Giya Kancheli, la tonalité au service de l’humanisme

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Giya Kancheli (1935-2019) : Une petite Danielade, pour piano, cordes et percussion ; Valse Boston, pour piano et cordes ; 18 miniatures pour violon et piano, extraits ; Largo et Allegro, pour piano, cordes et timbales. Hartmut Schill, violon ; Robert-Schumann-Philharmonie, piano et direction Elisaveta Blumina. 2022. Notice en allemand et en anglais. 67’ 30’’. Capriccio C5488.

De la démonétisation à l'invisibilisation ?  

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Pour ce premier éditorial de l’année, nous allons revenir sur une nouvelle passée relativement inaperçue mais dont les conséquences sont interpellantes : la décision unilatérale de la plateforme suédoise Spotify, leader mondiale du marché du streaming de démonétiser les titres qui seront en dessous du seuil de 1000 écoutes par an,  cette décision prendra effet dès cette année 2024.

Avec l’effondrement du marché du disque physique et la quasi-disparition du téléchargement payant, le streaming est devenu la seule porte de visibilité pour les artistes et les labels. Cependant, les taux de rétribution sont misérables et intégrer des playlists thématiques, robinets à musiques et aspirateurs à écoutes, est devenu l’une des rares ambitions des professionnels du secteur au point d’en façonner leurs productions. Le média que nous sommes est bien évidemment confronté à l’inflation du nombre de produits spécialement pensés pour des playlists : des pièces courtes et un répertoire agréable aux oreilles, la parfaite tapisserie sonore, mais dont l'intérêt éditorial et artistique est trop souvent incertain... 

Dès lors, la musique classique comme les domaines que l’on peut désigner sous le terme de “non-commerciaux” -et cela englobe tant le jazz que les musiques du monde- ne montent pas au front avec un moral de gagnants. Un album de musique classique est normalement pensé dans sa globalité avec des œuvres en plusieurs mouvements, voire des répertoires rares ou plus difficiles, car moins naturellement flatteurs pour l’oreille ou incompatibles avec la notion d'écoute à la plage comme une symphonie de Bruckner, un opéra de Wagner ou une partition contemporaine de création. Dès lors, le seuil des 1000 écoutes par titre, n’est pas un objectif si facile à atteindre pour de la musique classique et même pour beaucoup d'artistes de tous les genres confondus. Ainsi, sur les 100 millions de titres présents sur la plateforme fin 2022, seuls 37,5 millions ont franchi le cap des 1000 écoutes depuis leur mise à disposition, selon les données communiquées par Spotify sur son site Loud&Clear (on peut donc constater que  seulement 1/3 des titres en ligne pourraient ainsi être rémunérateurs...). 

Deux belles et complémentaires versions des Suites pour violoncelle de Bach

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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Six Suites pour violoncelle seul, BWV 1007- 10123. Filipe Quaresma, violoncelle. 2023. Textes de présentation en portugais et anglais. 2 CD. 2h18. Artway Records 0729208107235

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Six Suites pour violoncelle seul, BWV 1007- 10123. Pablo de Naverán, violoncelle. 2023.  2023. Pas de livret. 3 CD. 2h45’’. Claves 50-3062-64

Printemps et automne du répertoire pour viole : deux récentes parutions

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Galanterie
. Carl Friedrich Abel (1723-1787) : Allegro en ré majeur A18 ; Andante en ré majeur A10 ; Sonate en la mineur B93 [collection Maltzan]. Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) : Sonate en ut majeur Wq 136 ; Rondo II en ut mineur Wq59/4. Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Fantasia XI en ré mineur TWV 40:36. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Trio en ré majeur BWV 1025 [Fantasia, Courante, Sarabande, Allegro]. André Lislevand, basse de viole. Jadran Duncumb, théorbe, luth. Emil Duncumb, pianoforte. Mars & août 2022. Livret en anglais, français et italien. TT 61’35. Arcana A549

The Spirit of Gambo. Tobias Hume (c1569-1645) : Cease Leaden Slumber ; The Spirite Of Musicke ; The Pashion Of Musicke ; An Almaine ; Start ; A Pollish Vilanell ; The Spirit Of Gambo ; Sweet Ayre ; A Mery Conceit ; Captaine Humes Pavan ; A Jigge ; A Souldiers Resolution ; The Earle Of Pembrookes Galiard ; Deth ; Life ; Captaine Humes Gaillard ; This Sport Is Ended ; My Joyes Are Comming ; Fain Would I Change That Note ; My Mistresse Hath A Pritty Thing ; Touch Me Lightly ; Tickle Me Quickly ; She Loves It Well ; Hit It In The Middle ; Adue Sweete Love ; I Am Melancholy ; What Greater Griefe ; Loves Pastime. Labyrinto. Emma Kirkby, soprano. Guido Balestracci, basse et ténor de viole. Juan Manuel Quintana, ténor de viole et basse en consort. Albra Fresno, basse en consort. Eduardo Egüez, théorbe, luth, bandora, guitare. Paolo Pandolfo, ténor et basse de viole, direction. Décembre 1995, rééd. 2023. Livret en anglais, français et allemand. TT 77’53. Glossa GCD C80419

Musique de chambre de Nino Rota, entre élégance, charme et exubérance

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Nino Rota (1911-1979) : Sonate pour violon et piano ; Improvviso en ré mineur pour violon et piano ; Improvviso pour violon et piano (Un diavolo sentimentale) ; The Legend of Glass Mountain, musique de film, arrangement pour violon et piano ; Sonate pour flûte et harpe ; Trio pour flûte, violon et piano. Alessio Bidoli, violon ; Bruno Canino, piano ; Massimo Mercelli, flûte ; Nicoletta Sanzin, harpe. 2019. Notice en italien, en anglais et en russe. 57’ 21’’. Decca 4819147.

