Folk Songs, une déclaration d’ouverture

par

Folk Songs. Jean-Marie Rens (1955-) ; Luciano Berio (1925-2003). Albane Carrère ; Ensemble 21 ; Marc Collet. 59’42" – 2024 – Livret : français et anglais. Cypres. CYP4662. 

Même si l’histoire du couple arrive alors à son épilogue, c’est pour son (alors encore) épouse Cathy Berberian, mezzo-soprano américaine qu’il rencontre en accompagnant des cours de chant et avec laquelle il pousse l’exploration des possibilités musicales de la voix une corde vocale plus loin (il parle « d’intelligence vocale »), que Luciano Berio se plonge dans une série de Folk Songs, des arrangements de chansons populaires puisées dans les traditions de différentes régions (Sicile et Sardaigne, Provence et Auvergne, Arménie et Azerbaïdjan…) -assez loin de l’intérêt qu’il manifeste pour la musique électronique et électroacoustique, approchée dès son arrivée aux Etats-Unis en 1952 (où il perfectionne sa pratique du sérialisme avec Luigi Dallapiccola), lorsqu’il assiste au premier concert américain de musique électronique ; c’est que Berio tient à garder la porte du monde sériel ouverte, refusant une étiquette étriquée et veillant à garder une vue large sur une variété de styles musicaux, qu’il met au service de la musique qu’il veut écrire.

Ce cycle pour voix et ensemble jusqu’à neuf instruments, terminé en 1964, est à la base du double défi que relève le disque de l’Ensemble 21 et Albane Carrère : une nouvelle interprétation des onze chansons du compositeur italien, et la création d’autant d’arrangements (recompositions), cette fois par le compositeur (et pédagogue) belge Jean-Marie Rens, de morceaux, eux aussi glanés dans les traditions, essentiellement wallonne et flamande (avec plusieurs incursions en France, Angleterre -et même dans le folklore séfarade- que j’ai eu le plaisir de découvrir sur scène aux Belgian Music Days, avec un retour nostalgique, au travers du traditionnel flamand Het daget in den Oosten, à cette époque, chevelue et révoltée, que ma mère appelait en maugréant « maudite adolescence » (en vrai, en l’absence de la moindre accointance québécoise, le « maudit » était plus probablement un mot wallon qui échappait à ma compréhension).

Une belle façon, pour les musiciens impliqués dans ce projet, de rendre hommage à deux compositeurs qu’une bonne génération sépare, et à une ouverture, un panachage, une confrérie qui dépasse la relation entre musiques savante et populaire et touche toutes les musiques, acoustiques ou amplifiées ou électroniques, savantes ou de tradition orale, écrites ou non, actuelles ou anciennes : l’art, comme l’espèce, se nourrit de l’éviction des a priori, de la curiosité pour la différence, du mélange infini de nos génomes.

Son : 8 – Livret : 9 – Répertoire : 7 – Interprétation : 8

Chronique réalisée sur base de l'édition digitale.

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