Sidérant Artaserse !

par

JOKERLeonardo VINCI (1696-1730)
ARTASERSE
Livret de Pietro Metastasio
Philippe JAROUSSKY (Artaserse), Franco FAGIOLI (Arbace), Max Emanuel CENCIC (Andane), Valer BARNA-SABATUS (Semira), Yuriy MYNENKO (Megabise), Juan SANCHO (Artabano), CONCERTO KÖLN, dir.: Diego FASOLIS, Silviu PURCARETE (mise en scène), filmé à l’Opéra de Lorraine le 10 novembre 2012
2014-2 DVDs 9 -NTSC system-16.9- stereo PCM 2.0/Dolby Digital 5.1-sous titres en anglais, français, allemand, italien-chanté en italien-ERATO 46323234

Finalement on sait fort peu de choses de ce Léonardo Vinci (sans da!), né à Naples (ou sa région) entre 1690 et 96 et mort probablement à Naples en mai 1730 (mais quel jour?). Tout au plus, sait-on qu'il brilla dans sa patrie, vite nommé à des postes importants (maître de la chapelle royale et du conservatoire) qu'il reçut de nombreuses commandes d'opéras à Turin, Venise et Naples -il en écrivit une quarantaine- à côté de maints oratorios et pages instrumentales... Dans une discographie plutôt maigre son « dramma per musica » « Artaserse » écrit à l'origine pour le « San Bartolomeo » de Venise et notamment donné à Rome après sa mort, sur un livret de Métastase, vient heureusement rafraîchir la mémoire. On y admire la dextérité de Vinci à écrire de la musique vocale, presque toujours en situation, une inspiration mélodique « tendre et pathétique » (Fétis) ainsi qu'une sûreté d'écriture qui font merveille. Ni formes nouvelles, ni vertige métaphysique : Vinci n'est pas Haendel, mais il maîtrise parfaitement les schémas de l'opéra seria et les codes belcantistes. D'où l'intérêt de la captation en DVD de la production de l'Opéra de Nancy. D'où également ses limites. N'est pas Tamasaburô Bandô qui veut ! La proximité de la caméra souligne exagérément l'artifice et outrepasse le discours baroque par son intervention même. Déjà, la mise en scène en elle même use et abuse des procédés de« mise en abîme », de traversées de miroirs, de court-circuits spacio -temporels (maquilleuses et perruquiers sur scène) au point qu'on a parfois l'impression d'une fourmilière. Au DVD, un montage plus rigoureux, plus inventif, plus rythmé aurait mieux rendu justice au travail scénique. Car celui ci a le mérite de se conformer à la rhétorique baroque – où le jeu démultiplié des apparences conduit à la vérité des êtres où , en d'autres termes, ainsi que le chante le héros :« l'enveloppe extérieure de notre corps n'étouffe point la lumière d'une âme noble ». Enveloppe corporelle ici généreusement parée par un costumier on ne peut plus baroque, d' une profusion de plumes, casques, cornes et dorures. Conformément à la logique « seria » chacun des personnages sera amené à se dépasser, se métamorphoser à travers les épreuves tout comme le public lorrain conquis qui acclame la représentation. Triomphe mérité car la distribution rassemble des voix élevées masculines de tout premier ordre tant par le charme vocal que la musicalité et l'investissement dramatique. A cet égard, le contre-ténor argentin Franco Fagioli (Arbace) offre une interprétation tout simplement sidérante! Remarquable tout autant, la direction fervente, dansante, sans baguette de Diego Fasolis. Observons au passage qu'il est assez paradoxal que Vinci dont la dévotion religieuse « ne l'empêchait pas d'aimer beaucoup les femmes » -nous dit sobrement le musicologue Fétis- soit interprété par un plateau exclusivement masculin ! - à Rome le Vatican interdisait aux femmes de monter sur scène- alors que l'opéra était semble-t-il initialement destiné à la scène vénitienne où les castrats aimaient à s'entourer d'interprètes féminines !
Bénédicte Palaux Simonnet

 

 

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