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Ernest Ansermet, le legs monophonique pour DECCA 

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Après avoir ressorti le legs stereo d'Ernest Ansermet dans le cadre d’un généreux coffret, Decca nous propose maintenant une mise en boîte de ses enregistrements en mono. La superbe boîte comprend des enregistrements réalisés entre 1929 et 1955 mais avec un gros focus de neuf ans avec des albums enregistrés entre 1946 et 1955.  Un texte de François Hudry, spécialiste émérite du chef, est proposé dans le booklet complété d’une discographie. Une large part des œuvres proposées des répertoires russes et français, piliers des concerts d’Ansermet, sera ré-enregistrée en stéréo, mais ce coffret a un intérêt éditorial majeur.   

L’aventure commence pourtant à Londres, en 1929. La firme DECCA a besoin de se constituer un catalogue et elle convoque Ansermet pour un enregistrement des Concertos grosso de Haendel à la tête d’un orchestre ad-hoc, The Decca String Orchestra, mené par rien moins que William Primrose et en compagnie de Leslie Howard au clavecin pour la partie de continuo (sur, en prime, un véritable instrument historique : un Broadwood de 1760). L’ancien professeur de mathématiques que fut Ansermet prend d’emblée le parti d’une approche plutôt vive et rigoureuse qui évacue lenteur, pesanteur et pathos. C’est une expérience musicale intéressante. Bond dans le temps ensuite avec une session londonienne, en 1946, pour Petrouchka et une suite de L’Oiseau de feu de Stravinsky avec le London Philharmonic Orchestra (LPO) ; puis avec l’Orchestre de la Suisse Romande (OSR) qui officie pour la grande majorité des albums du coffret et dans le répertoire naturel d’Ansermet.   

L’une des grandes qualités d’Ansermet est sa capacité à imposer une narration par les couleurs, juste héritage du chef de ballet qu’il fut à ses débuts, de marquer les contrastes et les césures avec sens des nuances et des couleurs, utilisant toute l’expressivité de la palette instrumentale. C’est tout naturellement dans la musique russe et la musique française que ces qualités sont essentielles. L’orchestre de la Suisse romande, dont il fut le fondateur et la figure tutélaire, est une phalange assez brute de timbres avec des couleurs plutôt fauvistes et un fini instrumental très abrasif pour des oreilles contemporaines. Il n’empêche, la qualité de la direction et sa capacité à galvaniser les musiciens font de ces lectures des modèles de ton et de style. Petrouchka ou l'Alborada del Gracioso s’ébrouent dans une transe chorégraphique ; le Bolero est un cataclysme orchestral plus humain que mécanique ; les Images de Debussy sont une explosion de lumières. C’est avec Rimsky-Korsakov que le chef suisse est le plus à son affaire, la beauté plastique et suggestive de cette musique est taillée sur mesure pour son inspiration et son sens de la palette instrumentale : la beauté des thèmes de Shéhérazade (magnifiée par un fabuleux Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire en parade) ou l’humour acide de la Suite du Coq d’Or sont des merveilles. A ce niveau, on place aussi les deux lectures des Tableaux d’une exposition (LPO-1947 et OSR-1953) véritable parade au musée, au plus près de cette suite d’évocation picturale.  

A Genève, l’OSR rend hommage à Armin Jordan    

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Il y a quinze ans disparaissait, le 20 septembre 2006, Armin Jordan, le chef le plus emblématique de l’Orchestre de la Suisse Romande après son fondateur, Ernest Ansermet. Titulaire de la direction artistique et musicale de 1985 à 1997, il laisse le souvenir d’un musicien au répertoire immense, s’ingéniant à faire découvrir nombre de créations contemporaines et d’œuvres françaises, germaniques ou russes oubliées. 

Pour lui rendre hommage, l’Orchestre de la Suisse Romande a organisé, au Victoria Hall le 23 septembre, un concert qui a été pris d’assaut par tous les auditeurs genevois qui ont gardé en mémoire tant l’artiste que l’homme simple à la générosité proverbiale qu’il s’ingéniait à pimenter d’un humour souvent caustique. 

L’on a donc fait appel au chef bernois Stefan Blunier qui, depuis 1992, a œuvré dans les théâtres de Mayence, Augsbourg et Darmstadt avant de devenir Generalmusikdirektor à Bonn de 2008 à 2016. Le Grand-Théâtre de Genève l’a applaudi dans les productions de Wozzeck et de Der Zigeunerbaron.

