Première mondiale de transcriptions pour piano de quatuors de Chostakovitch
Dimitri CHOSTAKOVITCH
(1906 - 1975)
Concerto pour piano n° 1, op.35 - Quatuor à cordes n° 2, op. 68 : valse, transcrite pour piano - Concerto pour piano n° 2, op. 102 - Quatuor à cordes n° 8, op. 110, transcrit pour piano
Boris GILTBURG (piano), Rhys Owens (trompette, in op. 35), Royal Liverpool Philharmonic Orchestra, dir. : Vasily PETRENKO
2017-DDD-69' 47''-Texte de présentation en anglais-Naxos 8.573666
Une fois n'est pas coutume : je voudrais attirer l'attention sur l'excellente notice - en anglais uniquement, hélas - due à Boris Giltburg lui-même. Le pianiste y analyse chaque oeuvre de manière claire et détaillée, explique son travail de transcription, et confesse son affection pour Chostakovitch. Un véritable modèle dont presque tous les labels pourraient prendre exemple. Mais... le critique égale-t-il l'interprète ? Giltburg, né à Moscou en 1984, s'est fait connaître par son premier prix au Concours Reine Elisabeth 2013. Il y est apparu comme un pianiste étonnant, fantasque et original, qui a enthousiasmé autant que déconcerté. Et c'est exactement ainsi qu'il apparaît à l'écoute de ce nouveau CD. Voyons cela de plus près. Les deux premiers mouvements du Premier concerto pour piano, trompette et cordes (1933) se caractérisent par un joli jeu clair et détaché, presque dansant. Piano et trompette (Rhys est premier trompette du Liverpool Philharmonic) jouent en avant, l'orchestre un peu en retrait (prise de son ?). Tout se gâte au final. Ce morceau joyeux et brillant, qui doit se jouer vite et d'une traite, est ici interrompu, à plusieurs reprises, par le pianiste qui casse brusquement le rythme (à 1'07'', ou à 06' 30''), ralentissant puis réaccélérant sans motif particulier sauf à désarticuler la ligne. Pourquoi ? "One of the most fun to perform of the entire piano repertoire" : ainsi Giltburg qualifie-t-il le Deuxième concerto pour piano et orchestre (1957). Si l'allegro initial sonne pimpant et bien déluré, l'andante déconcerte par des tempi alanguis à l'extrême : la ligne mélodique s'en trouve brisée et le mouvement devient ennuyeux, un comble pour un mouvement aussi célèbre et aussi aimé. La prise de son étouffée réduit en outre l'orchestre de Vasily Petrenko à un tapis de fond sonore. Comme dans le premier concerto, le final pèche par des sautes d'humeurs rythmiques, sans doute en vue d'établir des contrastes dynamiques, à mon sens bien inutiles. Voilà pour le côté déconcertant de Giltburg; passons au côté original. A ma connaissance, il s'agit ici des premières transcriptions pour piano de quatuors à cordes du Maître. Le pianiste précise qu'il oeuvra avec l'autorisation de la famille. La valse du Deuxième quatuor (1944), fougueuse et virtuose, est conduite vers un climax haletant. Tout autre est le dramatique Huitième quatuor écrit en 1960 par le compositeur bouleversé après une visite à Dresde bombardée. Cette oeuvre capitale a déjà fait l'objet de transcriptions pour cordes. Que dire de celle pour piano ? Elle est étrange, curieuse, passionnante aussi. La fugue du début, ou la citation du Trio op. 67 donnent fort bien au clavier. Le climat violent du premier largo, avec ses gros accords brutaux, puis le climat désolé du second largo, qui rejoint l'ambiance lugubre du début, sont bien rendus : l'écriture pianistique débroussaille, rend moins touffu, et clarifie les lignes. Une belle réussite que cette transcription. "Shostakovitch is a composer I couldn't live without. I am addicted to the raw, visceral power of his music", confie encore Boris Giltburg à la fin de sa notice. On le sent bien à l'écoute de ses transcriptions. Un CD intéressant donc, mais certainement pas une première version pour les concertos.
Bruno Peeters
Son 7 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 7