Troisième volume d’une intégrale des symphonies de Bruckner transcrites à l’orgue

par

Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie 2 en ut mineur WAB 102 [version 1877] ; Psalm CL WAB 38 [transcriptions Erwin Horn]. David Matthews (*1943) : Meditation on the slow movement of Bruckner’s Second Symphony. Hansjörg Albrecht, orgue de la Cathédrale de Westminster de Londres. Août 2021. Livret en allemand, anglais. TT 80’11. OEHMS Classics OC478

C‘est en Angleterre que germa l’idée de cette symphonie, et c’est là qu’Hansjörg Albrecht poursuit son intégrale, envisagée sur dix orgues représentatifs (voir nos articles du 7 décembre 2020 pour la « Nullte » et du 31 janvier dernier pour la « no 1 »). Déjà âgé de 47 ans, Bruckner fut désigné comme émissaire pour représenter l’Autriche lors d’une série de concerts londoniens où, concurremment à Camille Saint-Saëns, il fut acclamé par des dizaines de milliers d’auditeurs, au Crystal Palace et avant cela au Royal Albert Hall. On imagine l’événement dans l’immense rotonde qui venait d’être inaugurée, ainsi que son orgue installé en mars 1871, alors le plus grand du monde (111 jeux). La réverbération y était alors telle que selon un pun de l’époque, d’un savoureux autodénigrement, c’était le seul endroit où un compositeur britannique pouvait espérer entendre son œuvre jouée deux fois, écho compris.

La Symphonie no 2 reste une des moins enregistrées. Le livret du CD précise d’ailleurs, nous n’avons pas vérifié, qu’elle fut la dernière à apparaître dans la discographie. Comme la plupart des huit autres (numérotées), elle connut plusieurs révisions et éditions. La transcription d’Erwin Horn que nous entendons ici se fonde principalement sur la version Nowak de 1965, que suivirent par exemple Eugen Jochum (DG, puis Emi), Herbert von Karajan (DG) ou Georg Solti (Decca). Hansjörg Albrecht a choisi l’orgue de la Cathédrale de Westminster, qui compte aujourd’hui environ 80 jeux, conçu dans les années 1920 par Henry Willis III, à qui Louis Vierne dédia son célèbre Carillon.

Pour les deux premiers mouvements (Moderato & Andante), l’interprétation cisèle le détail mais nous perd dans l’exploration d’un réseau lilliputien : elle se dilue en des philtres bien trop délicats, des registrations trop évanescentes pour soutenir l’attention face à l’original pour orchestre. Le Scherzo semble aussi trop ramolli et édulcoré, malgré les efforts d’articulation du thème principal et la conclusion à renfort d’anches. L’exécution du Finale soulève un intérêt sporadique, mouché par une captation falote. Les transcriptions de l’organiste allemand (Faust-Symphonie de Liszt, Symphonie no 9 de Dvořák, Fantastique de Berlioz, The Planets de Holst, Tableaux d’une Exposition de Moussorgski…) manifestaient une éloquence plus convaincante. On en vient à se demander si la partition supporte sans dommage l’exercice d’une transposition pour les tuyaux. On ne connait pas d’enregistrements alternatifs qui apporteraient une réponse, puisque cet opus n’avait jamais été intégralement gravé, si l’on excepte des extraits (Andante et Scherzo) par Erwin Horn lui-même, à Waldsassen et Sankt Florian pour les labels Mitra et Motette. 

Le copieux programme est complété par un arrangement du psaume de louange Laudate Dominum, et par une œuvre de David Matthews spécifiquement écrite pour ce projet, qui la confie non sans hasard à un compositeur anglais. Cette pièce brode sur un thème de cor de l’Andante de la symphonie. Dans l’ensemble, ce disque accablé par une prise de son étique peine à passer la rampe. On espère que le prochain volume ravivera la flamme de cette intéressante aventure, dont l’achèvement est prévu pour le bicentenaire de 2024.

Son : 5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 7 – Interprétation : 7

Christophe Steyne

 

 

 

 

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