Portrait de compositrice : Clémence de Grandval
Marie-Félicie-Clémence de Reiset, future Vicomtesse de Grandval, née le 21 janvier 1828 au Château de la Cour du Bois, à Saint-Rémy-des-Monts, dans la Sarthe et décédée à Paris le 15 janvier 1907, a épousé à Paris, le 12 mars 1851, Charles-Grégoire-Amable Enlart, Vicomte de Grandval.
Au XIXe siècle, la ségrégation dans la vie musicale constituait un obstacle considérable pour les personnes de classes sociales dites inférieures et pour les femmes, quelles que soient leurs origines sociales. Leur statut les liait officiellement au rôle de musiciens amateurs, même si, comme la Vicomtesse de Grandval, elles publiaient régulièrement leurs compositions sur le marché libre. Les qualités d’interprétation des femmes ne sont pas mises en question. Il en va autrement de la création, où elles rencontrent de grandes difficultés à asseoir leur légitimité. Camille Saint-Saëns a écrit, en évoquant les mélodies de Clémence de Grandval pour chant avec accompagnement de piano, qu’il trouve exquises : « Elles seraient certainement célèbres si leur auteur n'avait le tort, irrémédiable auprès de bien des gens, d'être femme ».
Clémence de Grandval souffre d’un double handicap : elle est femme et aristocrate. Toute sa vie, ce sera un souci pour celle qui dira un jour : « On ne veut pas de moi, mon nom est un crime ». Du fait de son statut de femme du monde qui la dessert, elle utilise parfois des pseudonymes, Clémence Valgrand, Caroline Blangy, Maria Felicita de Reiset, Maria Reiset de Tesier, Maria Reiset de Tesier et Jasper… pour ses publications.
La Vicomtesse de Grandval est devenue l’un des membres les plus actifs de la jeune école française mais, selon le critique musical Arthur Pougin (1834-1921), elle a toujours été vue comme un «amateur» en raison de sa fortune et de sa position sociale.
La famille
Son père, le Baron Léonard Jean Népomucène de Reiset de Chavanatte, portant parfois le prénom d’Edouard à la place de Léonard, est issu d’une petite noblesse lorraine installée dans le sud de l’Alsace dès le XVe siècle. Il est né le 27 septembre 1784 à Delle (département du Territoire de Belfort) et décédé à Paris le 29 janvier 1857. Il est militaire durant une période compliquée de l’histoire de France, Premier Empire (1804-1814), Première Restauration de la dynastie des Bourbons (1814 Louis XVIII), Période des Cent-Jours jours avec Napoléon 1er (20 mars-8 juillet 1815), Seconde Restauration, Louis XVIII et Charles IX (1815-1830)...
Léonard de Reiset est sous-lieutenant en Guadeloupe au début du Premier Empire. Il revient en métropole en 1807 puis participe à la guerre d’Espagne où il est blessé et fait prisonnier. Ayant pris la défense du Général Pierre Antoine, Comte Dupont de l’Etang (1765-1840) qui avait signé la capitulation avec le Général espagnol Castaños (22 juillet 1808, à Baylen), il tombe en disgrâce auprès de Napoléon 1er. Libéré en 1812, il devient officier d’ordonnance du Roi Jérôme de Westphalie puis aide-de-camp du Maréchal Ney et fait la campagne de Russie au côté de ce dernier. C’est grâce au passeport du chef de bataillon de Reiset, et donc sous le nom de ce dernier, que Ney proscrit put quitter Paris, avant d’être arrêté le 5 août 1815. Passé au service de Louis XVIII, de Reiset est promu lieutenant-colonel de cavalerie et obtient le titre de Baron héréditaire par lettres patentes du 16 juin 1818. Il est promu Officier de la Légion d’honneur et Chevalier de Saint-Louis et de l’Ordre de la Couronne de Westphalie. Officier des Hussards, il a été Chef d’escadron au régiment de Hussards du Bas Rhin, à Chartres (département d'Eure-et-Loir). Il devait aussi être pianiste amateur.
Sa mère, Anne Louise Adèle du Temple de Mézières (1796-1853), a reçu une éducation très soignée. Le Château de la Cour du Bois, qu’elle a occupé de 1804 à 1853, était situé dans un superbe domaine. Adèle épousa le Baron de Reiset, Léonard Jean Népomucène (1784-1857) à Chartres, le 5 avril 1818. Devenue ainsi Baronne de Reiset, elle tenait salon à la Cour du Bois où elle recevait fréquemment des hommes politiques et des artistes, comme la poétesse Marceline Desbordes-Valmore (Douai 1786-Paris 1859). Elle a écrit divers ouvrages, parfois inspirés de causeries de salon ou de ses souvenirs de l’époque révolutionnaire : La Folle de Pirna, ensemble d’anecdotes ; Iolande ou l’orgueil au 15e siècle. Galerie du Moyen-Age (1834) ; Atale de Mombard ou ma campagne d’Alger ; Nathalie ou les cinq âges de la femme (trois tomes) ; Emérance ou Chronique du temps de Charles Martel (1847)… Certaines de ses œuvres sont publiées sous son nom, Adèle Baronne de Reiset. Pour d’autres, elle utilise des pseudonymes comme Madame Adèle de Ravenstein, Adèle du Temple…
Son frère, le Baron Marie-Antoine Gustave de Reiset, est né à Chartres le 7 mars 1819 et décédé à Paris 8e le 16 octobre 1873. Il a épousé Magdeleine Amélie Lÿdie Foulk (1827-1918), le 31 mars 1848.
