René Jacobs et le B’Rock Orchestra nous dévoilent les symphonies Schubert

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Franz Schubert (1797-1828) : Symphonies Nos 2 & 3. B’Rock Orchestra – René Jacobs. 2019-2020. 55’18. Livret en anglais et en allemand. 1 CD Pentatone. PTC5186759

Hors intégrale, il faut reconnaître que les premières symphonies de Schubert sont rarement enregistrées. Certes, la Troisième avait fait partie, aux côtés de l’Inachevée, des Cinquième et Septième de Beethoven et de la Quatrième de Brahms, des seules cinq symphonies jamais enregistrées par le très sélectif Carlos Kleiber. C’est dire à quel niveau il la mettait. Mais, justement, elle se remarquait au milieu de ces chefs-d’œuvre incontournables.

Ici, une intégrale a bien été annoncée par le label. Mais un de ses mérites, avec une sortie progressive, est de mettre chaque symphonie en valeur et, en les couplant par deux selon des critères originaux, de les mettre l’une en regard de l’autre. Après les Symphonies n° 1 et 6, il s’agit du deuxième volet. Nous attendons maintenant la suite avec grande impatience !

Ceux qui connaissent ses symphonies vont avoir des surprises. Et ceux qui ne les connaissent pas vont se demander comment il est possible qu’elles soient généralement aussi peu considérées. Certes René Jacobs nous a habitués à bousculer nos habitudes. Mais pour sa première incursion discographique dans Schubert, il nous en dévoile un aspect que nous connaissions, certes, mais que nous n’imaginions peut-être pas, en-dehors de ses Lieder que nous pouvions croire être une exception, être à ce point présent dès ses dix-sept ans : la profondeur, la douleur, la tendresse. Tout ce qui fait que Schubert est unique.

Dans un passionnant texte de présentation (malheureusement seulement en anglais et en allemand), outre une analyse fouillée de chaque mouvement, René Jacobs nous propose d’envisager les symphonies de Schubert autrement qu’à la lumière de celles de Beethoven. Il est vrai qu’avec son fameux « Qui peut faire quoi que ce soit après Beethoven ? », Schubert s’est lui-même compliqué la tâche. Et il est certain que dans les quelques mois qui lui restaient à vivre après la mort de l’illustre aîné, Schubert a pu sembler libéré et nous a livré quelques sublimes chefs-d’œuvre définitifs.

Mais que l’on écoute ses premières symphonies en oubliant celles de Beethoven ; qu’on les considère à la lumière de ce que nous savons être la nature profonde et intime de Schubert... Alors nous l’y retrouverons tout entier. C’est le miracle auquel René Jacobs nous convie, avec le formidable et épatant B’Rock Orchestra. Ensemble, ils trouvent d’irrésistibles couleurs fauves, font preuve d’une souplesse, d’une virtuosité et d’une sensibilité époustouflantes, et nous tiennent en haleine de bout en bout. Chaque intention musicale paraît réinventée, redécouverte, en passant par une gamme absolument phénoménale d’expressions (dont l’humour n’est pas la moindre, avec notamment quelques exquises glissades aux cordes et de bien gourmands changements de tempo), avec un naturel et une évidence confondants.

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10 

Pierre Carrive

 

 

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