Pour Dvořák, le lyrisme frémissant du violoncelle de Petr Nouzovský

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Antonín Dvořák (1841-1904) : Le Silence de la forêt, pour violoncelle et orchestre op. 68. Concerto pour violoncelle et orchestre en si mineur op. 104. Sérénade pour cordes en mi majeur op. 22. Petr Nouzovský, violoncelle ; Orchestre philharmonique tchèque de chambre de Pardubice, direction Stanislav Vavřínek. 2021. Notice en anglais. 74.34. Brilliant 95696.

En entamant ce programme en hommage au compositeur de la Symphonie du Nouveau Monde par le moment de grâce qu’est Le Silence de la forêt dans sa version de 1893 pour violoncelle et orchestre, le soliste tchèque Petr Nouzovský (°1982) place d’emblée son approche sous le signe de l’expressivité lyrique. Cette courte page est la transcription de la cinquième pièce de la suite pour piano à quatre mains Dans la forêt de Bohême, écrite deux ans auparavant. Ce Lento e molto cantabile, aux accents rêveurs et bucoliques, prend, sous l’archet du virtuose tchèque, une dimension émotionnelle et lyrique très engagée. Nouzovský, qui a étudié au Conservatoire de Prague, à l’Université de Dresde et au Conservatoire de Madrid, a suivi des masterclasses de Mstislav Rostropovitch, Boris Pergamenschikow ou Frans Helmerson. Il compte à son actif une série de gravures, notamment pour les labels Supraphon et Albany. Son intégrale de l’œuvre pour violoncelle de Bohuslav Martinů (MDG, 2018 et Arco Diva, 2021) a été particulièrement bien accueillie par la critique internationale.

On ne présente plus ce monument du répertoire pour violoncelle et orchestre qu’est le Concerto opus 104, créé à Londres en mars 1896, dernière œuvre de la période américaine de Dvořák. Comme le souligne Guy Erismann dans la biographie qu’il consacre au compositeur (Paris, Fayard, 2004, p. 331), le violoncelle s’y trouve somptueusement narratif et altier avec un orchestre d’une véritable épaisseur symphonique dans les tutti, et d’une très présente discrétion dans les parties dialoguées. C’est aussi la générosité mélodique qui marque le parcours de l’instrument, qui chante éperdument d’un bout à l’autre de la partition. Nouzovský fait apprécier la beauté sonore de son George Rauer de 1921, travail du célèbre luthier viennois (1880-1935), qui bénéficie d’une profondeur et d’une chaleur de son magnifiques. L’élégance, la pureté de style, l’engagement et la tension parcourent l’Allegro initial, mené avec ardeur tant par le soliste que par la formation tchèque dont l’entente se traduit par un véritable échange d’une grande clarté. L’Adagio ma non troppo, au cours duquel les bois (hautbois, clarinette, basson) se mêlent au violoncelle dans une démarche poétique d’une belle concentration, associe la fluidité chambriste de la conception globale d’un mouvement qui s’avère dynamique à la séduction d’un style noble. Quant à l’Allegretto moderato final, il allie le rythme, mesuré et sobre, à une grandeur pleine d’aisance expressive. Il existe maintes versions réussies de ce concerto extraordinaire ; celle de Nouzovský s’appuie sur un phrasé de haute qualité, un engagement sans failles et des couleurs qui ne sont pas sans rappeler la version que le Suédois Frans Helmerson (°1945), avec lequel le soliste tchèque a travaillé, avait gravée dans les années 1980 pour BIS avec Neeme Järvi. 

La cohésion des pupitres de l’Orchestre de Chambre tchèque de Pardubice, fondé en 1969, évidente dans les élans du concerto, se confirme dans la Sérénade pour cordes op. 22 de 1875, dont la grâce, la rusticité et la tendresse pleine de sève et de raffinement sont traduites dans une atmosphère sereine, riche en nuances douces et chaleureuses (le Larghetto !). Stanislav Vavřínek (°1972), à la tête de cette phalange depuis 2018, assure la cohésion et l’équilibre du programme de cet album très réussi. L’enregistrement, réalisé en deux fois (janvier, puis avril 2021) au Hall Suk de Pardubice, localité de Bohème orientale, à une centaine de kilomètres de Prague, bénéficie d’une belle présence sonore, qui met particulièrement en valeur le splendide Georg Rauer du soliste. 

Son : 9  Notice : 8  Répertoire : 10  Interprétation : 9

Jean Lacroix

 

  

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