Son époux, Charles-Grégoire-Amable Enlart, Vicomte de Grandval, est né à Hesdin le 30 décembre 1813 et décédé à Fontainebleau le 22 août 1886. La famille Enlart est originaire de Montreuil-sur-Mer, commune du Pas-de-Calais où elle occupait, dès le XVIIe siècle, un rang distingué dans la bourgeoisie.
Le 1er mai 1802, Napoléon, premier consul, avait fondé une Ecole spéciale militaire installée au Château de Fontainebleau. En 1805, elle devient Ecole spéciale militaire impériale. En 1808, elle déménage à Saint-Cyr dans la Maison Royale de Saint-Louis fondée par Madame de Maintenon et construite par Mansart, dès 1685, comme école pour jeunes filles pauvres de la noblesse. Fermé à la Révolution, le bâtiment est transformé en hôpital militaire (1793-1798), puis en Prytanée ou Lycée de la Défense français, avant de devenir ce qu’on nomme maintenant l’Ecole militaire de Saint-Cyr, formant des officiers Saint-Cyriens. Charles-Grégoire-Amable Enlart de Grandval a été formé à cette Ecole spéciale militaire. Il devient Chef d’Escadron d’Etat-Major. Le 24 décembre 1859, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur. Par la suite, il est honoré du titre d’Officier de la Légion d’Honneur (30 décembre 1862).
Leurs enfants
Clémence et Charles ont eu deux filles, Adélaïde-Marie-Thérèse, née à Paris le 2 janvier 1852, et Isabelle-Antoinette-Jeanne née en 1854 dans le Château des Comtes de Reiset, à Saint-Rémy-des-Monts dans la Sarthe, et décédée à Paris le 3 mai 1856. Elle est enterrée dans un caveau familial au Cimetière de Montmartre.
Thérèse (1852-1923) s’est mariée à Paris le 21 novembre 1876 avec le Baron Charles Maurice Marochetti (1837-1916), Ambassadeur d'Italie à Saint-Petersbourg. Ils ont des enfants, Carlo Marochetti (1877-1966) qui a épousé Paule-Marie-Henriette Drouilhet de Sigalas (1872-1961), et Hélène Marochetti (1879-1941) mariée à Charles Corragioni d’Orelli (1862-1944), Conseiller de Légation de Suisse à Londres et à Paris.
Sa formation
Marie-Félicie-Clémence de Reiset, plus connue sous le prénom de Clémence, est née en 1828 au sein d’une famille aisée dans laquelle la culture est omniprésente. Ayant remarqué ses dons, ses parents lui font donner, dès l’âge de six ans, une solide formation musicale privée, en chant, piano et composition. Elle poursuit sa formation pianistique avec Frédéric Chopin (1810-1849) et se forme comme cantatrice avec la soprano et compositrice Laure Cinti-Damoreau (1801-1863). De 1842 à 1848, un de ses professeurs, ami de la famille, est Friedrich von Flotow (1812-1886). Ce compositeur d’origine allemande a été formé en France de 1827 à 1830, à la composition par Anton Reicha et au piano par Johann Peter Pixis. Très vite, Clémence s’intéresse à la composition. A l’âge de 23 ans, après son mariage le 12 mars 1851 avec le Vicomte Charles-Grégoire-Amable Enlart de Grandval, son aîné de quatorze ans, Clémence, devenue ainsi Vicomtesse de Grandval, reprend ses études de composition avec le jeune Camille Saint-Saëns (Paris 1835-Alger 1921). Ce dernier aura une influence positive sur sa formation et sa carrière. Plus de 110 lettres, conservées à la Bibliothèque Nationale de France, témoignent de leur respect mutuel et de leur belle amitié. Saint-Saëns a dédicacé plusieurs de ses œuvres à Clémence.
Clémence de Reiset et Camille Saint-Saëns se sont connus dès leur jeune âge. Un témoignage de Camille paru dans le « Courrier musical de Paris » en 1910 en témoigne : J'avais douze ans, lorsque j'entendis pour la première fois la (future) Vicomtesse de Grandval qui en avait dix-huit. C'était à une matinée musicale, chez le violoniste de Cuvillon. Elle chanta une délicieuse chose de sa façon, La Source, en s'accompagnant elle-même ; et je fus frappé et charmé par la tranquillité, la fluidité de son jeu pur, sans nuances inutiles, qui s'accordait si bien avec ma manière de voir. Ce style uni et tranquille, elle le tenait de Chopin dont elle avait été l'élève.
A quinze ans, en 1845, elle compose un septuor avec l’aide de son père et l’interprète dans le Salon du domaine familial, le Château de la Cour du Bois.