Concert du nouvel an 2024 : la très belle surprise Thielemann !

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Les années se suivent mais ne se ressemblent pas toujours ! C’est la grande leçon de cette édition 2024 du traditionnel concert du Nouvel An dirigé pour la seconde fois par Christian Thielemann. Après une première prestation un peu trop retenue en 2019, le chef allemand nous a agréablement surpris avec une direction experte et pleine de nuances.

2024 sera l’année Bruckner à l’occasion du bicentenaire mais également celle de Thielemann. Le Berlinois frappe un grand coup avec les parutions d’une magnifique intégrale des symphonies du « maître de Saint-Florian » et de ce Neujahrskonzert qui a tout d’une réussite (deux enregistrements Sony Classical).

Le programme retenu y est également pour beaucoup avec pour la première fois neuf pièces dont celles du Bohémien Karl Komzák, Erzherzog Albrecht-Marsch op.136 et du Danois Hans Christian Lumbye, Gaedeligt Nytaar ! (littéralement Bonne Année en français). Deux très belles découvertes auxquelles s’ajoutent un Quadrille de Bruckner justement pour marquer les 200 ans de sa naissance. Nous retrouvons également avec bonheur l’Ouverture de l’opérette « Waldmeister » surtout quand elle est dirigée avec autant de talent.

Le jeune ensemble La Néréide ressuscite l’art vocal des Trois Grâces de Ferrare : la charrue avant les bœufs ?

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Il Concerto segreto. Luzzasco Luzzaschi c1545-1607) : T’amo mia vita ; O dolcezze amarissime d’Amore ; Stral pugente d’Amore ; Auro soave ; Deh vieni ormai cor mio ; Troppo ben puo ; Cor mio deh non languire ; Ch’io non t’ami cor mio ; Non sa che sia dolore ; O Primavera ; Io mi son giovinetta ; Occhi del pianto mio. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Come dolce hoggi l’auretta. Francesca Caccini (1587-1641) : Le tre sirene ; Le tre damigelle ; Coro delle piante incantate. Luca Marenzio (1553-1599) : Belle ne fe’ natura. La Néréide. Camille Allérat, Julie Roset, Ana Vieira Leite, soprano. Yoann Moulin, clavecin. Manon Papasergio, basse de viole, harpe triple. Gabriel Rignol, archiluth. Livret en anglais, français (paroles en italien, traduction en anglais et français). Août 2022. TT 59’09. Ricercar RIC 455

Daphnis et Alcimadure, l’opéra baroque occitan de Cassanéa de Mondonville

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Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772) : Daphnis et Alcimadure, pastorale languedocienne en trois actes et un prologue. Élodie Fonnard (Alcimadure), François-Nicolas Geslot (Daphnis), Fabien Hyon (Jeanet), Hélène Le Corre (Clémence Isaure, prologue) ; Chœur de chambre Les Éléments ; Les Passions - Orchestre baroque de Montauban, direction Jean-Marc Andrieu. 2022. Notice en français. Texte complet du livret en languedocien avec traduction française. 126’00’’. Un coffret de deux CD Ligia LIDI 0302354-23. 

A Paris, le Ballet de l’Opéra rend hommage à Rudolf Noureev et Jiří Kylián

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Pour la période des fêtes, le Ballet de l’Opéra de Paris a proposé deux productions, Casse-Noisette à l’Opéra Bastille et une soirée Jiří Kylián, au Palais Garnier.

Sur la première scène est reprise la production de Casse-Noisette que Rudolf Noureev avait conçue en décembre 1985 pour le Ballet de l’Opéra en sollicitant le concours de Nicholas Georgiadis pour les décors et les costumes. Par rapport à sa première version présentée à l’Opéra Royal de Stockholm en novembre 1967, il transpose l’action dans un salon de la grande bourgeoisie des années 1900, époque où Freud publiait La Science des rêves. L’onirisme y tient donc une place prépondérante. La jeune Clara, fiévreuse, éprouve les troubles de l’adolescence et les premiers émois amoureux. Le monde qui l’entoure a un aspect sordide, à commencer par la rue qui longe la demeure de la famille Stahlbaum avec cette pauvresse se chauffant à un brasero de fortune et ce miséreux joueur d’orgue de Barbarie que bousculent cinq ou six loubards agressant les invités au réveillon. Ce réalisme noir concorde avec la fantasmagorie imaginée par E.T.A. Hoffmann et adaptée par Alexandre Dumas. Dans son cauchemar, Clara voit ses parents et leurs amis métamorphosés en de monstrueuses chauves-souris à visage humain qui refusent de croire à ses rêves. Drosselmeyer, le parrain si étrange, n’offre pas, en guise de cadeau, des automates, mais préfère déguiser les trois enfants de la maison, Clara, Luisa et Fritz, en poupées articulées. Durant la nuit, qu’y a-t-il d’étonnant à ce que les souris deviennent d’énormes rats hideux et que les soldats de plomb se forment en bataillon pour livrer combat ou que le petit hussard casse-noisette cède la place à Drosselmeyer changé en Prince pour s’attaquer à la stature démesurée du Roi des souris ? Au lieu de situer le second acte en un lieu féérique, la ‘Valse des flocons de neige’ se déroule dans un parc aux allées bordées de statues amenant à une sobre salle de bal où les membres de la famille Stahlbaum prennent part à chacun des divertissements. Dans cette relecture, Rudolf Noureev supprime la ‘Danse des mirlitons’ et l’apparition de la Mère Gigogne ainsi qu’une partie de l’Apothéose pour conclure par l’image de Clara éveillée sur le seuil de sa maison, recherchant son parrain qui a disparu dans la neige.