Suite pour violes de Matthew Locke : Phantasm, gardien des subtilités

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Consorts Flat and Sharp. Matthew Locke (c1621-1677) : Suite no 5 en la mineur/majeur. Suite no 10 en ré mineur/majeur. Suite no 7 en sol mineur/majeur. Suite no 9 en si bémol majeur. Suite no 3 en ré mineur. Suite no 8 en la mineur. Suite no 6 en fa majeur. Suite no 4 en si bémol majeur. Phantasm. Laurence Dreyfus, Jonathan Manson, Markku Luolajan-Mikkola, violes de gambe. Elizabeth Kenny, théorbe. Livret en anglais, allemand, français. Mai 2023. 57’15’’. Linn CKD 737

Cinq ans après son album For Lovers Of Consort Music chez Linn, l’ensemble Phantasm revient compléter son enregistrement du « Flatt Consort, for my cousin Kemble » écrit par Matthew Locke, un des représentants de l’apogée du consort de viole en Angleterre. Contrairement aux deux premières Suites précédemment enregistrées, écrites pour un trio de dessus, ténor et basse, la tessiture des trois autres ici proposées se répartit entre dessus et deux basses. Elles débutent toutes par une Fantazie avec introduction lente et déclinaison contrapuntique, avant d’enchaîner trois autres mouvements (dont Gaillarde, Sarabande ou Courante), et en cultivant des tournures capricieuses, des élans imprévisibles et autres gageures de fugacité. 

Moins expérimentales, les Suites du Little Consort étaient destinées aux choristes de la cathédrale d’Exeter. Elles répondent elles-aussi à une structure en quatre parties, selon un plan immuable, distillant chaque fois Pavan, Ayre, Courante, Saraband. L’équipe autour de Laurence Dreyfus nous propose la seconde moitié de ce corpus (no 6 à 10).

Quand on considère que Locke s’éleva contre les tendances improvisatrices, les intrusions folkloriques issues des violoneux de campagne, et fustigeait la surcharge décorative à l’encontre de ses partitions, on ne peut que saluer l’approche de Phantasm, dont la sobriété n’en est pas moins éloquente, constamment portée par le chant. Dans l’intégrale du Flatt Consort parue il y a deux ans chez Signum, leurs confrères de Fretwork s’appuyaient sur un continuo plus fourni (clavecin, archiluth, théorbe), fleurissaient la polyphonie en référence à une table d’ornementation de Christopher Simpson (c1602-1669), et forgeaient ces pages dans une sonorité volontiers âpre et archaïsante. La singularité des Fantaisies liminaires s’en trouvait brassée dans un impétueux chaudron d’humeurs.

L’approche de Phantasm s’entend plus légère, souple, gracieuse, s’articulant sur d’imperceptibles inflexions qui gomment les contrastes de ton et garantissent un séduisant flux lyrique. Les textures se fondent dans un tissage finement ouvragé. Les danses s’esquissent avec raffinement, dans un mouvement continument lié qui privilégie la continuité du dessin. Seule la Pavane de la Suite en si bémol majeur déroge un peu à la fluidité du canevas. Le théorbe relativement discret d’Elizabeth Kenny contribue à ce limpide écheveau, où les appuis ne pèsent jamais, et où la subtilité ininterrompue s’immisce à chaque respiration des archets.

Le tempérament de cette musique ne s’en trouve-t-il toutefois un peu trop uniformisé, estompant la différence d’ambition entre les deux recueils ? Dans un pays en plein trouble politique, déchiré entre anti-royalisme et monarchisme, le portrait tourmenté et vindicatif du compositeur, qui s’exprime notamment dans les Fantaisies, pourra sembler trop lisse quand cette interprétation tend à en désamorcer les audaces. Dans ces moments où la tension rythmique et harmonique demanderait un geste interrogateur, Phantasm ne se pose pas en artisan de la disruption, préférant imposer des philtres qui charment. Un regard partial, mais l’écoute saurait difficilement y résister. Surtout quand le collectif, mené par l’impalpable treble de Laurence Dreyfus, laisse admirer un tel degré de suave, d’impondérable concertation.

Christophe Steyne

Son : 9 – Livret : 8,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9

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