Premier volet d’une intégrale pianistique de Louise Farrenc : les Études, par Maria Stratigou 

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Louise Farrenc (1804-1875). Œuvres complètes pour piano, vol. 1 : Trente études dans tous les tons majeurs et mineurs op. 26 ; Douze études brillantes op. 41 ; Vingt études de moyenne difficulté op. 42 ; Vingt-cinq études faciles, op. 50. Maria Stratigou, piano. 2017/2020. Notice en anglais et en français. 140.41. Un album de deux CD Grand Piano GP912-13.

Près de cinquante ans après Hélène de Montgeroult (1764-1836) qui n’y a accompli qu’un mandat de trois ans (1795-98), Louise Farrenc a enseigné le piano au Conservatoire de Paris, à partir de 1842, pendant trois décennies. Ces deux créatrices ont un point commun : elles ont composé des Études à destination pédagogique.

Née Jeanne-Louise Dumont, la virtuose portera le patronyme de son époux, le flûtiste et éditeur de musique Aristide Farrenc (1794-1965). Douée dès son enfance, elle bénéficie, après des leçons familiales, de l’enseignement d’Ignaz Moscheles et de Johann Nepomuk Hummel, ainsi que de cours privés d’Anton Reicha. Mariée à l’âge de dix-sept ans, elle se révèle vite une excellente interprète, notamment dans Beethoven, et Schumann, dans un article, la reconnaît en tant que compositrice. Elle comptera parmi ses élèves Ernest Reyer, son neveu. Nous empruntons ces données à la soliste du présent album, qui est aussi la signataire de la notice. Originaire d’Athènes, Maria Stratigou a étudié au Conservatoire de la capitale grecque, puis au Conservatoire Royal d’Ecosse et au Royal Northern College of Music, à Manchester. Elle y a présenté en 2021 une thèse de doctorat sur la musique de piano de Louise Farrenc, et plus précisément sur ses 87 Etudes. Parallèlement à ses recherches, elle a gravé, en quatre ans contrariés par la pandémie, les quatre opus portant ces titres, qui constituent le premier volet d’une intégrale annoncée de sa production pour le clavier.

Suivons la spécialiste Maria Stratigou au cœur de ces pages, à commencer par l’opus 26, Trente études dans tous les tons majeurs et mineurs, composées entre 1833 et 1838, qui occupent le premier disque de l’album. Publiées et rééditées au cours des dix années qui suivent, elles sont adoptées par les classes des conservatoires de Paris, Bruxelles et Bologne. On y trouve deux pièces en canon, trois fugues, et des pages rythmées, alertes, gracieuses, expressives, chantantes ou énergiques, nanties de mélodies qui témoignent de la qualité d’inspiration de Farrenc, mais aussi de sa capacité à diversifier les approches, les nuances et les couleurs.

Les trois autres cahiers occupent le second disque de l’album ; elles datent des années d’enseignement au Conservatoire de Paris, et sont dédiés à des élèves féminines. Les Douze études brillantes op. 41 de 1853 portent bien leur nom, dans un esprit permanent d’ardeur et de vivacité. L’année suivante, Farrenc adapte sa créativité à ses étudiantes et publie ses Vingt études de moyenne difficulté, saluées dans la presse de l’époque comme mettant bien en évidence les ressources de l’instrument. Entre 1859 et 1863, elle écrit Vingt-cinq études faciles qu’elle destine à de toutes jeunes femmes ; elles contiennent des indications précises, comme celles-ci : « pour lier et soutenir le chant dans la main droite » n° 10) ou encore « pour donner de la légèreté et de la souplesse à la main gauche » (n° 22). 

Louise Farrenc a laissé un catalogue varié. On y trouve des pages symphoniques et concertantes de grande qualité, qui ont fait l’objet de plusieurs enregistrements, notamment sous la direction de Laurence Equilbey (Erato, 2021), mais aussi de la musique de chambre (sonates, trios, quintettes) ou des œuvres vocales. Dans le domaine pianistique, on signalera les récitals de Konstanze Eickhorst (CPO, 2003) et de Bilana Tzinlikova (Paladino Music, 2017). On n’y trouvait pas la série des Études. La pianiste américaine Joanne Polk a par contre proposé une sélection d’une quinzaine de pièces de l’opus 26 (Steinway & Sons, 2020). Maria Stratigou en donne ici la totalité en première gravure mondiale, ce qui est le cas aussi pour les opus 42 et 50.

Dans le cadre du Royal Northern College, Maria Stratigou a gravé ces multiples pièces brèves avec une sincère conviction. Elle met en évidence ce qu’elle souligne dans sa notice : l’influence de prédécesseurs comme Bach, Mozart ou Beethoven, mais aussi de contemporains comme Chopin, Mendelssohn, Hummel ou Clementi. L’écoute est une agréable découverte, qui gagne cependant à ne pas être faite en continu. Il vaut mieux apprécier l’art distingué de cette compositrice à petites doses, comme de savoureuses miniatures. 

La parution de la suite de l’intégrale annoncée, notamment de multiples variations, rondeaux ou valses, devrait permettre d’appréhender la valeur du legs pianistique de Louise Farrenc. 

Son : 8,5  Notice : 9  Répertoire : 8,5  Interprétation : 9

Jean Lacroix    



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