Mahler : retour vers le futur

par

Gustav MAHLER (1860 - 1911) : Symphonies n°1 à 10 - Lieder eines fahrenden.  Atlanta Symphony Orchestra & chorus, Yoel Levi (Symphonies N°1, 2, 4, 5, 6, 7, Adagio de la 10ème  et Lieder) ; Robert Shaw (Symphonie N°8) ; Cincinnati Symphony Orchestra, Jesús López-Cobos (Symphonies N°3 et 9). Telarc. 

« La tradition n’est pas le culte des cendres mais la préservation du feu. » disait Mahler. Ces mots raisonnent en nous quand il s’agit de remettre sur l’ouvrage un cycle mahlérien. Où est la flamme ? Brûle-t-elle toujours ?

A ce propos nous nous souvenons encore de nos vingt ans quand tout commença. C’était au début des années 2000. C’est à cette époque que nous sommes entré en musique comme on entre en religion. Comme beaucoup de conversions, elle a été rapide, brutale et sans concession. Mozart puis Beethoven pour commencer comme tout le monde ou presque. La musique de Mahler nous semblait inaccessible à ce moment-là. Internet arrivait à peine dans les foyers, les portables étaient encore à leurs balbutiements. Par où démarrer cet Everest symphonique ? Pas de Youtube, de Deezer ou autre Spotify pour se faire une idée. Investir dans un cycle symphonique était encore assez onéreux, il ne fallait pas se tromper ! Dans ces cas-là on jouait «la sécurité » et Bernstein s’imposait logiquement. Trop simple pour nous ! Nous empruntâmes donc des chemins de traverse en optant plutôt pour Horenstein, Levi, Litton ou Zander mais il fallait oser ! Depuis la musique, son industrie et les nouvelles technologies ont fait du chemin. On peut maintenant trouver des trésors alors inconnus en ligne ou des coffrets comme celui dont nous allons parler pour une somme modique. Nous envions notre fils qui, l’âge venant, aura la chance de faire son chemin dans le domaine musical en accédant à toute la discographie ou presque depuis un son smartphone. Il pourra peut-être à son tour découvrir Mahler par le truchement de Yoël Levi, Robert Shaw ou de Jesus Lopez-Cobos et ainsi sortir des sentiers battus. Un Mahler tout droit venu du nouveau monde.

Concernant le détail de ce coffret nous n’allons pas ici « refaire le match » en repassant sur les critiques des années 90, lors de la sortie des différents volumes de ce coffret (1991-2002) mais saluer l’initiative de Telarc (via Craft Recordings) de nous offrir une belle anthologie pour moins de trente euros. Mais au-delà du prix, c’est avant tout un cycle équilibré, un bon compromis et un point de départ intéressant pour bâtir une discographie mahlérienne. D’autant que ces enregistrements deviennent de plus en plus rares à la vente. L’objet est en lui-même assez rudimentaire, pas de livret, des pochettes cartonnées mais qui reprennent les jaquettes d’époque. C’est très à la mode et cela dégage une saveur vintage assez sympathique.    

Musicalement, la vision des deux principaux contributeurs est analytique. La direction du trop peu connu Yoël Levi dans les différents opus proposés se caractérise avant tout par sa scrupuleuse observance de la partition et par la richesse des sonorités de l’orchestre d’Atlanta. Tout est d’une grande tenue, sous contrôle certes, mais jamais bridé ou sans émotions. Levi s’inscrit plutôt dans une forme d’orthodoxie mahlérienne bienveillante.

Si la 2ème et la 6ème symphonie se détachent nettement, c’est la 4ème qui épate le plus. Tout y est d’une grande uniformité, pas de grandeur forcée ou d’effets de manche, nous sommes ici dans la lignée d’un George Szell ou d’un Bruno Walter par exemple. Yoël Levi peut en plus compter sur une grande Frederica Van Stade. Dans la 1ère (qui manque un peu de peps dans le dernier mouvement), en prime, nous avons droit au rare mouvement « Blumine ». Cerise sur le gâteau…

Le parèdre de Levi, le regretté Jesus Lopez-Cobos, joue aussi très subtilement sur les nuances dans une extraordinaire symphonie 3. A part Gielen, Honeck ou Boulez, nous n’en connaissons pas de meilleure version moderne. La vigueur et la tension du premier mouvement sont un rappel des versions de Barbirolli et d’Horenstein.  L’effet dionysiaque est amplifié par le « Surround Sound » de Telarc. Il y a clairement du « Knaben Wunderhorn » dans cette symphonie et c’est ce que Lopez-Cobos veut rappeler tout au long des mouvements suivants. A elle seule cette troisième justifie l’achat de ce coffret pour le collectionneur averti.

En résumé, deux sommets, le reste fait le travail de fort belle manière ce qui donne une unité à cet ensemble. Ecouter ce coffret, c’est un peu comme se souvenir des belles choses, partir à la recherche de ses vingt ans.  Ces jalons discographiques sont en tout cas la preuve que, déjà dans les années 90, la musique de Mahler était mondialisée. Bien avant l’hyperinflation qui allait inonder le marché. Un bon premier achat pour découvrir le pensionnaire de Töblach ou une piqûre de rappel efficace pour les fans du grand Gustav.

Son 10 - Répertoire 10 - Interprétation 9

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