Au printemps 1849, Clémence se présente pour la première fois dans un Salon public en tant que compositrice et interprète. Elle propose un de ses trios pour piano, accompagnée par le violoncelliste Charles-Joseph Lebouc (1822-1893) et le violoniste Jean-Baptiste-Philémon de Cuvillon (1809-1900). Elle chante ensuite plusieurs de ses propres mélodies. L’écrivain, critique musical et compositeur Léon-Charles-François Kreutzer (1817-1868) était ravi au sortir de cette audition : Mademoiselle de Reiset, jeune compositeur amateur, s’est révélée artiste par cette œuvre remarquable. Cela est frais, nouveau, inspiré et très bien écrit… Il y a, dans ce trio, de la chaleur, de la verve, une sorte de vigueur masculine qui n’exclut ni la grâce ni la mélodie… Elève de Mme Damoreau pour le chant, elle interprète de charmants joyaux de sa composition qui sont d’une originalité séduisante. Avec un style vocal aussi pur qu’élégant, force est d’admettre qu’une virtuose de cette force semble un don tombé du ciel. »
Par la suite, Clémence de Reiset se produit régulièrement dans les salons parisiens où elle joue ses pièces au piano. En musique de chambre, ses qualités de soprano sont remarquables et remarquées. Elle interprète souvent ses propres mélodies, composées sur des paroles de divers écrivains.
L’ayant entendue en 1850, Hector Berlioz écrit dans la Revue et Gazette Musicale de Paris : Melle de Reiset a exécuté récemment avec son père M. de Reiset deux septuors écrits par elle en bonne pianiste-compositrice, qui montrent cette fraîcheur d'idées que flétrit souvent le pédantisme académique de nos classes de composition. Et que disent-ils : en somme c'est de l'art, c'est de la musique à la manière d'une femme !
Berlioz s'engage durablement envers Clémence de Reiset et produit, notamment, la première de la Symphonie en ut majeur (andante) de cette artiste le 25 février 1851, lors d’un concert où il dirige l’orchestre de la Grande Société Philharmonique de Paris, à la Salle Sainte-Cécile. Participe aussi à ce concert, la mezzo-soprano Pauline Viardot (1821-1910) qui chante, entre autres, des airs de Roméo et Juliette d’Hector Berlioz. Elle sera une grande amie de Clémence. Cette Symphonie en ut majeur date de la fin des années 1840 et elle avait été refusée par la Société des concerts du Conservatoire.
La Grande Société Philharmonique de Paris est la réalisation d’un projet que Berlioz a longtemps caressé, celui de doter Paris d’une société musicale comparable à celles d’autres capitales de l’Europe, Londres, Vienne et Saint-Pétersbourg. Fondée en 1850, elle disparaît à l’automne 1851 malgré le succès des six concerts programmés.
Après son mariage de 1851, à l’âge de 23 ans, la nouvelle Vicomtesse de Grandval est à l’abri des soucis financiers et confie les charges du foyer au personnel domestique. Avec le soutien inconditionnel de son époux qui encourage son talent créatif, elle peut se livrer entièrement à sa passion en poursuivant ses études de composition avec Camille Saint-Saëns. Charles de Grandval se comporte comme son impresario : il correspond avec des organisateurs de spectacles, avec des éditeurs (dont Heugel), rassemble les coupures de presse et relativise au besoin certaines critiques, ce qui permet à Clémence de garder le moral. Elle a du génie et l’exploite avant même que Thomas Edison (1847-1931) ne livre ce message : Soyez tenace : le génie c’est 10% d’inspiration, 90% de transpiration.
L’aisance financière de la famille lui permet d’organiser des concerts en payant copistes et musiciens, de participer financièrement à la publication de ses œuvres, d’être mécène, etc...
Clémence devient ainsi une compositrice prolifique, pianiste et chanteuse admirée par de nombreux musiciens de renom, Massenet, Gounod, Rossini, Berlioz, Liszt, Saint-Saëns…
Les journaux musicaux circulant à Paris à cette époque sont essentiellement :
- La Revue Musicale, fondée en 1827 par François-Joseph Fétis (Mons 1784-Bruxelles 1871), musicologue, pédagogue et compositeur belge, professeur de contrepoint et de fugue au Conservatoire de Paris, est le premier hebdomadaire français essentiellement consacré à la musique classique.
- La Gazette Musicale est fondée en 1834 par le Prussien Maurice Schlessinger (Berlin 1798-Baden-Baden 1871). Il rachète La Revue Musicale en 1835 et fusionne les deux journaux, ce qui donne naissance à l’hebdomadaire La Revue et gazette musicale de Paris qui subsistera jusqu’en 1880.
- Le Ménestrel, une revue musicale hebdomadaire éditée à Paris de 1833 à 1940, est fondée par Joseph-Hippolyte L’Henry. Après la fermeture de sa principale rivale, la Revue et gazette musicale de Paris en 1880, Le Ménestrel devient la plus prestigieuse et la plus durable revue musicale de France. Elle paraît chaque semaine pendant 107 ans. A partir de 1866, le directeur en sera un membre de la famille Heugel, éditeur de musique.
- La France musicale est fondée à Paris en 1837 par les deux frères Léon et Marie-Pierre-Pascal-Yves Escudier, journalistes, critiques et éditeurs musicaux, et par Jules Maurel qui fera partie des rédacteurs. Cette publication prend pour nouveau titre La Musique en 1849 et paraît jusqu’en juillet 1870 sous divers titres.
- La Renaissance littéraire et artistique, fondée par les écrivains et poètes Léon-Emile Petitdidier, dit Emile Blémont (1839-1927) et Jean François Victor Aicard (1848-1921), n’eut qu’une existence très courte, de 1872 à 1874.
Pour documenter sa thèse de doctorat en musicologie, la compositrice Silke Wenzel a relevé 39 articles de La Revue et gazette musicale de Paris où paraît Clémence de Grandval, entre le 4 mars 1849 et le 23 mai 1880.
Elle en compte 2 dans La France Musicale entre le 22 mai 1859 et le 29 mai 1859.
