Pawel Łukaszewski : musique chorale sacrée en veine d’Adoration
Pawel Łukaszewski (°1968) : Terra nova et caelum novum ; Missa sancti Papae Ioannis Pauli Secundi Magni ; Veni Sancte Spiritus ; Corpus Christi Responsoria. Chœurs de la Philharmonie de Varsovie, direction Bartosz Michałowski. 2023. Notice en polonais et en anglais. Textes sacrés en latin, avec traductions polonaise et anglaise. 57’ 35’’. Filharmonia Norodowa FN 09/ACD 391.
Les pages religieuses de Pawel Łukaszewski ont déjà retenu notre attention grâce à des productions du label polonais Dux : quatre « Symphonies sacrées » de grandes dimensions ont fait l’objet par nos soins de recensions les 13 mai 2021 et 7 novembre 2023. Ce fils et frère de compositeurs est natif de Czestochowa, cité située entre Varsovie et Cracovie, élevée en 1992 par le Pape Jean-Paul II au rang d’archidiocèse et lieu de pèlerinage, notamment pour son extraordinaire icône de la Vierge qui date de la fin du XIVe siècle. Il a été formé à l’Académie de Varsovie, puis à l’Université Frédéric-Chopin de la capitale de la Pologne. Łukaszewski est un compositeur prolifique dans le domaine de la musique sacrée, symphonique et surtout chorale. Ses partitions, résolument néoclassiques, rencontrent un vif succès, en particulier dans son pays natal, et ont fait l’objet de nombreux enregistrements. Celui qui nous occupe propose quatre partitions pour chœur non accompagné, composées entre 2006 et 2020. Elles sont un témoignage éloquent de la ferveur et de l’engagement religieux du Polonais, qui est aussi très actif comme chef d’orchestre et comme directeur artistique.
Dans la notice qu’elle rédige, la musicologue Iwona Lindstedt, de l’Université de Varsovie, évoque des propos du compositeur au sujet de son expérience personnelle : J’ai chanté pendant plusieurs années dans des ensembles vocaux divers, dont le Chœur de la Philharmonie de Varsovie. Cela m’a fourni les fondements et la compréhension de cette musique, ainsi que le socle de ma technique de composition. Łukaszewski a fondé et dirigé le Chœur de la cathédrale du diocèse de Varsovie-Praga. Ses compositions s’inscrivent dans la tradition spirituelle chrétienne, qu’il considère comme « une façon de vivre » et de transmettre des messages. C’est le cas de ces quatre partitions, qui utilisent le latin, selon l’habitude du créateur, très attaché à l’essence des mots. Le style se situe entre l’inspiration sacrée de Penderecki et de Kilar, et celle des minimalistes Górecki, Pärt et Tavener. Ce qui entraîne une sorte de fascination sur l’auditeur, d’autant plus que le compositeur n’hésite pas à rappeler qu’il se situe aussi dans la ligne de Mendelssohn, Brahms, Bruckner et Poulenc. Ses œuvres, très accessibles, parlent au cœur, dans un souci prioritaire d’émotion.
Terra nova et caelum novum (2006) est une courte page pour chœur mixte qui fait émerger les voix dans une texture paisiblement extatique, presque désincarnée, qui met l’accent sur l’Alpha et l’Omega. Le Veni Sancte Spiritus (2015), pour deux chœurs mixtes, est dédié à la mémoire de Górecki, décédé cinq ans auparavant. Cette prière fervente à l’Esprit-Saint se nourrit de poésie hymnique médiévale polonaise. Le Corpus Christi Responsoria (2018), pour chœur mixte, est dédié à un autre musicien, le chef d’orchestre Jerzy Semkov (1928-2014), qui fut l’assistant d’Evgueni Mrawinsky et se produisit beaucoup aux Etats-Unis. Ce Polonais, qui devint citoyen français, a enregistré un grand nombre de pages sacrées. Quatre courtes séquences, pour une durée de quinze minutes, au sein d’un contexte eucharistique, évoquent les processions et la prière, avec des réminiscences de la Renaissance et du gospel.
La Missa Sancti Papae Ioannis Pauli Secundi Magni pour chœur mixte de 2020 est, comme son titre l’indique, un hommage à Jean Paul II, à l’occasion du centenaire de sa naissance. C’est aussi la plus longue partition du programme (plus de 22 minutes), en six parties, un Alleluia significatif sur les mots Tu es Petrus étant ajouté entre le Gloria et le Credo. Dans cette partition globalement sereine et pleine de respect, parfois planante, on découvre, dans le Credo, la pratique du hoquet, cette ligne mélodique rythmique qui fait passer d’une voix à l’autre et qui remonte à l’époque médiévale.
Interprété avec conviction par le Chœur de la Philharmonie de Varsovie, qui a, dans le domaine, une expérience de longue tradition et est dirigé par Bartosz Michałowski, son chef depuis 2017, ce programme sacré plaira aux amateurs du genre. Il s’écoute sans prise de tête, avec la sensation d’une inspiration qui tourne parfois un peu sur elle-même, mais dont la séduction immédiate ne peut être niée. Elle a aussi une vertu : celle de plonger l’auditeur dans un monde hors du temps, ce qui n’est pas négligeable en notre période troublée.
Son : 8,5 Notice : 10 Répertoire : 8 Interprétation : 9
Jean Lacroix