Premier enregistrement de cantates pascales de Christoph Graupner
Easter Cantatas. Christoph Graupner (1683-1760) : Die frucht des Gerechten GWV 112633 ; Eröffnet euch ihr Augenquellen GWV 1127/25 ; Der Sieg ist Da GWV 1128/43. Ihr werdet traurig sein GWV 1129/19. Sebastian Hübner, ténor. Johannes Hill, basse. Jan Jerlitschka, altus. Chœur de garçons Capella Vocalis. Pulchra Musica Barock Orchestra, Christian Bonath, direction et orgue. Hans-Joachim Berg, Christine Rox, violons. Ursula Plagge-Zimmermann, alto. Johannes Berger, Gesine Petersmann, violoncelles. Eberhard Becker, orgue. Juillet-août 2019. Livret en allemand, anglais ; texte des chants en allemand non traduit. TT 57’14. Capriccio C5411
Le sagace label Capriccio sait fouiller le répertoire sacré germanique du XVIIIe siècle pour en exhumer des pages rares. Après un oratorio pascal d’Anton Schweitzer (1735-1787) par l’équipe du Thüringer Bach Collegium, que nous avions salué d’un Joker Découvertes, voici que nous arrive un lot de cantates consacrées à la Semaine Sainte et à la Résurrection. Piochées dans les quelque mille quatre cents qu’écrivit Christoph Graupner ! Élève de Johann Schelle et Johann Kuhnau à la prestigieuse Thomaskirche de Leipzig, on le retrouve ensuite à Hambourg en 1700, où il se distingue bientôt comme claveciniste et compositeur d’opéra. C’est encore pour la scène qu’il brille à Darmstadt, jusqu’à ce que la fermeture du théâtre en 1719 inquiète sa situation financière et l’incite à candidater au poste de Cantor de l’église Saint-Thomas de Leipzig en 1722. Poussant ainsi le landgrave de Hesse-Darmstadt à augmenter ses gages pour s’attacher son service, ce qui permit à Graupner de se désister (au profit de… Johann Sebastian Bach) et de se concentrer sur la musique religieuse.
Le programme a choisi quatre œuvres toutes enregistrées pour la première fois. Elles s’étagent entre 1719 et 1743 mais tracent un parcours cohérent : Jeudi et Vendredi de la Passion, Dimanche et Lundi de Pâques. Le langage musical, les implications liturgiques, la symbolique, le figuralisme sont évoqués par Christian Bonath dans sa perspicace notice. Ces partitions sont amorcées par un dictum ou par un chœur introductif. Les récitatifs (en accompagnato pour le Vendredi Saint) échoient au ténor ou à la basse, de même que les airs. Un seul est dévolu à un duo, en l’occurrence deux disciples sur le chemin d’Emmaüs : Ach, Zions Hoffnung, pour altus et basse, en stile antico. On y apprécie le timbre ingénu et aromatique, citron et bergamote, du jeune Jan Jerlitschka, par ailleurs tout d’innocence dans son aria Jésus est mon arbre. Entre autres emplois, Sebastian Hübner est déjà rompu au rôle d’Évangéliste dans les oratorios de Bach, Johannes Hill est familier de ses cantates : leur expérience se traduit par des prestations toutes de modération, illustrant avec finesse les textes de Lichtenberg (pasteur, surintendant à Darmstadt, et accessoirement beau-frère de Graupner). Comme attendrie par la perspective de la renaissance du messie se profilant sous la couronne d’épines, l’éloquence des deux chanteurs semble en tout point s’effacer derrière l’humilité, même dans Freude über Freude ou Jesus Sieg. Néanmoins la performance vocale ne laisse rien désirer quant à la nuance, l’agilité, suscitées par un orchestre et un continuo aux petits soins, un brin pâle et timide toutefois.
Mention spéciale pour les garçons de la Capella Vocalis, d’une justesse, souplesse qui confortent les doux affects des épisodes choraux. Leur Bleibe bei uns, et plus encore le poignant Eröffnet euch, vont droit au cœur ! Ces moments d’émotion submergent un album qui pourtant n’en est pas avare. Sur la même thématique, la série récemment entreprise chez CPO par Florian Heyrerick (février 2016-janvier 2020) va-t-elle se pencher sur ces quatre cantates ? En attendant que la discographie s’en empare, elles ont trouvé de subtils interprètes.
Son : 8,5 – Livret : 9 – Répertoire : 8 – Interprétation : 9
Christophe Steyne