum ; Libera me, Domine ; Domine, quando veneris ; Beatus vir ; Sapientia aedificavit ; Veni, Sancte Spiritus. Albert Recasens, La Grande Chapelle. Septembre 2020. Livret en espagnol, français, anglais, allemand. TT 67’46. Lauda LAU 021

Ces mains sur la couverture sont celles de Carlos Patiño tenant la première page de son propre Maria Mater Dei, une de ses œuvres favorites. On s’étonne que les travaux universitaires du regretté Lothar Siemens Hernández (1941-2017), auteur d’un fondamental labeur de transcription et catalogage disponible depuis plus de vingt ans, n’aient davantage attiré l’attention sur cet important compositeur de la Cour de Felipe IV. Né dans la province de Cuenca, enfant de chœur et apprenti d’Alonso Lobo à Séville, le jeune homme quitte à vingt-cinq ans la cité andalouse et s’oriente vers une vie sacerdotale après la disparition de son second fils et de son épouse morte en couches. Sa carrière prit un virage après sa désignation à la Chapelle Royale en 1634, succédant à Maestro Capitán qui en conçut défiance voire jalousie, autour du débat esthétique entre influence archaïque et écriture contrapuntique. Cette nomination mettait fin à la tradition d’établir à ce poste des compositeurs franco-flamands issus de l’aire des Países Bajos

Antienne, psaumes, motets, liturgie mariale, répons de l’Officium defunctorum : à travers ces diverses formes, le programme donne idée du creuset dans lequel évolua Patiño au crépuscule du Siglo de Oro, entre stile concertato, homophonie et échanges polyphoniques. Et une propension théâtrale dans la séquence de Pentecôte qui conclut cet album par l’éblouissant Veni, Sancte Spiritus. Les multiples sources, principalement issues du monastère de L’Escorial, sont inventoriées dans l’abondante et érudite notice signée de Pablo L. Rodríguez, richement illustrée, poussant le luxe à s’annexer un commentaire sur l’iconographie, par Thaïs Rodés Sarrablo.

Après un remarquable disque de 2003 chez Jade, entièrement consacré à Patiño par María Felicia Pérez et ses troupes cubaines, nous rappelant que ces œuvres s’exportèrent outre-Atlantique au gré des missions d’évangélisation au Nuevo Mondo, le présent CD annonce plusieurs pièces en « premier enregistrement mondial ». Huit voix ensoleillées (trois sopranos, deux contreténors, deux ténors et basse), un chaleureux soutien de cornet, sacqueboutes, basson, violon, harpe et orgue : l’équipe réunie autour d’Albert Recasens prodigue un radieux panorama sur le legs latin du compositeur. Capté dans la généreuse acoustique de l’église portugaise Santo Quintino, cet album fait date dans la redécouverte du protégé de Philippe IV qui lui refusa la demande de congés lorsque son maestro di capella voulut tirer sa révérence en 1664. « Sa science de la musique me donne grande satisfaction et me comble, qu’il continue donc à occuper sa fonction » : monarchique argument d’autorité, mais comme on le comprend ! 

Son : 9 – Livret : 10 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

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