Oedipe sur la route : un chef-d'oeuvre de Pierre Barthlomée

par

0126_JOKERPierre BARTHOLOMEE (°1937)
Oedipe sur la route
Opéra en quatre actes sur un livret de Henry Bauchau
José van Dam (Oedipe), Valentina Valente (Antigone), Jean-Francis Monvoisin (Clios), Hanna Schaer (Diotime), Ruby Philogene (Calliope), Nabil Suliman (Le chef du village), Jean-Guy Devienne (Polinyce), Marc Coulon (Etéocle), Elise Gäbele (Ilyssa), Luc de Meulenaere (un vigneron), Nicolas Bauchau (le messager), Paul Gérimon (Thésée), Florence Fischer (Ismène), Claudio Graisman (Créon), Orchestre Symphonique et Choeurs de La Monnaie, dir.: Daniele CALLEGARI
2003/2015-126'15'' (2 CD)-Textes de présentation et texte du livret en français et en anglais-Evidence EVCD011

On l'attendait... il est enfin là... l'enregistrement du premier opéra de Pierre Bartholomée sur un livret de Henry Bauchau, Oedipe sur la route, créé à La Monnaie le 7 mars 2003. On se souvient combien le compositeur avait été bouleversé par le roman de l'écrivain-poète alors nonagénaire. Il nous a quittés le 21 septembre 2012. Il avait 99 ans.
Oedipe sur la route retrace les années d'errance d'Oedipe accompagné de la pure et absolue Antigone, un espace laissé à l'imaginaire de Bauchau entre l'Oedipe roi et l'Oedipe à Colone de Sophocle, un immense poème lyrique où l'auteur fait entrer les personnages de Diotime, visionnaire et prophétesse bienveillante, et sa disciple la guérisseuse Calliope, toutes deux porteuses de vie. Quittant Thèbes, Oedipe veut se défaire de ses entraves, se libérer de la sentence qu'il a prononcée contre lui-même; en route, il rencontrera Clios, une autre création de Bauchau, qui s'est transformé en bandit, en hors-la-loi pour se punir du meurtre de son meilleur ami dont il n'est pas plus responsable qu'Oedipe de son inceste et de son parricide. Le mythe cheminera aux côtés de réalités plus terrestres. Du roman émerge l'image de la vague : Oedipe suspendu au dessus du vide face à la falaise exorcise en la sculptant la vague noire qui symbolise ses pulsions de mort. D'autres images encore comme le récit de Clios partagé entre la danse et la musique, celle de Calliope "accouchant" d'Oedipe malade de la peste. Un roman qui ne manque pas d'images fortes dont Bauchau soigne la musique de la langue. Le compositeur et l'écrivain-poète ont travaillé en totale symbiose, ce qui fera écrire à Bauchau dans son journal "Pierre Bartholomée m'a remis la musique du premier acte, en grand format. Que cette écriture musicale est belle, la seule que nous puissions comparer en beauté aux calligraphies extrêmes-orientales et arabes". Plus encore que cette beauté formelle, la musique de Bartholomée est éminemment expressive dans sa violence contenue, sa force, son âpreté, son intensité expressive suivant le texte dans ses moindres méandres. Ecoutons "Le pas d'Oedipe", aveugle et cependant si "voyant", la complexité rythmique qui le traduit. Ecoutons aussi le grand lied du récit de Clios. L'opéra se lit comme un voyage, un parcours musical qui part d'un indiscible chaos pour aller vers une grande simplicité, un apaisement ouvrant sur tous les possibles. Les chanteurs se sont prêtés au jeu de façon fantastique avec une diction remarquable et l'orchestre de La Monnaie surmonte les durs défis de la partition sous la conduite de Daniele Callegari. Une production éminemment bienvenue !
Bernadette Beyne

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10 

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