Dans le Ménestrel, elle cite 5 publications parues entre le 3 mai 1863 et le 11 février 1894.
Sous le titre « Les soirées musicales ont commencé dans le grand monde » (1865), La Revue et gazette musicale de Paris donne une idée du public qui assistait aux prestations de Clémence de Grandval : S.A.I. la Princesse Mathilde (Mathilde Bonaparte ‘1820-1904’, nièce de Napoléon 1er) a inauguré ses réceptions du dimanche, auxquelles sont invitées, outre les personnes de la haute société, les notoriétés artistiques, littéraires et scientifiques. A cette première soirée de dimanche, la Princesse avait invité Naudin (biologiste), Francbomme (musicien), Sauzet (avocat) ; Mme Boucher, Mme la Vicomtesse de Grandval , qui tour à tour se sont fait entendre aux applaudissements de leur noble auditoire, au milieu duquel brillaient S.A.I la Princesse Clotilde (de Savoie), la Duchesse de Morny (née Sophie Troubetskoï ‘1838-1896’), la Princesse Charlotte Bonaparte (‘1802-1839’, nièce de Napoléon 1er et cousine de Mathilde), la Duchesse de Colonna ‘1836-1879’), etc. ». L’hôtel particulier qui hébergeait ce salon de 1849 à 1857, est situé au 24, rue de Courcelles, à Paris.
Ce salon est le vrai salon du XIXe siècle, avec une maîtresse de maison qui est le type parfait de la femme moderne peut-on lire dans le journal des frères Goncourt qui fréquentaient ce milieu et étaient d’habitude fort critiques envers les femmes.
Quand son mari décède en 1886, Clémence a 58 ans. C’est un choc violent pour elle, comme en témoigne une lettre écrite à son amie Pauline Viardot : Ma vie est brisée, c’est tout ce que je puis vous dire : l’ami que j’ai perdu m’était dévoué comme jamais personne ne le sera désormais… Comme affaires, je n’ai que des soucis, plus du tiers de mes modestes revenus s’éteignant avec mon pauvre mari. Elle précise aussi : J’ai une adorable fille, mais comme nous le disions, vous et moi à l’époque de vos malheurs, chacun a sa place et les enfants ne peuvent combler celle du vieux compagnon de la vie. Oui, je tâche de me remettre au travail… Elle veillait à ne pas faire tomber sur les siens sa mortelle tristesse.
Sa fille Adélaïde-Marie-Thérèse Marochetti l’accueille chez elle dès son veuvage. Ce soutien familial a vraisemblablement permis à Clémence de continuer à produire de nombreuses et belles œuvres après une période de découragement.
La propriété familiale de la famille Marochetti, le Château de Vaux-sur-Seine, a été acquise dès 1819 par Vincenzo (Vincent) Marochetti (1770-1822), un avocat au Conseil d’État à Paris. Le beau-père de Thérèse est le Baron Charles (Carlo) Marochetti (Turin 1805-Paris 1867), un sculpteur de renom qui a notamment réalisé le bas-relief représentant la bataille de Jemappes sur l’Arc de Triomphe de Paris.
Ses œuvres
Les compositions de Clémence de Grandval sont multiples et variées. On en dénombre environ 145 qui ont fait l’objet de publications.
Dans l’Universal-Handbuch der Muzikliteratur aller Zeiten und Völker, Vol V de František Pazdírek (1848-1915), republié en 1967 aux éditions Frits Knuf Hilversum, on en trouve une liste exhaustive, de même que dans un article de la musicologue Silke Wenzel de la Hochschule für Musik und Theater de Hambourg où elle a obtenu son doctorat en 2013.
Parmi celles-ci, on trouve :
- Des œuvres scéniques, opérettes, opéras comiques, opéras, dont une dizaine ont été publiées de 1860 à 1892 et d’autres sont restées manuscrites.
- Des œuvres pour solistes, chœur et orchestre, ou piano, publiées au nombre de 17, entre 1867 et 1892.
- De la musique vocale pour un soliste avec accompagnement au piano. Environ 65 partitions de mélodies profanes et de musique sacrée ont été éditées entre 1855 et 1902. Beaucoup ne sont pas datées.
Parmi les mélodies profanes, on trouve : des Chansons d’autrefois, d’avril, d’exil, d’hiver, de la Coquille, laponne, russe ; La délaissée ; L’attente ; Si tu m’aimais ; Regrets « Sur ce Rivage » ; La chute des étoiles ; La fleur ; La jeune fille et le lys ; Fleur du matin ; Fadaises ; A l’Hirondelle ; Villanelle « J’ai perdu ma tourterelle » ; La Cloche…
En musique sacrée, sont publiés : Agnus Dei ; Ave verum ; Dieu seul peut tout savoir ; Eternité « Si là-haut nous aimons encore » ; Lauda anima mea Dominum ; Noël ! ; O salutaris ; Sainte Agnès ; Stabat Mater ; Kyrie ; Prières ; des Messes…
- Des recueils de chansons qui rassemblent entre six et seize chansons éditées séparément en musique vocale.
- Une dizaine d’œuvres orchestrales, symphonies, concertos, sérénades… pour orchestre avec parfois, comme instruments solistes, un hautbois, un piano, un violon, une clarinette. Peu d’œuvres symphoniques et lyriques ont pu être sauvegardées.
