Serge Prokofiev au pays des soviets

par
Prokofiev

Serge PROKOFIEV
(1891 - 1953)
Symphonie n° 4 op. 112 (version de 1947)–Symphonie n° 7 op. 131–Vivace de la Symphonie n° 7 op. 131 (fin alternative)
Bergen Philharmonic Orchestra, dir. : Andrew LITTON
DDD–2016–81’ 58’’–Texte de présentation en anglais, allemand et français–BIS 2134

En 1946, les Éditions du Chêne à Paris publiaient une traduction française d’une stupéfiante étude sur Serge Prokofiev écrite par le musicologue soviétique Israël Nestiev. Stupéfiante, oui, car la thèse de ce dernier consistait à dire – très haut et très fort – que l’auteur de Pierre et le Loup s’était fourvoyé en composant ses premières partitions et qu’il n’était devenu un grand musicien qu’à partir de 1932, lorsqu’il était rentré en URSS et qu’il avait fini par se soumettre à l’esthétique prônée par le régime des soviets. Et de glorifier, entre autres, Roméo et Juliette, Alexandre Nevski et Siméon Kotko, des œuvres « prodigieuses » synthétisant « toutes les recherches antérieures » du compositeur.
Difficile, sinon impossible, de souscrire à la thèse d’Israël Nestiev. Force, cependant, est de reconnaître que la thèse contraire consistant à dénigrer les œuvres de Serge Prokofiev écrites durant les deux dernières décennies de sa vie à Moscou est pareillement stupéfiante et qu’elle ne correspond pas du tout à la réalité. Le programme que propose ce CD en apporte du reste une nouvelle fois la preuve, et on peut même se demander jusqu’à quel point la seconde version de la Symphonie n° 4 n’est pas plus emballante et plus réussie que la première achevée en 1930 (il s’agit de l’op. 47). Elles sont au surplus fort différentes l’une de l’autre, la seconde durant presque un quart de plus que la première et se déroulant dans un climat beaucoup plus dramatique – ce climat à la fois si intense et si goguenard qui caractérise toute la formidable production de Serge Prokofiev et qui le rend si reconnaissable, quel que soit le type de composition, symphonie, ballet, concerto, sonate, opéra… Sans être exceptionnelles, l’interprétation de la seconde version de la Symphonie n° 4 et celle de la Symphonie n° 7 datant, elle, de 1952 par le Bergen Philharmonic Orchestra méritent ici tous les éloges : colorées, chatoyantes, limpides.
Jean-Baptiste Baronian

Son 9 – Livret 8 – Répertoire 9 – Interprétation 9

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