Musique sacrée de Legrenzi, un cycle d’Office du soir en premier enregistrement
Giovanni Legrenzi (1625-1690) : Canto Compiete Con le Lettanie & Antifone della Beata Virgine a 5 voci, opera VII. Giovanni Acciai, Nova Ars Cantandi ; Ivana Valotti, orgue. Avril 2018. Livret et traduction des paroles latines en anglais. 58’54. Naxos 8.579086
Depuis une trentaine d’années, la discographie porte un regard sans cesse plus fréquent et précis sur ce compositeur du Baroque vénitien, qui auparavant ne s’invitait que sporadiquement au sein des anthologies vocales ou instrumentales. Renommé en son temps, auteur de sonates, de musique sacrée, d’une vingtaine d’opéras. Après plusieurs tentatives de conquérir des postes enviables hors de son pays, à Vienne ou à Paris, sa carrière se déroula essentiellement en Italie du Nord et s’acheva en 1685 par l’honneur de Maître de Chapelle à la Basilique Saint-Marc.
Ce CD propose le tout premier enregistrement du cycle de prières du soir publié en 1662, adaptées aux offices séculiers et monastiques : les complies, des litanies et antiennes à la Vierge. À l’aune de cette rareté, saluons Giovanni Acciai pour sa notice particulièrement soignée et informative, illustrée de fac-similé. La polyphonie relève de la seconda prattica (la grammaire musicale subordonnée à l’expression du sens) et du stile concertato (alternance de solos et d’ensembles), à l’exception du récitatif Confiteor Deo omnipotenti ici confié à découvert à Alessandro Carmignani, le soprano de l’équipe, à l’expression un peu enrobée qui tend à voiler les mots.
Captée dans l’acoustique agréablement réverbérée de Basilique Palatine Santa Barbara de Mantoue, l’interprétation s’avère attentive et plaisante, hormis quelques passages à la peine quant à la justesse (par exemple la reprise à l’aigu du Miserere mei du Cum invocarem) ou pas vraiment gracieux (à la basse, le Dominus exaudiet me de la même pièce). Au demeurant, les voix de ténor (un peu anonymes de timbre) et basse se distinguent par l’intelligibilité requise, et le collectif fait preuve de souplesse. Les rapports entre tessitures penchent parfois en faveur des voix aiguës, toutefois le tissu reste équilibré. Au-delà d’une expressivité convaincante, dosée entre piété et relief orant, on souhaiterait un surcroît de subtilité et de caractérisation pour que les linéaments de ces pages soient traduits dans toute leur délicatesse. En tout cas, la prestation du Nova Ars Cantandi, fondé en 1998, ne manque ni d’expérience ni de séduction, d’autant qu’Ivana Valotti la soutient du doux murmure de ses tuyaux. Voilà qui suffit à motiver la découverte cette intéressante contribution de Legrenzi aux chants d’avant-coucher de la Liturgie des Heures.
Son : 9 – Livret : 10 – Répertoire : 8 – Interprétation : 8
Christophe Steyne