Réédition d’un rare vinyle de Gustav Leonhardt à l’orgue, dédié au répertoire élisabéthain

par

Elizabethan Organ Music. John Munday (1685-1750) : Robin. Giles Farnaby (1563-1640) : Loth to Depart. Fantasia. John Bull (c1562-1628) : Gloria tibi trinitas. Peter Philips (c1560-1628) : Fantasia. Orlando Gibbons (1583-1625) : Fantasias. Prelude. Thomas Tomkins (1572-1656) : Ground. William Byrd (1543-1623) : Miserere. Fantasia. Gustav Leonhardt, orgue. 1962 (rééd. 2022). Livret en anglais et français. TT 48’34. Paradizo PA0019

Voilà six décennies, un Gustav Leonhardt âgé de trente-trois ans gravait pour le marché américain ce récital élisabéthain pour un label de Boston, Cambridge Records, auquel il confia aussi deux autres anthologies, dédiées à des compositeurs qu’il chérissait : Jan Pieterzoon Sweelinck et Johann Jacob Froberger. Pour la présente réédition, les bandes originales n’ont pas été retrouvées, mais un vinyle a pu être soigneusement repiqué. Hormis quelques saturations au milieu de la Fantasia de Peter Philips, qui concluait la face A du microsillon, la qualité sonore s’avère propre et honore la captation de Charles Fisher, audiophile patron du label.

Signé de Skip Sempé, illustré de photos par Ketil Hausgand, le livret revient sur les intenses échanges entre États-Unis et Europe, à cette époque marquée par la redécouverte de la musique ancienne, par la facture inspirée des instruments authentiques. Boston et Amsterdam furent deux foyers de ce foisonnant réseau. Alors tout récent titulaire de la console de l’église wallonne de la capitale néerlandaise, Leonhardt sélectionna pourtant un autre orgue de son pays, celui de la Michaëlskerk. Un colosse de 63 jeux, achevé en 1721 par les deux fils d’Arp Schnitger, réputé pour le répertoire baroque germanique, et alors fraichement restauré par la firme Flentrop.

Il fut coopté non pour sa taille, qui excède les exigences techniques et esthétiques des œuvres au programme, mais pour sa personnalité et pour l’acoustique de l’église. « Le Schnitger de Zwolle a été choisi par M. Leonhardt comme offrant la meilleure approximation, parmi les instruments anciens accessibles, des sons et de l'ambiance dont disposaient ces compositeurs. Cette merveilleuse réverbération doit en effet être proche de ce que Bull connaissait à Anvers, Gibbons à Canterbury et Tomkins à Worcester » concluait la notice de William Pepper incluse dans l’austère pochette du 33 tours. On aurait d’ailleurs aimé que ce CD puisse reproduire ce texte qui présentait en détail les onze pièces retenues, puisées aux fondamentaux recueils Fitzwilliam Virginal Book et Musica Britannica (les cotes sont indiquées dans le livret).

Leonhardt ne réenregistra que trois d’entre-elles au cours de sa carrière : en octobre 1992 à la Lutherse Kerk de Haarlem Philips), et en novembre 2004 à la Chapelle de l'hôpital Notre-Dame de Bon Secours (Alpha), certes sur claviorganum. C’est dire combien cette réédition sera thésaurisée par ses fans. À (re)découvrir parallèlement au florilège Englische Virginalmusik Um 1600, enregistré peu après, en février 1966 pour Telefunken, sur clavecin et virginal. Est-il besoin de préciser qu’ici aux tuyaux le jeune maître, s’en tenant à de pertinentes registrations, nous livrait déjà une leçon de clarté, de hauteur de vues et de justesse stylistique ? Paru à l’occasion des dix ans de sa disparition, voici un précieux apport à sa discographie.

Son : 8 – Livret : 7 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

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