- De la musique de chambre dont environ 25 pièces sont publiées entre 1849 et 1885. On dénombre des duos dont une suite pour flûte et clavier dédicacée à M. Taffanel (*), une Grande Sonate pour violon et clavier, une Valse mélancolique pour flûte et harpe ; de nombreux trios pour clarinette ou cor anglais et clavier ou pour violon, violoncelle et clavier ou bois (hautbois), parfois pour pianos seuls ; le quatuor Offertoire pour violon, violoncelle, harmonium et piano où l’harmonium peut être remplacé par un orgue ; deux septuors.
- Des oeuvres pour piano dont une douzaine sont publiées, beaucoup sans date.
De nombreux écrivains ont rédigé les paroles de ses œuvres. On y trouve Pierre Zaccone (1818-1895) et Alexandre Saint-Yves d’Alveydre ; Adolphe Choler ; Leiser ; Henri Meilhac et William Busnach ; Achille de Lauzières ; Charles Grandmougin & Georges Hartmann ; Louis Gallet ; Paul Collin ; Sully-Prudhomme, Camille Distel…
La plupart des œuvres éditées de Clémence de Grandval le sont chez les éditeurs Bertin, Heugel (Jacques-Léopold (1815-1883) et Henri (1844-1916), Durand-Schönewerk & Cie, Richault & Co, Costallat & Co, Schott & Co, Lemoine, Fromont, ou par la Société Nationale de Musique.
Sa carrière
Elle commence sa véritable carrière en présentant aux Bouffes-Parisiens le 7 mai 1860, sous le pseudonyme de Caroline Blangy, Le Sou de Lise, une opérette en un acte sur un livret de Pierre Zaccone et Alexandre Saint-Yves d’Alveydre.
Sous le pseudonyme de Clémence Valgrand, elle propose au Théâtre Lyrique, le 1er mai 1863, Les Fiancés de Rosa, un opéra comique en un acte.
« Marie » de Grandval écrit une Messe pour trois solistes, chœur et orchestre, donnée en février 1867 à Saint-Eustache, puis le 1er avril à l’Athénée, sous la direction de Jules Pasdeloup (1819-1887) qui a fondé à Paris, en 1861, les « Concerts populaires », une société musicale ouverte à tous.
Le 25 avril 1870 est organisé, au Conservatoire, un concert pour « L’œuvre de la Miséricorde ». En première partie, on donne le Stabat Mater de Madame de Grandval pour soli, chœur et orchestre, dirigé par Saint-Saëns dont on interpréta, par la suite, la Tarentelle pour flûte, clarinette et orchestre. Cette œuvre de Mme de Grandval, créée le 23 février 1870 à l’église Saint-Eustache de Paris, a reçu un accueil enthousiaste de la critique.
Pour Saint-Saëns, la Messe et le Stabat Mater sont des œuvres d’une incontestable valeur, remarquables par l’invention et la fermeté toute virile de la main, remarquables surtout pour la façon dont Mme de Grandval, de qui le grand talent de cantatrice est bien connu, sait écrire pour les voix. Sous ce rapport, bien peu de compositeurs, et des plus célèbres, peuvent l’égaler.
Toutefois, une pointe de moquerie apparaît parfois dans les écrits de Saint-Saëns. Le soir du jeudi saint de 1873, dans la salle de l’Odéon, étaient interprétés avec grand succès un oratorio de César Franck, un psaume de M. Saint-Saëns, deux fragments d’opéra de M. Lalo, un air du Stabat de Mme de Grandval, le duo « Qui est homo » du Stabat de Rossini. Le 19 avril 1873, Camille Saint-Saëns publie, dans La Renaissance littéraire et artistique, sous son pseudonyme Phémius, L’air du Stabat de Mme de Grandval est classé depuis longtemps parmi les plus exquises sucreries de la musique religieuse.
La Fille de Jaïre, un oratorio associé à un miracle de Jésus, présente des scènes bibliques pour soli, chœur et orchestre. Le librettiste en est Paul Collin (1843-1915). Jaïre est un personnage du Nouveau Testament, chef d’une synagogue, père d’une jeune adolescente décédée. Les différentes parties de l’œuvre sont : Introduction et chœur ; Duo de Jaïre et Marthe, les parents ; Chœur des disciples de Jésus ; Duo et chœur ; La résurrection.
Saint-Saëns considérait que la qualité de La Fille de Jaïre, limitée par les règles d’écriture imposées, était inférieure à certaines des autres partitions de la compositrice, et que la première représentation n’était pas à la hauteur de l’œuvre par manque de temps d’étude de la partition délicate par l’orchestre et les intervenants. Toutefois, ce qu’elle a pu semer à pleines mains, c’est la grâce, c’est le charme, et elle n’y a pas failli dans le duo du père et de la mère implorant de Jésus la résurrection de leur fille… A citer encore le chœur d’introduction, d’un sentiment touchant, et le chœur final en style fugué, fort bien écrit et d’un grand effet.
Sans égaler l’oratorio Sainte Agnès, créé au Concert spirituel le 13 avril 1876, il est fort à désirer que La Fille de Jaïre se produise devant le grand public des concerts, avec une exécution tout à fait complète ; le succès l’y attend.
Les Esquisses symphoniques sont jouées aux Concerts Populaires le 8 mars 1874. Mme de Grandval a modestement intitulé ses morceaux Esquisses symphoniques. Sa plume n’est ni un burin, ni un ciseau ; c’est une simple plume, élégante et fine, qui se joue des difficultés de l’instrumentation avec un art consommé. Elles n’ont pas été mal accueillies, elles méritaient mieux encore, lit-on dans La Renaissance Littéraire et Artistique du 22 mars 1874
La Forêt, un poème lyrique en trois actes pour soli, chœur et orchestre a été exécuté à Paris, à la salle Ventadour, le 30 mars 1875.
