Le Rosenkavalier dans la mise en scène de Robert Carsen à Londres

par
Renée Fleming

Alice Coote (Octavian) et Renée Fleming (La Maréchale) © Alastair Muir

Pour sa nouvelle production de Der Rosenkavalier (la précédente, dans une mise en scène de John Schlesinger, datait de 1984 et fut présentée pour la dernière fois en 2009) le Royal Opera a fait appel au metteur en scène canadien Robert Carsen. C’est une co-production avec le Metropolitan de New York (où Der Rosenkavalier sera à l’affiche au mois d’avril), le Teatro Regio de Turin et le Colon de Buenos Aires. Carsen a largement repris la mise en scène qu’il avait conçue pour le Festival de Salzbourg en 2004 mais avec un autre équipe de décorateurs (Paul Steinberg et Brigitte Reiffenstuel). Il ne situe plus l’action à l’époque de Marie Thérèse mais vers 1911 (l’année de la première de l’opéra) dans un monde qu’une guerre bientôt va changer pour toujours. Le premier acte se joue toujours dans le luxe du palais de la Maréchale avec de vastes chambres aux murs couverts de tableaux qui illustrent la gloire de l’empire autrichien. La demeure de Faninal est grande et spacieuse mais elle prend l’allure militaire avec des canons pour mobilier. Faninal n’a-t-il pas fait fortune comme marchand d’armes ? Ses invités sont presque exclusivement des militaires. Mais quand Octavian vient présenter la rose d’argent à Sophie, il est précédé de couples élégants qui valsent autour de lui ! Le troisième acte ne se joue pas dans une taverne mais dans une maison close d’une certaine allure où Ochs n’a pas besoin d’une « Extrazimmer » -une chambre privée- et où le patron (un rôle de ténor) est devenu une patronne.
Jusque-là, ça va mais je ne ne peux plus suivre quand Octavian, pour Mariandel, se métamorphose en femme de petite vertu. Cela n’a plus rien à voir avec la Mariandel naïve et gauche du livret de Hugo von Hofmannsthal. Dommage car, comme à son habitude, Robert Carsen propose une production bien achevée, soignée dans les détails et une direction d’acteurs remarquablement bien réglée. Pour le final, il réserve une autre « surprise ». Pendant que Sophie et Octavian tombent dans les bras l’un de l’autre, la Maréchale quitte les lieux au bras du Commissaire de police séduisant (un amant en perspective ?) et Mohammed sautille, insouciant ; le décor de la chambre s’ouvre sur une scène de champ de bataille avec des soldats qui s’avancent en tirant. Fin d’une histoire et d’une époque.
A la tête de l’excellent orchestre du Royal Opera, Andris Nelsons rend bien justice à la riche partition de Richard Strauss avec une exécution musicale pleine d’élan, de chatoiements et de luxe sonore. Peut-être y va-t-il parfois avec un peu trop d’enthousiasme mais il y a aussi des moments subtils et pleins de poésie. Il accompagne scrupuleusement les chanteurs qui forment un ensemble de choix. Renée Fleming -qui semble songer à une fin de carrière en beauté dans le rôle de la Maréchale- est une Marie Thérèse élégante et belle, amoureuse, irritée par Ochs, pensive et réaliste mais pas encore résignée et elle chante le rôle de son soprano soyeux et expressif, avec une belle projection du texte. Alice Coote n’est pas très crédible en jeune garçon mais campe quand même un Octavian valeureux servi par une interprétation vocale nuancée et d’une belle sonorité. Le Baron Ochs de Matthew Rose est physiquement imposant mais il manque d’aisance scénique et reste vocalement assez pâle. Sophie Bevan offre à Sophie fraîcheur, spontanéité et un soprano lumineux et crémeux. Faninal trouve un interprète convaincant en Jochen Schmeckenbecher. David Junghoon Kim est un ténor italien rayonnant. Angela Simkin (Annina) et Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Valzacchi) forment un beau couple d’intrigants. Bonne prestations aussi de Jeremy White (Notar), Miranda Keys (Marianne Leitmetzerin), Alasdair Elliot (Wirt) et Scott Conner (Polizeikommissar), de tous les rôles secondaires et des chœurs.
Erna Metdepenninghen
Londres, Royal Opera House, le 11 janvier 2017

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