Naxos fête Beethoven
Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Œuvres complètes. 2019-DDD-90 CD (environ 100h)-Textes de présentation en anglais-Naxos.
Quoi de mieux qu’un anniversaire pour diffuser en grande pompe une large contribution à l’un des plus éminents génies de la musique classique ? Depuis plusieurs années, il est devenu coutume de sortir ou ressortir coffrets et autres parutions à ces occasions. Debussy a profité d’une grande visibilité en 2018 (100 ans de sa disparition), tout comme Berlioz (150 ans de sa disparition) en 2019 pour qui nombre de labels et éditeurs ont réuni le meilleur. Beethoven n’échappe pas à cette tradition en 2020 pour les 250 ans de sa naissance. Une date symbolique pour le grand maître de Vienne dont on ne compte plus les innombrables parutions ces dernières années, pour la plupart excellentes. La musicologie aidant et selon la volonté de nombreux musiciens de tenter une approche de plus en plus fidèle, diverses pépites ont vu le jour. C’est le cas notamment avec Martin Haselböck à la tête de l’Orchester Wiener Akademie qui propose d’écouter les symphonies et autres pièces tel qu’elles furent créées à l’époque, dans les lieux d’origine et avec les effectifs réunis pour l’occasion. Plus tôt, rappelons-nous une version vivante et dépourvue de toute lourdeur de Paavo Jarvi. L’inventivité, une précision quasi chirurgicale mais surtout la joie évidente de défendre cet héritage qui en découle font de ce coffret un chef-d’œuvre. À l’occasion de cet anniversaire, Naxos propose une intégrale en 90 disques compartimentée en sept catégories : orchestre, concerto, œuvre pour clavier, musique de chambre, musique de scène, musique chorale et musique vocale.
Clairement, l’intérêt ici pour le mélomane est de compléter sa discothèque d’ouvrages très rarement joués et naturellement peu enregistrés. Pour l’auditeur qui souhaiterait se familiariser à la musique de Beethoven, ce coffret vendu à un prix démocratique est une bonne première approche.
Les versions réunies, récentes ou non, sont d’un point de vue général de bonne facture. On décèlera ci-et-là quelques imperfections tout en profitant de cette occasion pour découvrir des artistes plus discrets mais néanmoins intéressants. C’est le cas de Stefan Vladar qui propose une lecture des cinq concerti précise et brillante. L’occasion aussi d’entendre quelques pages concertantes peu connues du public comme le Concerto pour piano WoO4 ou encore le Rondo WoO6. Béla Drahos assure la direction des symphonies à la tête du Nicolaus Esterhazy Sinfonia. La vision est claire et limpide. Pas de réelle surprise mais une proposition sincère et respectueuse. D’un point de vue prise de son, c’est globalement réussi. Du côté des ouvertures, deux baguettes se partagent Coriolan, l’Ouverture en do majeur, « Zur Namensfeier », Léonore, et Musik zu einem Ritterballett : Béla Drahos et Stephen Gunzenhauser (Slovak Philharmonic Orchestra). Deux ensembles radicalement différents et contrastés qui apportent couleurs et dynamiques au squelette architectural. Pour entendre Egmont, Prométhée, Fidelio…, il faudra rejoindre les CDs 66 à 77, section consacrée à la musique de scène. L’occasion (rare !) de prêter une attention à l’entièreté des ouvrages. Egmont est admirablement mis en musique par Leif Segerstam à la tête du Turku Philharmonic Orchestra. Quant à Léonore, la baguette captivante d’Herbert Blomstedt brille de mille feux avec le Rundfunkchor Leipzig et la Staatskapelle Dresden. Pour le clavier, Jeno Jando assume une grande part de l’œuvre pour piano, en compagnie notamment de Boris Giltburg. Dans les deux cas, la justesse est de mise. Belle surprise avec la lecture de Prométhée dans la version pour piano interprété ici avec intelligence par Warren Lee. Le côté vivant de l’orchestre est remarquablement transposé au piano avec de nouvelles dimensions certes restreintes mais toujours imaginatives et inattendues. La musique de chambre représente la part la plus importante du coffret. Le violoncelle sensible et raffiné de Maria Kliegel répond au piano attentif de Nina Tichman tandis que les quatuors bénéficient d’une lecture très inspirée du Kodaly Quartet. On retrouve le piano précis de Jéno Jando dans les Sonates pour violon et piano en compagnie de Takado Nishizaki. Pour la matière chorale, trois ouvrages attirent notre attention : Der glorreiche Augenblick, la Fantaisie chorale et la Messe en do majeur. Hilary Davan Wetton déploie son énergie à bon escient dans les deux premières à la tête du Royal Philharmonic et de l’excellent City of London choir. Quant à la Messe, on retrouve la vision calme et sereine de Leig Segerstam et le Chorus Cathedralis Aboensis, homogène et coloré. Pour finir, la catégorie vocale n’est pas en manque de ressources avec de nombreuses pièces enregistrées pour la première fois. Quelques drôleries composent le dernier volume, cassant d’une certaine manière le mythe. Honnêtement, un autre visage se fait découvrir, cocasse, drôle et volontiers sarcastique à travers canons et blagues musicales. De manière plus sérieuse, on goûtera aux lieder, plus graves et sincères, qui ouvriront les portes aux grands génies du genre. Du bon comme du moins bon se succèdent ici tout en révélant quelques beaux artistes : le ténor Rainer Trost, la pianiste Bernadette Bartos… Globalement, le coffret est riche de découvertes avec quelques surprises. Regrettons peut-être quelques enregistrements moins passionnants, quelques imperfections qui aurait pu bénéficier d’ajustements… mais l’ensemble, surtout pour ce prix, permettra certainement a beaucoup de se familiariser avec cette musique si complexe et passionnante. L’occasion surtout d’offrir un panorama très large de l’ensemble de la carrière du compositeur à travers un florilège de pièces iconiques, mais aussi d’œuvres rares et récemment reconstruites à partir de fragments. À noter que les textes chantés et leurs traductions peuvent être lus sur www.naxos.com. Naturellement, nous ne pouvons que conseiller de prolonger cette écoute avec d’autres enregistrements historiques ou récents qui ont marqué la vie musicale.
Son 9 - Livret 8 - Repertoire 10 - interprétation 8
Ayrton Desimpelaere