Nemanja Radulović enchante modérément
Aram Khatchatourian (1903-1978) : Concerto pour violon et orchestre*, Trio pour clarinette, violon et piano** ; Nikolai Rimsky-Korsakov (1844-1908) : Schéhérazade (arr. Aleksandar Sedlar)° ; Aleksandar Sedlar (1982) Savcho 3°°. Nemanja Radulović (violon), Borusan Istanbul Philharmonic Orchestra/ Sascha Goetzel (direction)* ; Ernst Ottensamer (clarinette)**, Laure Favre-Kahn (piano)** ; Double Sens, Stéphanie Fontanarosa (piano)°, Aleksandar Sedlar (percussion)°°. 2018-DDD-77’17 -Textes de présentation en anglais, allemand et français - Deutsche Grammophon 479 7545 GH
C’est peu dire que ce dernier disque du violoniste franco-serbe Nemanja Radulović est inégal, offrant de belles choses à côté d’autres, nettement moins convaincantes. Intitulé Baïka (qui veut dire « conte » en serbe,) il nous invite à écouter des oeuvres qui racontent des histoires qui parlent au soliste et, on peut l’espérer, aux auditeurs.
On commencera par le meilleur qui est le peu connu Trio pour clarinette, violon et piano dont les trois musiciens offrent une version de grande qualité dans une oeuvre où Khatchatourian fait entendre une veine douce-amère qu’on ne s’attend pas forcément à trouver sous sa plume. On y trouvera aussi quelques passages folklorisants prestement enlevés par les interprètes (on pense à la manière dont Ottensamer réussit à transformer sa clarinette en un duduk plus arménien que nature ou dont la pianiste, pleine de personnalité, n’hésite pas à prendre la lourdeur des ostinati de l’Allegro médian au pied de la lettre), mais on retient avant tout le beau ton de confidence élégiaque de l’Andante introductif et cette même atmosphère de douceur dans le Moderato qui conclut l’oeuvre.
Le Trio est immédiatement suivi par le bref et entraînant bref Savcho 3 d’Aleksandar Sedlar, musique 100% Balkans qui plaira à tous les amateurs de virtuosité tzigane, du Taraf de Haïdouks ou des musiques de Goran Bregović.
Sedlar est également l’auteur d’un curieux arrangement de Schéhérazade de Rimsky-Korsakov (ramené à environ la moitié de l’original) pour violon solo, ensemble à cordes et piano. Radulović prend ici à son compte tous les passages pour violon solo de l’original (qu’il n’hésite pas à agrémenter à sa manière dans le style des paraphrases de Sarasate, Wieniawski et autres virtuoses du passé) mais aussi plusieurs lignes mélodiques dévolues aux vents, et le fait d’ailleurs très bien. On appréciera en particulier le quatrième et dernier mouvement de cette suite où l’ensemble se montre particulièrement enthousiaste, même si l’intérêt de cette adaptation paraît assez mince.
En fait, c’est le Concerto de Khatchatourian, censé être la pièce de résistance de cette parution, qui enthousiasme le moins. Si l’interprétation du violoniste de cette oeuvre si gratifiante pour le soliste est généralement spontanée et pleine de vie, d’autres aspects de son approche étonnent. La sonorité de l’artiste est ici franchement quelconque et parfois désagréablement vinaigrée par moments, sans parler de quelques passages -surtout dans le premier mouvement- où l’articulation est un peu savonnée. Certes, il fait preuve d’une réelle qualité d’émotion dans le beau mouvement lent, mais si le Finale ne manque pas d’allant, tout cela reste très superficiel. Bien sûr, nous ne sommes pas ici face à un chef-d’oeuvre de première grandeur, mais quand on se souvient de ce qu’en faisaient Oistrakh ou Kogan jadis, ou aujourd’hui Sergey Khatchatryan ou Janine Jansen, on n’est pas ici au même niveau. Quant à l’orchestre (dont le livret tout à gloire du soliste mentionne -excellente initiative-le nom de tous les membres), il est un partenaire enthousiaste mais un peu fruste.
Son 9 - Livret 5 - Répertoire 6 - Interprétation: Concerto 6, Schéhérazade 8, Trio et Savcho 9.