Concert à Karlsruhe : trois prédécesseurs de Bach à la Thomaskirche de Leipzig célèbrent Noël
Vom Himmel hoch, da komm ich her. Johann Schelle (1646-1701) : Vom Himmel kam der Engel Schar ; Actus Musicus auff Weyh-Nachten. Sebastian Knüpfer (1633-1676) : Ach mein herzliebes Jesulein. Johann Kuhnau (1660-1722) : Magnificat en ut majeur. Monika Mauch, Hanna Zumsande, soprano. Franz Vitzthum, altus. Sebastian Hübner, tenor. Ekkehard Abele, basse. Peter Gortner, Chœur de chambre de la Christuskirche de Karlsruhe, L’arpa festante. Décembre 2019. Livret en allemand, anglais. Paroles en langue originale (allemand) non traduit. TT 67’07. Christophorus CHR 77448
L’excellent album Thomaskantoren Vor Bach de Cantus Cölln (DHM) réunissait déjà ces trois prédécesseurs de Johann Sebastian à l’église Saint-Thomas de Leipzig. En 1677, Johann Schelle y succéda à Sebastian Knüpfer, avant de céder la place à Johann Kuhnau en 1701. Ils nous reviennent dans ce programme entièrement consacré à la Nativité, à l’instar du CD Machet die Tore weit paru l’an dernier chez le même label Christophorus. L’enregistrement provient d’un live capté voilà deux ans à la Christuskirche de Karlsruhe, avec les forces chorales et instrumentales du cru.
L’Ach mein herzliebes Jesulein de Knüpfer figure toujours au répertoire des chorales saxonnes, on le trouve par exemple sur l’album Kreuzchorvespern publié chez Berlin Classics. Dans Schelle, ce concert du 22 décembre 2019 affronte quelques valeureuses alternatives discographiques. Vom Himmel kam der Engel Schar et Actus Musicus auff Weyh-Nachten étaient conjoints dans au moins trois précédents CD : Christmas Cantatas par la Kölner Akademie dirigée par Michael Alexander Willens (CPO, janvier 2017 ; Monika Mauch en faisait partie), Weihnachtliche Barockmusik sous la direction de Wolfgang Unger (Thorofon, janvier 1995), et déjà en avril 1993 par Roland Wilson et sa Capella Ducale (DHM), avec non moins qu’Andreas Scholl et Harry van der Kamp parmi les solistes. Le vibrant Vom Himmel kam der Engel Schar apparaissait sur le Sacred Music by Johann Schelle du King’s Consort (Hyperion, novembre 2000).
Au demeurant, l’interprétation ne démérite pas au regard de partitions exigeantes (trompettes et cornets sont très sollicités) : orchestre précis et chatoyant, chœur d’une large quarantaine de chanteurs tour à tour délicat, rythmé et fervent. Les pittoresques effets de crèche de l’Actus Musicus sont réussis (plage 3, 5’35). Seule la soprano semble un peu à la peine dans la tertia pars. On regrette aussi un altus trop détaché dans le Quia respexit, et un ténor fade, voire instable dans l’air Et misericordia eius du Magnificat de Kuhnau : on pourra lui préférer Gerd Türk dans l’enregistrement par Masaaki Suzuki (Bis, 1998), d’autant que les forces chorales de Karlsruhe paraissent un peu moins motivée que dans Schelle. Une œuvre qu’avait révélée Hermann Max en 1992 chez EMI, en coproduction avec la radio de Cologne, et que les troupes du Solomon’s Knot ont encore brillamment servie voilà deux ans pour Sony. Elle est ici sertie de quatre insertions de circonstance (Vom Himmel hoch, Freut euch und jubiliert, Gloria in excelsis Deo, Virga Jesse floruit) attribuées à Schelle.
On se plaît toujours à constater combien le niveau de la pratique musicale dans les Länder d’Allemagne se porte bien. Globalement, malgré quelques perfectibles interventions solistes comparées aux témoignages studio, on ne peut que saluer le professionnalisme de cette prestation d’un haut degré de finition, surtout pour une exécution en public. Prise de son équilibrée et spacieuse, respectueuse des timbres. Les voix individuelles auraient mérité un surcroît de présence mais s’intègrent réalistement dans l’acoustique.
Son : 8,5 – Livret : 8 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9
Christophe Steyne