Sonates de compositrices baroques par le quatuor féminin Spirit of Musicke

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Women4Baroque II. Isabella Leonarda (1620-1704) : Sonates pour flûte no 7 et 12 Op. 16. Mrs Philharmonica (fl 1715) : Sonates no 1-6 en ré mineur, fa majeur, mi bémol majeur, mi mineur, ut mineur, sol majeur des Divertimenti da Camera. Élisabeth-Claude Jacquet de La Guerre (1665-1729) : Sonate pour violon no 1 en ré mineur. Anna Bon di Venezia (1738-ap1767) : Sonate pour clavecin no 3 en fa majeur Op. 2 (sic, et non Op. 1) ; Sonate pour flûte no 2 en fa majeur Op. 1 (sic, et non Op. 2). Spirit of Musicke. Maria Loos, flûte à bec. Christine Busch, violon. Gabriele Ruhland, violoncelle, viole de gambe. Veronika Brass, clavecin, orgue. Christoph Eglhuber, luth, guitare. Octobre 2018. Livret en allemand, anglais. TT 77’57. SPIMUS-Records 113

Voilà une vingtaine d’années, les demoiselles de Spirit of Musicke gravaient un album consacré à Dario Castello, Johann Rosenmüller, Francesco Turini, Haendel et Telemann. Encore sous leur label, le disque suivant (Women 4 Baroque) illustrait quatre compositrices. Outre la Princesse Anna Amalia de Prusse, on y entendait la prolifique Isabella Leonarda : tôt retirée au couvent, elle écrivit de la musique sacrée, et un lot de douze sonate da chiesa, qui en ce genre passent pour les premières œuvres féminines qui s’enorgueillirent d’être imprimées. Élisabeth-Claude Jacquet de La Guerre, l’enfant-prodige qui mena une enviable carrière professionnelle, admirée de Louis XIV, et d’une notoriété qui sous la plume d’un Johann Gottfried Walther égalait celle de François Couperin. Témoin d’une transition vers le style galant, Anna Bon di Venezia (native de Bologne mais instruite à Venise) publia quelques recueils de sonates au milieu de la décennie 1750, dont une série avec flûte et une autre pour clavecin, respectivement sous opus 1 et 2 (inversés dans le tracklisting en quatrième de couverture).

On retrouve ces trois dernières compositrices dans ce volume 2, qui suit l’évolution de la sonate à l’ère baroque. Bizarrement, si l’on en croit le website des artistes, deux mêmes œuvres se doublonnent dans chaque volume : la Sonate no 12 de Leonarda, la Sonate en ré mineur de Jacquet de La Guerre. On pourrait regretter cette récidive peu aventureuse si l’on considère que le Norton/Grove Dictionary of Women Composers (1995) recensait près de neuf cent compositrices, lesquelles à cette époque s’illustrèrent certes surtout dans le répertoire vocal. On découvre en tout cas cette « Mrs Philharmonica », pseudonyme d’un auteur non identifié dont l’équipe de Salzbourg joue ici l’intégralité des Divertimenti da Camera éditée à Londres vers 1715.

On apprécie le graphisme du CD, son pastel marron et vert, et aussi la frise chronologique du livret étendue sur plusieurs pages, qui situe quelques événements choisis sur la période, en lien avec la tolérance cultuelle (Édit de Nantes), l’esclavage, la liberté des femmes, et d’autres dates plus insouciantes voire… gourmandes (invention de la recette de la crème glacée, de la production de sucre avec des navets…). La délicate exécution de la Sonate pour clavecin aurait mérité davantage de charme et de loquacité, comme si en sus de son continuo brillamment assumé, Veronika Brass n’osait fendre l’armure. Globalement, on salue de convaincantes interprétations, sur instruments copies d’anciens (le large panel de flûtes de Maria Loos, éblouissante tout du long) ou authentiques (le violon de Christine Busch, qui trouve toujours le ton juste). Agrémenté d’un accompagnement varié et de bon goût (orgue, clavecin, cordes pincées), paré d’une robuste et lumineuse captation, ce CD coproduit avec la radio bavaroise BR Klassik et nominé aux ICMA 2022 ne manque pas d’attrait et défend vaillamment son projet.

Son : 9 – Livret : 8,5 – Répertoire : 7-9 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

 

 

 

 

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