Quand Mozart donne la sérénade
Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791) : Marche K. 249 ; Sérénade n° 7 en ré majeur K. 250 ; Une plaisanterie musicale K. 522. Die Kölner Akademie, direction Michael Alexander Willens. 2019. Livret en anglais, en allemand et en français. 85.51. BIS-2394.
Le 22 juillet 1776, le maire de Salzbourg, Sigmund Haffner, qui était aussi un commerçant aisé, maria sa fille Elisabeth au chevalier Franz Xaver Spath. A cette occasion, il passa commande à Mozart d’une sérénade qui fut créée la veille des noces. Flatté d’avoir été choisi pour cet événement, le compositeur écrivit une partition de grande dimension (une heure de musique) en huit mouvements, à laquelle il apporta le plus grand soin. Ce genre de partition était par essence destiné à être exécuté en plein air et en soirée. Au moment où Mozart compose sa sérénade, il n’en est pas à son coup d’essai et il a déjà dépassé la simple forme instrumentale. Ici, on évoquera plutôt une dimension orchestrale, Mozart faisant appel, en guise de formation, en plus des cordes, à deux hautbois, deux flûtes, deux bassons, deux cors et deux trompettes. De cette manière, la circonstance festive, qui pourrait concentrer la musique dans un contexte galant, dépasse l’intention de l’instant pour donner à cette splendide partition une vaste dimension, proche de celle d’une symphonie. Parmi les huit mouvements qui la composent, trois d’entre eux ont une dimension concertante, sorte de concerto pour violon de durée réduite qui réclame de la virtuosité et ajoute au charme d’une œuvre séduisante et haute en couleurs. Le charme ! C’est sans doute le mot qui vient sans cesse à l’esprit à l’écoute de cette sérénade. Gageons que les futurs époux auront été enchantés, ce 21 juillet 1776, d’être si bien préparés par la musique à leur union du lendemain.
Mozart composa pour la même circonstance une courte Marche K. 249, aux allures festives, qui fut exécutée le même jour avant la Sérénade. Elle ouvre en toute logique ce CD BIS. La Kölner Akademie propose des deux œuvres une interprétation savoureuse, élégante et raffinée. Cet ensemble joue aussi bien sur instruments modernes que sur instruments anciens ; cette dernière option a été choisie, ajoutant une verdeur bienvenue à une instrumentation qui fait merveille. Fondé en 1996 et basé à Cologne, l’orchestre a signé des enregistrements remarqués et récompensés d’œuvres moins connues, de Durante, Neukomm, Agricola, E.T.A. Hoffmann ou Hertel, mais aussi des concertos pour piano de Beethoven ou de Mendelssohn avec Richard Brautigan. A sa tête, Michael Alexander Willens, qui a étudié à la Julliard School la direction d’orchestre avec John Nelson, puis la direction de chœurs, et a aussi reçu des conseils de personnalités, comme Leonard Bernstein à Tanglewood, déploie toute sa science du répertoire baroque. Il souligne avec évidence les rythmes légers comme les dessins ou les arabesques des cordes, met en évidence le violon solo lorsque l’archet se transforme en murmures de tendresse ou accentue la couleur et le mouvement de danse, fait vibrer le hautbois soliste dans un sixième mouvement Andante où l’allégresse se décline en paysage chantant et enveloppe toute la partition dans un contexte harmonieux qui lui va comme un gant. C’est de la dentelle travaillée en tapis de notes…
A la fin de ce généreux programme (plus de 85 minutes de musique !), on se régale avec Ein musikalischer Spass K. 522, cette « plaisanterie musicale » composée en 1787, destinée à deux cors et un quatuor à cordes. Ce divertimento créé à Vienne est une pièce satirique qui, en une vingtaine de minutes parodiques du plus délicieux effet, fait appel à des dissonances entre les instruments, dans des assemblements hétéroclites et incongrus, le très amusant Presto final plaçant le cor au milieu de tonalités fausses et hors de propos. Mais pour l’auditeur, c’est un irrésistible feu d’artifice qui le met en joie. L’humour de Mozart est ainsi particulièrement mis en évidence. Les six instrumentistes de la Kölner Akademie y rivalisent de finesse, d’esprit, d’ironie et de légèreté. A leur tête, on trouve Alexander Janiczek, brillant dans les passages de la Sérénade où il intervient comme soliste. Ce chambriste de qualité a été premier violon du Scottish Chamber Orchestra et de l’Orchestre de Chambre d’Europe, mais il a aussi joué avec le Concertgebouw d’Amsterdam ou le Symphonique de Londres. Ce CD, vrai régal de finesse et de plaisir musical, a été enregistré en mai 2018, dans la Deutschlandfunk Kammermusiksaal de Cologne, dans une prise de son équilibrée qui rend justice au travail ciselé de l’excellente formation qui a déjà inscrit au catalogue BIS les Sérénades n° 9 « Posthorn » et n° 13 « Petite Musique de nuit », des ouvertures et de la musique maçonnique de Mozart. D’autres disques savoureux à découvrir !
Son : 9 Livret : 9 Répertoire : 10 Interprétation : 9
Jean Lacroix
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