Pétard mouillé

par

« La Belle Excentrique »
Patricia PETIBON, soprano, Susan MANOFF, piano
SATIE, FERRE, POULENC, ROSENTHAL, HAHN, FAURE, COCKENPOTl
2014-64'52-livret en allemand, anglais, français- textes en français et anglais-chanté en français. Deutsche Grammophon 4792475
Le Cancan grand-mondain (sic) d'Eric Satie extrait de « La Belle Excentrique » donne son titre à cet album. Mais la soprano, adepte du non-sens et qui s'est illustrée aussi bien dans le répertoire baroque que chez Alban Berg, a déjà bien des fois (mémorable récital à l'Auditorium du Louvre !) fait rire aux larmes des salles entières avec la « Bonne cuisine » de Bernstein et nombre de chansons de Rosenthal ou Satie que l'on retrouve ici. Mais là, en studio, sans le secours de la scène et sans l'effet de surprise, le pétard est mouillé. Alors, les interprètes redoublent d'insistance, de maniérisme (A  Chloris!), on mélange les genres sans en assumer vraiment aucun, on les prend à contre-pied -ce n'est pas du meilleur goût et souvent pédant. Difficile de « faire passer » des textes musicaux signés le plus souvent d'auteurs exemplaires : Poulenc (8 fois) Rosenthal (5). Si Léo Ferré et Reynaldo Hahn sont en retrait (2 seulement!), c'est bien dommage car leurs œuvres sont des plus délicieuses ! Mais que vient faire Fauré dans cette galère (avec SpleenEn sourdine, Les Berceaux) ? Il y a là confusion des styles et même confusion tout court. Car la chanteuse, n'articulant pas toujours franchement, s'entoure de bruitages suspects, passe de l'amollissement à la fanfaronnade et prête le flanc à la trivialité -tout comme Olivier Py qui ne se contente pas de chanter faux mais aussi de parler et dont on ne comprend guère la raison de la présence ? On navigue entre dérision et mélancolie, suffisance et goût des bas-fonds. Hélas, sans la verve canaille d'une Yvette Guilbert ou la noire séduction d'un Kurt Weill. Une fois de plus ce sont les meilleurs qui surnagent : Léo Ferré (On s'aimera), Poulenc, Reynaldo Hahn (Pholoé), Rosenthal (Rêverie). Quant à Satie, il sonne le plus souvent décalé, pauvre de substance sonore, et, surtout, vieillot. Quant aux célèbres Colchiques dans les prés de la Lilloise Francine Cockenpot (Automne de 1943) prises dans un tempo outrageusement étiré, elles palissent, valétudinaires, déjà flétries.
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 9 - Livret 6 - Répertoire 5 - Interprétation 5

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