Suite de l’exploration du Chansonnier de Louvain par l’Ensemble Sollazzo

par

Leuven Chansonnier, volume 2. Johannes Ockeghem (c1410-1497) : Les desloyaux ont la saison ; Ma maitresse ; Quant ce vendra [ou Antoine Busnoys (c1430-1492)]. Barbingant (fl c1445-1460) : Esperant que mon bien viendra. Robert Morton (c1430-1479) : Le souvenir de vous me tue. Firmin Caron (fl c1460-1475) : Helas que pourra. Walter Frye ( ?-c1475) : Ave Regina. Anonymes : Ou beau chastel ; Ce que ma bouche ; Donnez l’aumosne ; Par malle bouche ; Helas mon cueur tu m’occiras. Sollazzo Ensemble. Andrew Hallock, contre-ténor. Jonatan Alvarado, Lior Leibovici, ténor. Lukas Henning, Jan Van Outryve, luth. Adrien Reboisson, chalémie, douçaine. Patrick Denecker, chalémie. Rémi Lécorché, sacqueboute. Filipa Meneses, Anna Danilevskaia, vihuela de arco. Août 2020 & février 2021. Livret en anglais, français, néerlandais ; paroles en langue originale, traduction en anglais et néerlandais. TT 53’42. Passacaille 1109

D’origine probablement ligérienne et remontant au dernier quart du XVe siècle, le « Chansonnier de Louvain » révélé en 2015 contient cinquante opus essentiellement profanes, à l’exception de l’Ave Regina de Walter Frye. Certains sont authentifiables par recoupement avec d’autres sources, et assignés à des compositeurs aussi illustres que Guillaume Dufay, Johannes Ockeghem ou Antoine Busnoys ; douze autres sont des exemplaires uniques qui ont ainsi récemment pu abonder notre connaissance du répertoire franco-flamand.

Ce manuscrit attira aussitôt l’attention académique, et suscita une journée d’étude au festival Laus Polyphoniae d’Anvers en août 2018. Plusieurs formations musicales s’y sont intéressées, dont l’Ensemble Leones, Park Collegium et le Huelgas Ensemble. Après un premier album réalisé en janvier 2019, l’ensemble Sollazzo poursuit son enregistrement de ce recueil : douze pièces dont quatre unicae (Ou beau chastel, Donnez l’aumosne, Par malle bouche, Helas mon cueur tu m’occiras) d’auteur inconnu à ce jour. Dérivé bien sûr de l’amour courtois, le programme investit un florilège « où le point de vue de l’homme me paraissait central » selon les mots d’Anna Danilevskaia dans la notice. Ce qui incite la présence de trois chanteurs masculins, là où le précédent volume était confié à deux sopranos et un ténor. La parure instrumentale s’est aussi étoffée : on passe d’une sobre vêture (flûte et deux vièles en 2019) à une équipe constituée en alta (chalémie, douçaine, sacqueboute) et bassa cappella (luth, vièles), qui n’hésitent pas à se mêler, voire jouter dans Les desloyaux ont la saison qui introduit le disque. Quel terrain d’émulation : la verve d’épatants souffleurs (Adrien Reboisson, Patrick Denecker, Rémi Lécorché), les luths intrépides (Lukas Henning, Jan Van Outryve) aiguisent l’appétit par cette émoustillante entrée en matière !

L’animatrice de l’ensemble Sollazzo explique aussi ses considérations performatives (personnification d’un jeu d’acteur) et ses inspirations, qui n’excluent pas des styles postérieurs comme l’air de cour. En solo, duo ou trio, la contribution vocale captive, que ce soit dans le capiteux et doux-amer Donnez l’aumosne, ou l’hagarde déambulation de Jonatan Alvarado et Lior Leibovici dans Quant ce vendra. Le timbre ouvert et typé d’Andrew Hallock se vrille de mélismes, de troublants portamentos. Au sommet : le rondeau Ou beau chastel, où la strophe au contre-ténor s’allie à vièle et chalémie (3’32) pour un térébrant artefact de buisine, qui intensifie le sentiment de claustration, de prison mentale.

Après ses deux remarquables premiers disques (Firenze 1350, un jardin médiéval florentin, et Parle qui veut), l’ensemble Sollazzo nous offre une prestation tout aussi aboutie et enivrante, qui renforce l’attrait du premier volume consacré au « Leuven Chansonnier ». On regrette seulement que les trois saillies présentées sous guise purement instrumentale (Les desloyaux ont la saisonCe que ma bouche, Helas que pourra), et dont les paroles figurent dans le livret, n’aient fait l’objet d’une alternative vocale : au regard de la relative brièveté du récital, il restait de la place sur le CD. Rien qui n’objecte à sa découverte, ni dissuade notre impatience d’entendre la suite de ce stimulant projet.

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 9,5 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

 

 

 

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