Ces merveilleux motets de Jean-Noël Hamal par les Scherzi Musicali
Jean-Noël Hamal (1709-1778) : Motets : Astra Cœli, Ite O pompœ fallaces, Obstupescite gentes, Ecce panis angelorum. Scherzi Musicali, direction Nicolas Achten. 2020. Notice en français, en anglais, en néerlandais et en allemand. Textes des motets en latin avec traduction en quatre langues. 68.34. Musique en Wallonie MEW 2098.
Pour célébrer dignement ses cinquante ans d’existence, Musique en Wallonie a publié cinq albums, parmi lesquels figurent des messes anonymes du XVe siècle (Joker absolu), des œuvres chorales de César Franck (Millésime Crescendo 2021), des mélodies d’Edouard Lassen (Joker découverte), des pièces pour orgue de Joseph Jongen et les présents Motets de Jean-Noël Hamal.
Les Scherzi Musicali, sous la direction artistique de Nicolas Achten, ont déjà gravé pour Musique en Wallonie deux albums de superbes Petits Motets de Joseph-Hector Fiocco (1703-1741), né et mort à Bruxelles. Son presque contemporain Jean-Noël Hamal, originaire de Liège, bénéficie pour ses premières leçons de l’enseignement de son père Henri-Guillaume, attaché à la Cathédrale Saint-Lambert en tant que musicien. Jean-Noël entre dès sa plus tendre enfance dans la chorale du prestigieux édifice ; il poursuit son apprentissage avec le maître de musique Henri Dupont. Un subside lui permet d’aller se perfectionner en Italie, à peine âgé de vingt ans. On le retrouve à Rome de 1728 à 1731, année où il est tonsuré avant de regagner Liège. Il y devient directeur de la musique de la Cathédrale en 1738 et organise bientôt avec son père des concerts pour l’Hôtel de Ville. Des reproches lui sont faits, car il consacre plus d’attention à ses compositions qu’à la supervision des jeunes voix qui lui sont confiées. Il est à nouveau en Italie en 1749, à Rome puis à Naples, où il va être influencé par la musique de Durante et de Jommelli. Lorsqu’il rejoint Liège, il est accusé de mal faire son travail et il est sanctionné. Les années qui vont suivre seront fécondes en créations : il produira des messes, des oratorios et des motets, ainsi que des concertos ou de la musique instrumentale, et même quatre opéras burlesques. L’ouverture de la nouvelle « Redoute » en 1762 permettant d’organiser de grands concerts, son Te Deum pour la nomination du nouveau Prince-Evêque y est donné avec succès. Concerts et compositions vont suivre au cours des années suivantes. Jean-Noël Hamal finit par céder ses fonctions à son neveu. Il décède le 26 novembre des suites d’une paralysie. Nous avons fait ici la synthèse de la biographie contenue dans la notice signée par Nicolas Achten, qui évoque aussi les recherches effectuées par le professeur de chant Léonard Terry (1816-1882) qui a catalogué et étudié la musique et le vaste répertoire du compositeur liégeois.
Le langage musical de Jean-Noël Hamal est le reflet parfait de cette époque charnière où le baroque galant se meut en style classique, écrit Nicolas Achten. Avec une influence de l’école napolitaine qu’il a fréquentée, même si une rencontre avec Jommelli a été peu probable. Pour le présent programme, les recherches effectuées par le directeur artistique des Scherzi Musicali l’ont conduit vers le Fonds Terry, dont il a extrait les quatre motets que l’on entend. Il est utile de lire, avant écoute, les explications fournies tant sur ses propres interrogations que sur l’utilisation des voix et des instruments, la volonté de respecter les pratiques alors en vigueur (archet tenu avec la main sous la baguette, cors pavillon vers le haut…), et le sens du théâtre développé par le compositeur, ces motets, chantés à la Cathédrale Saint-Lambert, étant destinés, en plus, aux concerts. Le choix de quatre solistes a été privilégié plutôt qu’un effectif choral, l’accent étant mis sur l’ornementation. La soprano Wei-Lian Huang, le contre-ténor Andrea Gavagnin, le ténor Francisco Mañalich et Nicholas Achten, qui est baryton, tous excellents, officient avec une vingtaine d’instrumentistes.
Avec le motet Astra cœli, dont l’authenticité fait l’objet de précisions (avec un emprunt à Paisiello ?), il est question à la fois de glorification de la paix et de crainte du retour de la guerre qui nécessitera le courage du soldat. Chœur d’ouverture, récitatifs et airs se succèdent dans une atmosphère qui relève d’une théâtralité décorative, soutenue par les cordes et des parties de violon ainsi que des interventions des vents, avec des particularités sonores, l’ensemble versant parfois dans le style galant. Le schéma se reproduit dans les autres motets qui débutent eux aussi par un chœur, sauf le dernier. Dans le motet Ite O pompœ fallaces, la vanité des honneurs du monde est soulignée et l’accent est mis sur l’affirmation « point de salut sans Jésus », alors qu’Obstupescite gentes (« Demeurez interdits, peuples ») met l’accent sur l’offrande de l’hostie salutaire qui monte vers le ciel. Il est fait appel au « pain des anges » du Lauda Sion de Thomas d’Aquin et à Saint-Luc dans Ecce panis angelorum. On sent dans tout ce programme élégamment contrasté, riche en couleurs et en nuances, tout l’enthousiasme qui a animé un collectif à la fois subtil et engagé. Le bonheur d’écoute est garanti : cet album Hamal est un nouveau fleuron du catalogue de Musique en Wallonie.
L’acoustique participe largement à la réussite de ces pages amples et inspirées. L’enregistrement a été effectué au Studio Dada de Schaerbeek du 18 au 21 février 2020, et non dans un édifice religieux, ce qui a pour effet d’éviter les effets de réverbération. Par ailleurs, selon la bonne habitude du label, la présentation de l’album est soignée : élégant cartonnage, notice très documentée, photographies et reproductions en couleurs, présence de documents d’époque. De quoi ajouter le plaisir de la connaissance à celui de la musique…
Son : 10 Notice : 10 Répertoire : 10 Interprétation : 10
Jean Lacroix