Quasi-intégrale de l’œuvre d’orgue du compositeur romantique néerlandais J.A. van Eyken

par

Jan Albert van Eyken (1823-1868) : Sonates no 1 en ut mineur Op. 13, no 2 en ré mineur Op. 15, no 3 en la mineur Op. 25. Toccata & Fuga über B.A.C.H. Op. 38. Préludes de choral Nun ruhen alle Wälder ; Rust mijn ziel! Uw God is Koning. Six Variations et Finale sur Wien Neêrlands bloed Op. 7. Robert Schumann (1810-1856) : Abendlied Op. 85 [arrgmt]. Ute Gremmel-Geuchen, orgue de l’église Sint Gertrudis de Bergen op Zoom. Livret en allemand, anglais. Mai 2022. TT 80’20. SACD Aeolus AE-11371

Le 29 avril dernier, Jan Albert van Eyken aurait fêté son deux-centième anniversaire. Le présent album offre un digne hommage à ce représentant de l'école d'orgue romantique néerlandaise. Après ses études à Leipzig et Dresde, il retourna au Pays-Bas où il fut titularisé à la Remonstrantse Kerk d'Amsterdam. Il y demeura jusqu'en 1853 avant de s'installer pour deux ans à Rotterdam, où il fut remarqué par Robert Schumann lors d'un concert. Sa renommée dépassa toutefois le cadre régional, puisque des invitations le menèrent à Hambourg, Hanovre, Dresde ou Utrecht. Sa carrière s'acheva à Elberfeld, où la congrégation réformée avait réussi à l'attirer. Prématurément disparu, il laissa derrière lui six enfants qui furent secourus grâce à la charité des compositeurs Ferdinand Hiller et Carl Reineke.

Non loin de là prospéraient les ateliers du facteur Richard Ibach qui se distinguèrent par quelques réalisations majeures, pour le marché local mais aussi l’exportation (aussi loin que Cuba, San Francisco, l’Afrique du Sud !), dans des édifices religieux (basilique constantine de Trier) ou des salles privées. En 1861, Van Eyken inaugura d'ailleurs l'instrument du Concordia de Barmen, dans un répertoire où figuraient Bach, Niels Gade et sa propre troisième sonate en la mineur. Hormis celle-ci et la Toccata & Fugue sur le motif B.A.C.H., ce SACD annonce le tout premier enregistrement des autres œuvres au programme, l'ensemble regroupant l'essentiel du catalogue organistique de l'auteur. Les trois sonates datent du milieu des années 1850 et sont ici jouées selon les éditions princeps. On y retrouve l'influence polyphonique de Bach, mais aussi de Mendelssohn, à moindre degré de génie certes. Le parcours inclut un cycle de variations sur l'ancien hymne national néerlandais, ainsi que deux préludes de choral et un arrangement anonyme de l'Abendlied de Schumann, qui émane peut-être de la plume de Van Eyken. 

L'abondant livret détaille la structure et le langage des pièces, et livre quelques clés de registrations, même si celles-ci ne sont pas intégralement retranscrites. Dans sa notice, Uwe Gremmel-Geuchen explique son choix de l'orgue de Bergen op Zoom, le plus grand conçu par Ibach qui ait survécu. Sa construction fut peut-être supervisée par le compositeur, du moins son esthétique sonore (transparence mais aussi fusion orchestrale des timbres) correspond parfaitement aux exigences de son œuvre. Il fut érigé en 1863-1864 pour l'Église paroissiale « van de Heilige Maagd Maria » et transféré en 1987 à la Sint Gertrudiskerk. Entre-temps, l'instrument dut subir de nombreuses et profondes altérations au cours de son histoire, avant une restauration de l'état initial commandée en 2002 à la maison Verschueren, moyennant l'emprunt de quelques tuyaux à d'autres tribunes historiques, et l'ajout d'un Fagot 16'.

La captation se distingue par sa définition, par son atour cossu et chaleureux mais, écoutée en bicanal, manque un peu d’ouverture et d’expansion latérale. La méritoire interprétation d’Ute Gremmel-Geuchen traque l’expressivité de partitions difficiles à transfigurer quand, avouons-le, elles tournent un peu à vide et ne maintiennent pas toujours l’intérêt. Pourrait-on faire mieux pour rendre justice à ces pages ? Au terme de cette généreuse heure vingt, on n’est guère convaincu d’avoir entendu autre chose qu’un habile maître médiocrement inspiré. Jouxtant la géniale Sonate de Julius Reubke, l’opus 15 de Van Eyken palissait dans le CD enregistré par Halgeir Schiager. Cette quasi-intégrale pourra se feuilleter à titre documentaire pour compléter sa connaissance du giron nord-européen en un temps où les ornières abondaient plus que les chefs-d’œuvre.

Christophe Steyne

Son : 8 – Livret : 9,5 – Répertoire : 6,5 – Interprétation : 9

Tags : Ute Gremmel-Geuchen

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.