Premier enregistrement mondial de la Messe en si bémol majeur de Johann Simon Mayr

par

Johann Simon MAYR (1763-1845) : Messe en mi bémol majeur, reconstituée et arrangée par Franz Hauk et Manfred Hössl. Dorota Szczepańska, soprano ; Johanna Krödel, alto ; Markus Schäfer, ténor ; Daniel Ochoa, basse ; Chœur Simon Mayr ; Concerto de Bassus, direction Franz Hauk. 2020. Livret en anglais et en allemand. 86.46. Naxos 8. 574057.

Le label Naxos aura largement contribué à une connaissance approfondie de Johann Simon Mayr en publiant plusieurs de ses opéras et des partitions de musique sacrée. L’aventure continue avec une nouvelle gravure, celle de la Messe en mi bémol majeur, qui date de 1843, deux ans avant le décès à Bergame du compositeur. Depuis plus de quinze ans, celui-ci était devenu aveugle suite à une opération ratée de la cataracte. Né en Bavière de parents italiens, Mayr étudie avec son père, qui est organiste, et joue lui-même très vite de l’instrument. A l’aube de l’adolescence, il va à l’école jésuite d’Ingolstadt, une cité au bord du Danube, avant d’entamer des études de théologie à l’université de la même localité. Le présent CD apparaît comme un retour posthume aux sources pour Mayr, puisque l’enregistrement de la Messe en mi bémol majeur a été effectué début août 2018 dans l’Asamkirche Maria de Victoria d’Ingolstadt. Vers ses 25 ans, Mayr se rend en Italie, à Bergame, puis à Venise, où sont jouées plusieurs de ses œuvres de musique sacrée et son premier opéra en 1794. Nommé maître de chapelle de l’église Santa Maria Maggiore à Bergame au début du XIXe siècle, il s’y installe définitivement. La production musicale de Mayr, qui a compté Donizetti parmi ses élèves, est considérable : près de six cents œuvres, dont des dizaines d’opéras, caractéristiques de l’école napolitaine tardive, deux symphonies et deux concertos, mais aussi des oratorios, de la musique de chambre et pour clavier et des partitions sacrées : une cinquantaine de cantates, plusieurs requiem et une petite vingtaine de messes, sans compter divers fragments ou pièces isolées destinées à des moments précis de célébrations religieuses.

La Messe en mi bémol majeur de 1843, reconstruite et arrangée par deux organistes, Franz Hauk et Manfred Hössl, nés tous deux en 1955, est une partition au caractère solennel et imposant, d’une grande expressivité. L’atmosphère en est parfois symphonique, comme dans plusieurs passages du monumental Gloria en sept parties qui occupe à lui tout seul plus de la moitié de la partition, mais aussi chambriste. Mayr possède un sens aigu de la mélodie harmonieuse, il allie l’équilibre ampleur - légèreté avec habileté, et confère à ce contexte sacré une dimension majestueuse, avec de belles interventions vocales solistes ou chorales. Les combinaisons instrumentales, avec d’astucieuses interventions des vents, sont élaborées avec soin : elles montrent le métier d’un créateur habitué à une certain côté démonstratif. L’opéra n’est pas loin et les liens avec la scène sont perceptibles. Il semble que la base de la Messe se soit constituée autour du Kyrie, du Gloria et du Credo, les autres parties étant des mouvements isolés, comme Mayr avait l’habitude d’en écrire, qui ont été composés au cours des mêmes années 1840. L’ensemble reconstitué est en tout cas d’une belle facture, et l’on écoute avec plaisir cet univers empli de volonté sacrée.

Le Concerto de Bassus, ensemble instrumental qui s’est formé autour de musiciens issus de la Hochschule für Musik und Theater de Munich, s’acquitte de sa tâche avec beaucoup d’application, de même que le Chœur Simon Mayr, fondé par Franz Hauk en 2003. La critique a montré de temps à autre de la circonspection quant à certains enregistrements chez Naxos d’opéras de Mayr par ces mêmes artistes. La musique sacrée leur convient sans doute mieux, d’autant plus que le plateau vocal est bien en place. La soprano polonaise Dorota Szczepanska, qui s’est fait remarquer dans plusieurs productions baroques, notamment dans Semele de Haendel, déploie une jolie palette de couleurs, avec un timbre fluide et délicat, par exemple dans le Qui sedes du Gloria. L’alto Johanna Krödel et le ténor Markus Schäffer ont déjà participé à d’autres gravures de Mayr avec la même équipe ; tous deux sont à l’aise dans leurs interventions respectives. Quant au baryton Daniel Ochoa, qui a travaillé avec Thomas Quastoff ou Dietrich Fischer-Dieskau, il assure une présence chaleureuse. Les ensembles choraux sont équilibrés. Cette première mondiale se justifie car, même si l’on n’est pas en face d’un chef-d’œuvre, la partition contient de beaux moments de chant, représentatifs de l’art d’un compositeur prolifique, au métier aguerri. Comme cela arrive trop souvent, Naxos ne se donne pas la peine de proposer une traduction du texte du livret en français. C’est encore plus dommage quand il s’agit d’une première mondiale. 

Son : 8  Livret : 8  Répertoire : 8  Interprétation : 8

Jean Lacroix 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.