Quatrième étape de l’intégrale brucknérienne de Hansjörg Albrecht : la « Symphonie Wagner » à Munich

par

Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie 3 en ré mineur WAB 103 [version 1888-1889] ; Prélude symphonique en ut mineur pour orchestre WAB 297 [transcriptions Erwin Horn]. Johanna Doderer (*1969) : PINUS – Bruckner Fenster, Orgelversion der Orchesterfassung DWV 139. Hansjörg Albrecht, orgue de l’église St. Peter de Munich. Novembre 2021. Livret en allemand, anglais. TT 74’35. OEHMS Classics OC 479

Fidèle à son entreprise de relier le choix des orgues avec chaque symphonie (le précédent volume était enregistré à Londres où germa l’idée de la no 2), Hansjörg Albrecht a choisi les deux instruments de la Peterkirche de Munich, construits par la firme Klais en 2003 et 2011. C’est dans cette cité bavaroise que Bruckner assista à une représentation de Tristan und Isolde en juin 1865. Le Hauptorgel compte 57 jeux sur quatre claviers et pédalier (avec Untersatz et Contraposaune en 32’) et s’avère propice tant à la grandeur qu’à la suavité des registrations et à la richesse des dégradés (un copieux plan expressif au Schwellwerk) qui innervent les arrière-plans des deux premiers mouvements. Anches grondeuses aux points névralgiques, suggestivité des Flûtes et Principaux pour susciter les amples vasques misterioso : l’interprétation du Mehr langsam s’avère particulièrement réussie. Tout comme l’expression de la solennité et du lyrisme de l’Adagio. Transcription et exécution préservent la cohésion de l’architecture et du flux musical.

Entre danse macabre et réjouissance rustique, l’ambivalence du Scherzo apparaît tout aussi convaincante, même si la captation un peu distante modère les écrasantes saillies de la partition originale. Le choix de la tardive mouture de 1889 (édition Nowak de 1959, que suivirent Karl Böhm, Eugen Jochum, ou Herbert von Karajan dans leurs célèbres enregistrements pour Decca, Deutsche Grammophon, Emi) nous prive de la coda ajoutée en 1878, de même qu’elle expurge les allusions opératiques.

La lisibilité de l’orgue munichois nous vaut un Finale précisément tracé, conciliant rectitude rythmique et juste respiration, même si là encore un surcroît de densité, de puissance, aurait parachevé cette lecture. Laquelle nous semble toutefois la plus aboutie parmi les quatre symphonies gravées à ce stade par Hansjörg Albrecht. L’ample souffle de cet opus dont Richard Wagner accepta l’hommage en sort remarquablement valorisé par l’arrangement d’Erwin Horn et par cette prestation continument inspirée.

On saluera également l’interprétation du Prélude en ut mineur, dramatique et flamboyante. Comme dans les précédents maillons de cette intégrale en cours, le disque est complété par une création contemporaine, qui émane en l’occurrence de l’Autrichienne Johanna Doderer, auteur de plusieurs opéras et maintes pages de musique vocale qui cultivent un évident lien de genre avec le dédicataire de la symphonie au programme. On saisit une autre imparable connexion avec ce projet quand elle affirme : « j’ai été en contact avec Bruckner pendant longtemps, sa musique est en partie responsable de beaucoup de mes compositions. »

Son : 8 – Livret : 8 – Répertoire : 8-10 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

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