En 1887, Camille Saint-Saëns passe la semaine de Pâques à Saint-Pétersbourg, accompagné du flûtiste Paul Taffanel, du clarinettiste Charles Turban (1845-1905) et du hautboïste Georges Gillet (1854-1920). Malgré le froid, le public et la presse étaient présents. Le succès des trois musiciens a dépassé tout ce qu’on pouvait imaginer. Les morceaux de Chopin transportés sur la flûte de M. Taffanel ont mis tout sens dessus-dessous ! Le Concerto pour hautbois de Mme de Grandval, joué par M. Gillet, les fragments de Quintette de Mozart, pour clarinette et instruments à cordes, par M. Turban, ont étonné autant que charmé des auditeurs habitués à ne considérer les instruments à vent que comme des instruments d’orchestre destinés à ne jamais sortir de ce modeste emploi ; toutes leurs idées à ce sujet sont maintenant bouleversées. Le programme comprenait aussi la création du Caprice sur des airs danois et russes pour piano, flûte, hautbois et clarinette que Saint-Saëns dédia à Maria Feodorovna (Copenhague 1847-Hvidovre 1928), Impératrice de Russie, épouse du Tsar Alexandre III et mère de Nicolas II.
Piccolino, un « opéra italien » en trois actes, construit sur une comédie française de Victorien Sardou (1831-1908) et traduit en italien par Achille de Lauzières-Thémines (1818-1894), a été présenté, pour la première fois, au Théâtre-Italien de Paris, le 5 janvier 1889.
Les thèmes abordés sont : Hymne : Gloire à Dieu dans sa puissance ; Sicilienne : Non, ne croyez pas ainsi ; Brindisi de Tivoli : Vivat pour Tivoli ; Romance ; J’ai son aveu, le doux aveu ; Chanson de l’Amour : L’existence est un voyage ; Ballade suisse : Il était une rose ; Couplets de la délaissée : Dans un village loin d’ici.
Mazeppa est une œuvre que Marie de Grandval a composée après le décès de son époux. C’est un opéra en cinq actes sur un livret de Charles Grandmougin (1850-1930) et de Georges Hartmann (1843-1900), créé au Grand-Théâtre de Bordeaux, le 24 avril 1892 et rejoué au même endroit en 1893, puis à Marseille le 4 mai 1897, avec grand succès. Dans un premier temps, il est refusé à Paris car il est extrêmement difficile d’y présenter une œuvre déjà jouée en province, la primeur devant revenir à la capitale. C’est contre cet interdit que s’élèvera Camille Saint-Saëns dans une lettre à M. Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts, le 8 septembre 1909. Finalement, grâce à la Société Nationale de Musique, l’œuvre, accompagnée au piano par Clémence, sera présentée en février 1894 à la salle Pleyel. L’entreprise de pianos Pleyel a été l’un des tout premiers soutiens financiers de cette Société.
Voici comment s’organise Mazeppa : 1. Quand jadis ma mère, pour soprano et clavier ; 2. O Matréna, fleur de l’Ukraine, pour ténor et clavier ; 3. Chanson russe, Près de la steppe en fleurs, pour voix et clavier ; 4. Ballet Divertissement pour orchestre comprenant l’Entrée, une Mazurka, une Danse ukrainienne ; Un Entracte (pour orchestre) ; 5. Une Marche triomphale Gloire à toi pour soprano, alto, ténor, basse avec clavier. L’opéra se termine par la reprise, par deux pianos, de la Mazurka du Ballet.
Cette œuvre, qui reprend un sujet russo-ukrainien, intègre des thèmes populaires slaves.
Les librettistes se sont vraisemblablement basés sur la légende populaire d’un noble ukrainien, Ivan Stepanovitch Mazepa (1639-1709). Né dans le palatinat de Podolie alors uni à la Pologne, il avait été élevé comme page lettré, à la Cour de Jean II Casimir Vasa. Un gentilhomme polonais, ayant découvert la liaison de Mazepa avec sa femme, le fit lier tout nu sur un cheval farouche et le laissa partir. Le cheval, originaire d’Ukraine, y retourna et y porta Mazepa à demi-mort de fatigue et faim. Quelques paysans le secoururent et il resta longtemps parmi eux. La qualité de ses connaissances et son courage le firent fort apprécier par les Cosaques, et sa réputation, augmentant de jour en jour, obligea le Czar à le faire Prince d’Ukraine. Mazeppa (avec deux p) personnifie à lui seul tout un grand pays, l’Ukraine, tout un peuple historique, le peuple cosaque.
Ce thème, repris par les poètes russes Kondraty Feodorovich Ryleev (1795-1828) dans son poème Voynarovsky et Pouchkine (1799-1837) dans Poltava, puis par Lord Byron (1788-1824) dans Mazeppa en 1818 et par Victor Hugo (1802-1885) dans le recueil Les Orientales en 1829, va inspirer les librettistes pour l’opéra de Clémence de Grandval. Lord Byron est l’un des premiers à enrôler Mazeppa sous la bannière romantique et à accorder à son pays, l’Ukraine, une place de choix sur l’atlas européen des émotions.
