Paul Hindemith, intégrale violonistique avec Roman Mints et Alexander Kobrin
Paul Hindemith (1895-1963) : Sonate pour violon et piano en mi bémol majeur, op.11 n° 1 ; Sonate pour violon et piano en ré majeur, op. 11 n° 2 ; Sonate pour viole d'amour et piano, op. 25 n° 2 "Kleine Sonate" ; Sonate pour violon et piano en mi majeur ; Trauermusik ; "Méditation", extrait du ballet Nobilissima visione ; Sonate pour violon et piano en do majeur. Roman Mints, violon & viole d'amour ; Alexander Kobrin, piano. 2019-Livret en anglais- 77'13 - Quartz QTZ2132.
Le violoniste russe Roman Mints se distingue comme un des champions de la musique des XXe et XXIe siècles des mondes slaves. Ses précédents enregistrements nous ont fait découvrir des oeuvres de Goubaïdoulina, Lutoslawski, Pärt, Penderecki, Schnittke, Silvestrov et des créations de Dobrinka Tabakova.
Roman Mints poursuit son parcours avec le plus conventionnel Paul Hindemith provocateur. Il avoue avoir toujours aimé les œuvres de Paul Hindemith qu'il a découvertes quand il était un jeune violoniste, étudiant à Moscou dans les années 1980. Il déclare : "cette musique, écrite non seulement avant ma naissance, mais plus près de celle de mes grands-parents, était entièrement contemporaine et d'avant-garde par sa richesse sonore. Je n'ai plus jamais été le même après avoir découvert la musique de Hindemith. Il est devenu ma fenêtre sur la musique contemporaine. Il s'avère 35 ans plus tard, que Hindemith est toujours considéré par les programmateurs de concerts comme difficile d'accès pour le grand public".
En effet, même sa musique a parfois la réputation d’être aride, témoignage des expérimentations radicales du début du XXe siècle. N’oublions pas qu’il fut mis au ban par les nazis et que sa musique était considérée comme “dégénérée”, au même titre que celle de Schoenberg, Webern et Berg.
Ses quatre sonates pour violon et piano sont l'oeuvre de toute une vie. Elles offrent un aperçu de ses influences stylistiques, depuis les romantiques allemands tardifs à la polytonalité et l'atonalité, pour en arriver à son propre style éclectique, intégrant des éléments baroques et classiques. Ses sonates pour violon op.11 datent de 1918 et témoignent déjà d’une maîtrise de la forme musicale tout en rappelant de façon évidente les sonates de Schumann. Après 1930, le langage musical du compositeur devient plus strict. La polyphonie se densifie. Harmonie et couleurs s’organisent selon des plans inédits. Hindemith était un violoniste et un altiste émérite ! Ses partitions témoignent d’une maîtrise parfaite de l’écriture et de la technique qui exploitent les potentialités de l’instrument. Le compositeur verse également dans l’auto-citation avec les deux sonates en mi (1935) et en do (1939) où l'on retrouve des évocations de ses propres œuvres orchestrales et vocales.
L'album comprend également trois petits chefs d'oeuvre. "Méditation" extraite du ballet en un acte Nobilissima Visione, dont la chorégraphie signée par Léonide Massine illustre des épisodes de la vie de Saint François d'Assise ; Trauermusik (musique de deuil) de 1936, écrite en un seul jour après la mort du roi George V d'Angleterre ; et la Kleine Sonate pour viole d’amour et piano op. 25. Cette dernière est une révélation.
La viole d'amour est un instrument de musique à 7 cordes sympathiques essentiellement joué à l'époque baroque.Il est par conséquent assez surprenant d'entendre un instrument baroque dans une composition moderne mais Hindemith était passionné de recherches sur les instruments et les oeuvres anciennes. Roman Mints le fait chanter comme un alto avec des sonorités chaudes et profondes, qui nous touchent profondément.
Ce CD est un portrait complet des multiples facettes de Paul Hindemith. Roman Mints et son partenaire Alexander Kobrin au piano nous enchantent par leur interprétation passionnée, lyrique et exaltante.
Son : 10 Livret : 10 Répertoire : 10 Interprétation : 10
Carlo Schreiber