Révélation des ardentes Leçons de Ténèbres de Charles-Joseph Van Helmont

par

Charles-Joseph Van Helmont (1715-1790) : Leçons de Ténèbres (1737). Troisième Leçon du Jeudy Saint, Troisième Leçon du Vendredy Saint (1756). Six Fugues. Scherzi Musicali. Nicolas Achten, orgue, direction. Wei-Lian Huang, Deborah Cachet, Griet De Geyter, soprano. Beniamino Paganini, clavecin. Valentin Bajou, basse de violon, violoncelle. Mathilde Wolfs, basse de violon. François Dambois, théorbe. Août 2022. Livret en anglais, français ; paroles en latin et traduction en anglais et français. TT 71’25. Ricercar RIC 454

Le fonds Sainte Gudule de la Bibliothèque du Conservatoire Royal de Bruxelles préserve plusieurs séries de Leçons de Ténèbres dont voici la plus tardive, écrite par un compositeur de vingt-deux ans. Peu avant, le jeune Charles Joseph Van Helmont avait été nommé organiste de la collégiale Saint-Michel-et-Gudule où il avait été baptisé et où il sera inhumé en grande pompe. Il en deviendra maître de chant en 1741, jusqu'à céder ce poste à son fils en 1777. En 1737, alors désigné maître de musique à l'église de Notre-Dame de la Chapelle, il acheva un cycle complet pour la Semaine Sainte, pour soprano et basse continue, suivant de près celui accompli par Joseph-Hector Fiocco en 1733. En 1756, Van Helmont réélabora la troisième Leçon du vendredi et il ajouta une troisième pour le jeudi, cela en incluant un violoncelle, ce qui accuse la complexité et l’éloquence de la tessiture grave. Avec une quinzaine de messes et une soixantaine de motets, ces Leçons constituent l'essentiel du catalogue d’essence religieuse qu'il légua.

Outre le murmure d’un orgue et les cordes frottées, l’ensemble vocal et instrumental Scherzi Musicali a enrichi le continuo par le clavecin (d'après un anonyme parisien de 1667) mais aussi le théorbe (trois modèles romains du début du XVIIe siècle) même si l’authenticité de sa pratique est plus conjecturale en ce milieu du XVIIIe siècle. L'ornementation ici employée a pu s'appuyer sur la préface des Pièces de clavecin qui datent de la même année, tout en l'accommodant par des agréments supplémentaires ou alternatifs. La prononciation à la française du latin, en vigueur dans la Bruxelles de l'époque, contribue à la clarté et à la franchise de la déclamation, ici servie par trois solistes qui se partagent les onze Leçons, sans que leur individualité ne compromette l’homogénéité collective, riche de mille frémissements et d’une sensibilité à fleur de peau.

Le style des œuvres s’avère particulièrement virtuose, proche de la cantate dramatique, ce que l'équipe valorise superbement, ne perdant jamais une occasion d’aviver le ton de ces ardentes lamentations du prophète Jérémie. Le programme est complété par six fugues exécutées par Nicolas Achten sur l'orgue de Bierbeek, restauré par la manufacture Thomas en 2009, en l’église où fut réalisé l’enregistrement. Embellie par une captation transparente, spacieuse et subtile, voilà une découverte fort intéressante. Et un précieux apport discographique au répertoire sacré qui pouvait résonner en l’intimité des chapelles au temps pascal, à l’apogée de l’ère baroque dans le siège des Pays-Bas catholiques.

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.