La musicologue et artiste lyrique française Florence Launay (née en 1956) parle des meilleures pages comme étant les sommets d’émotion vocale, autant les scènes de conflits et d’exaltation guerrière que dans les passages sentimentaux.
Après la création de cet opéra en 1892 au Grand-Théâtre de Bordeaux et la représentation où elle tenait elle-même la partie piano à la salle Pleyel en 1894, Clémence de Grandval a progressivement arrêté l’interprétation et la composition. Elle est décédée le 11 février 1907 à Paris et enterrée dans le caveau familial au cimetière de Montmartre.
Quelques appréciations
Voici comment Camille Saint-Saëns reçoit certaines de ses œuvres.
Dans tous les genres musicaux, spécialement en musique sacrée pour orchestre, Clémence de Grandval peut être placée avec Cécile Chaminade (1857-1944), Augusta Holmès (1847-1903) et Marie Jaëll (1846-1925), comme une des quatre compositrices les plus importantes de la seconde moitié du XIXe siècle.
Camille Saint-Saëns a témoigné son support à Clémence de Grandval à de multiples occasions, en partie en conduisant ses travaux symphoniques, et en lui ouvrant grandes les portes de la Société Nationale de Musique. Cette association, Camille Saint-Saëns et le poète, compositeur et baryton Romain Bussine (1830-1899) l’ont fondée le 25 février 1871, après la débâcle de 1870, pour favoriser la diffusion des œuvres, surtout de musique d’orchestre et instrumentale, de compositeurs français contemporains, éclipsés très souvent par des compositeurs germaniques dans les sociétés musicales françaises. Sa devise, « Ars gallica », réaffirme la grandeur de la musique française face à la tradition germanique. De nombreux compositeurs dont César Franck (né Belge et naturalisé Français en 1870) et Clémence de Grandval, qui deviendra mécène de cette société, ont rejoint les membres initiaux. Une soixantaine de ses œuvres y seront programmées. Véritable laboratoire musical rassemblant les grands noms de la musique française, la Société existera de 1871 à 1939.
Le 17 novembre 1871, Trio en si bémol majeur de César Franck ouvre le concert inaugural dans les salons Pleyel, suivi par deux mélodies de Dubois, les Cinq pièces dans le style ancien de Castillon, des extraits du cycle de mélodies Poème d’avril et une Improvisation pour ténor de Massenet et la Marche héroïque de Saint-Saëns dans sa version primitive pour deux pianos.
Les concerts orchestraux seront donnés habituellement dans cette salle et l’Eglise Saint-Gervais accueillera les œuvres avec orgue.
Clémence de Grandval s’implique pendant une vingtaine d’années dans cette Société où elle se produit régulièrement comme chanteuse, pianiste et compositrice aux côtés de Camille Saint-Saëns, César Franck, Edouard Lalo…
En 1886, les statuts sont modifiés à l’initiative de Vincent d’Indy pour permettre l’accès à des compositeurs étrangers, ce qui entraîne la démission de Saint-Saëns et de Bussine. César Franck est choisi comme nouveau président jusqu’à sa mort en 1890.
La Villanelle, une mélodie pour voix de soprano ou de ténor avec accompagnement obligatoire de flûte, sur un poème de Jean Passerat (Troyes 1534-Paris 1602) a reçu de nombreux éloges : C’est là une de ces jolies choses que l’auteur sait si bien tourner. Par la grâce langoureuse de la poésie, par le choix de l’instrument concertant, par la simplicité relevée de la trame musicale, un charme délicat s’élève de cette Villanelle. L’exécution n’exige nulle virtuosité, que du goût.
Dans la « Biographie universelle des Musiciens » sortie en 1880, Joseph François Fétis écrit : Quoique sa haute situation et son état de fortune ne fasse considérer Mme de Grandval que comme un amateur, elle est cependant douée de facultés assez remarquables et d’une puissance de production assez rare, surtout chez une femme, pour qu’on puisse, sans complaisance, lui accorder le titre d’artiste […] Après deux années d’études sérieuses et ininterrompues sous la direction de M. Camille Saint-Saëns, elle avait atteint le résultat qu’elle désirait, et se vit en état d’écrire correctement et de rendre exactement des pensées. Depuis lors, Mme de Grandval, rattrapant le temps perdu, n’a cessé de produire et son inspiration s’est révélée sous les aspects les plus divers, musique dramatique, symphonie, musique religieuse, musique instrumentale, elle a abordé successivement tous les genres, en faisant preuve, dans chacun d’eux, sinon d’un génie supérieur, du moins d’un talent véritable, d’une imagination bien douée et d’une faculté productrice dont la vigueur est Incontestable. »
Les Prix
Le Prix Rossini
Par disposition testamentaire datant du 25 juillet 1858, Rossini (1792-1868) avait souhaité que soit créé le « Prix Rossini » à sa disparition et à celle de sa seconde épouse, Olympe Louise Alexandrine Descuillers, dite Olympe Pélissier (9 mai 1799-22 mars 1878) : Je veux qu'après mon décès et celui de mon épouse, il soit fondé à perpétuité, à Paris, et exclusivement pour les Français, deux prix, de chacun trois mille francs, pour être distribués annuellement : un à l'auteur d'une composition de musique religieuse ou lyrique, lequel devra s'attacher principalement à la mélodie ; l'autre à l'auteur des paroles (prose ou vers) sur lesquelles devra s'appliquer la musique, et y être parfaitement appropriées, en observant les lois de la morale dont les écrivains ne tiennent pas toujours compte. Les œuvres doivent être soumises à une commission composée de membres de l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France. Le prix fut attribué à partir de 1878, à la mort de Mme Rossini.
La première œuvre qui a remporté ce prix, attribué en 1880, est l’oratorio sacré, La Fille de Jaïre, composé par Clémence de Grandval sur les paroles de Paul Collin. L’Institut de France l’a fait entendre à ses invités, dans la salle du Conservatoire.
Paul Adrien François Collin, licencié en droit, poète, écrivain, est aussi est un critique travaillant pour la revue Le Ménestrel.
Prix Chartier
Séance publique annuelle/Académie des Beaux-Arts du 18 octobre 1890
Ce prix, de la valeur de cinq cents francs, destiné à encourager la musique dite de chambre, en faveur d’un auteur français qui se sera distingué dans ce genre de composition, a été décerné à Mme la Comtesse de GRANDVAL.
Ce prix doit son nom et son existence au mélomane Charles-Hyacinthe-Suzain-Jean Chartier, décédé à Paris, le 7 juillet 1858. Il est créé en 1859 et décerné par l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut de France : Je donne et lègue à l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut de France une rente annuelle de sept cents francs, pendant cent ans, en faveur des meilleures œuvres de musique de chambre, trios, quatuors, etc., qui approcheront le plus des chefs-d’œuvre en ce genre.
Trois femmes, reconnues comme « l’un des leurs » par l’élite artistique du pays, figurent parmi les récipiendaires de ce Prix : Louise Farrenc (1861), Clémence de Grandval (1890), Henriette Renié (1916).
La Société des compositeurs de musique, créée en 1862 par le pianiste Charles Delioux et les compositeurs Charles Poisot, Victor Massé et Jean-Baptiste Weckerlin, a organisé, de 1873 à 1923, des concours de musique instrumentale. Plusieurs compositeurs et compositrices y ont été régulièrement primés, dont Clémence de Grandval en 1898.
La postérité
Camille Saint-Saëns n’a pas oublié Clémence de Grandval.
Dans un lettre qu’il adresse, le 17 avril 1917 à l’abbé Gabriel Renoud (1873-1962), qui a été organiste à l’église Saint-Sixte d’Ars-sur-Formans, devenue basilique du curé d’Ars (Jean-Marie Vianney 1786-1859) le 4 août 1997, on trouve : Je suis content que vous ayez pu faire chanter le duo de l’oratorio de Noël. S’il atteint à l’ut, c’est que le soprano était destiné à la comtesse de Grandval qui chantait divinement et « montait » avec une extraordinaire facilité. Clémence de Grandval était la dédicataire de cet Oratorio de Noël composé par Camille Saint-Saëns (1858) ainsi que de plusieurs mélodies de jeunesse.
Après une période d’oubli, plusieurs émissions radiophoniques, productions littéraires, concerts et enregistrements font revivre certaines compositrices dont Clémence de Grandval.
Voici quelques pistes pour les découvrir.
En Belgique, l’Atelier des Muses est une chronique quotidienne ayant pour but de sortir les compositrices de la chape qui les a camouflées au cours de l’histoire. Hélène Michel propose à chacun et chacune d’en découvrir ou redécouvrir quelques unes sur la chaîne Musiq' 3 de la RTBF. Le 31 août 2021, Clémence de Grandval s’est révélée aux auditeurs.
En Italie, le Palazzetto Bru Zane, centre de musique romantique française inauguré à Venise le 3 octobre 2009, vise à diffuser ce genre de musique. On y organise des concerts, des colloques et des conférences. Ce centre publie aussi des partitions, des disques et des livres sur la musique. Il est très actif dans l’étude des compositrices dont il vient de sortir une anthologie en 8 CD.
En France,les recherches de Claire Bodin -qui dirige le Festival Présences Féminines de Toulon- ont inspiré des musiciennes. Cinq femmes compositrices contemporaines de Bizet, de Wagner et de Lizt, à savoir Mel Bonis, Lili Boulanger, Clémence de Grandval, Cécile Chaminade et Augusta Holmès ont refait surface grâce à l'album piano/flûte d’Hélène Couvert et Juliette Hurel, « Compositrices à l’aube du XXe siècle », édité chez Alpha Classic en 2020.
Radio France et France Inter ont retransmis des œuvres de ces cinq compositrices de la belle époque tombées dans l’oubli.
Florence Launay, Docteure en musicologie de l’Université de Renne 2 et artiste lyrique, est l’auteure d’un ouvrage issu de sa thèse, Les compositrices en France au XIXème siècle, publié aux éditions Frayard en 2006. Parmi celles-ci, on trouve Clémence de Grandval.
En Allemagne, dans l’Universal-Handbuch der Muzikliteratur aller Zeiten und Völker, Vol V, de František Pazdírek (1848-1915), republié en 1967 aux éditions Frits Knuf Hilversum, on trouve une liste exhaustive des compositions de Clémence de Grandval.
La Docteure en musicologie Silke Wenzel de la Hochschule für Musik und Theater de Hambourg présente un long article sur « Marie » de Grandval « Marie de Grandval – MUGI - HfMT Hambourg ». (MUGI = Muzik und Gender im Internet).
(*) Claude Paul Taffanel (Bordeaux 1844-Paris 1908) est considéré comme le fondateur de l'école française de flûte traversière.
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