Son programme débute par la page la plus célèbre d’Arthur Honegger, Pacific 231, évoquant la mise en marche d’une locomotive effarante qui accélère progressivement comme un ‘pas d’acier’ que se partagent bois et cuivres et que ponctuent sèchement les cordes. Puis le ralentissement s’étale en un diminuendo de valeurs longues…

Retour de Jeanne Demessieux chez Decca Eloquence

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Jeanne Demessieux - L’Héritage Decca. Œuvres de Johann Sebastian Bach (1685-1750), Jean Berveiller (1904-1976), Dietrich Buxtehude (1637-1707), Jeremiah Clarke (1674-1707), Jeanne Demessieux (1921-1968), César Franck (1822-1890), Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Franz Liszt (1811-1886), Felix Mendelssohn (1809-1847), Olivier Messiaen (1908-1992), Édouard Mignan (1884-1969), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Heinrich Schütz (1585-1672), Charles-Marie Widor (1844-1937). Suzanne Danco, soprano. Jeanne Demessieux aux orgues de l’Église Saint-Marc, North Audley Street, Londres ; de l’Église de La Madeleine, Paris ; du Victoria Hall, Genève ; de la Cathédrale métropolitaine du Christ-Roi, Liverpool ; du Colston Hall, Bristol. L’Orchestre de la Suisse Romande, direction : Ernest Ansermet. Enregistré entre le 6 mai 1947 et le 7 septembre 1967. Édition 2021. Livret substantiel en anglais (D’Arcy Trinkwon). 1 coffret 8 CD Decca « Eloquence » 4841424. Durée : 9 h 22 min.

Christian Ferras : le violon d'Icare

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Le 14 septembre 1982, le grand violoniste français Christian Ferras, âgé de 49 ans, mettait fin à ses jours en se jetant dans le vide depuis l’appartement du dixième étage qu’il habitait à Paris au numéro 4 de la Place de Barcelone.

Bien que la musique perdît à cet instant l’un de ses plus formidables instrumentistes, la disparition de Ferras est passée quasi inaperçue dans les médias, pour deux raisons principalement. D’abord, comme pour Prokofiev dont le décès a été éclipsé par celui de Staline, la mort de Ferras a été occultée, le jour même, par celle d’une personnalité étatique: la Princesse Grace de Monaco. Ensuite, par dépit, le monde musical s’était progressivement détaché de son prodige. En effet, l’acte irréversible de Ferras achevait une quinzaine d’années de souffrances dues à l’interaction d’un profond désespoir et d’un lourd alcoolisme. Durant ce lent déclin, le jeu s’était un peu fané et la technique n’avait plus affiché autant de sûreté. La maladie avait terrassé l’ardent soliste et broyé l’homme. Ferras était devenu un artiste dont on se souvenait, mais une personne que, par précaution, pudeur, voire hypocrisie, il fallait plutôt éviter, hormis pour de rares proches ou amis.

C’est bien d’un avènement qu’il s’agit en octobre 1946 lorsqu’à 13 ans, comme une incarnation de l’espoir au sortir du conflit mondial, celui que l’on appelle parfois “Le second Menuhin” triomphe pour ses grands débuts à Paris dans la Symphonie espagnole de Lalo et le Concerto de Beethoven. Cet enfant prodigieux est déjà couvert de lauriers : Premier Prix d’Excellence de violon et Premier Prix de musique de chambre du Conservatoire de Nice, Prix d’Honneur de la Ville de Nice, Premier Prix de musique de chambre et Premier Prix de violon, premier nommé à l’unanimité, du Conservatoire National de Paris. Né au Touquet le 17 juin 1933, Christian est le troisième enfant d’Antoinette et Robert, hôteliers qui exercent durant la saison propice dans le Pas-de-Calais, mais vivent le reste de l’année à Nice. Il débute le violon avec son père et, en 1941,entre au Conservatoire de Nice dans la classe de Charles Bistesi qui a étudié chez César Thomson à Bruxelles. Au mois d’août 1944, dans une France en lutte pour sa libération, les Ferras entreprennent un voyage épique afin de se rendre à Paris et d’y inscrire le benjamin de la famille au fameux Conservatoire de la rue de Madrid. Mais la situation militaire les retient à Mâcon. C’est seulement en octobre qu’ils arrivent enfin dans la capitale où Christian est admis dans les classes de René Benedetti pour le violon et de Joseph Calvet pour la musique de chambre. Deux années d’études lui suffisent pour remporter tous les prix en juillet 1946. A la suite de ces succès, dirigé par ses parents, Ferras commence sa carrière. Il va en jouer le jeu avec enthousiasme et abnégation, longtemps préservé par sa juvénile insouciance.

La modeste discographie de Robert Denzler chez Decca

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Robert Denzler - The Decca Recordings. Hector Berlioz (1803-1869) : Benvenuto Cellini, op. 23 ; Béatrice et Bénédict, op. 27 - ouvertures. Ernest Chausson (1855-1899) : Symphonie en si bémol majeur, op. 20. Arthur Honegger (1892-1955) : Symphonie n° 3, H. 186 « Liturgique » ; Chant de joie, H. 47. Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n° 4 en fa mineur, op. 36. Orchestre de la Suisse Romande, Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire de Paris, direction : Robert Denzler. Enregistré entre mai 1954 et novembre 1960 au Victoria Hall, Genève, et à la Maison de la Mutualité, Paris. Édition 2020. Livret en anglais. 1 double CD Decca « Eloquence » 4840262.

A Lausanne, un SOLDAT qui vous déconcerte

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« Entre Denges et Denezy, un soldat qui rentre au pays… A marché, a beaucoup marché… » : ce sont les mots que proclamait Elie Gagnebin sur la scène du Théâtre Municipal de Lausanne lors de la création de L’Histoire du Soldat, le 28 septembre 1918 ; la partition d’Igor Stravinsky était dirigée par Ernest Ansermet et était présentée dans une mise en scène de Georges et Ludmilla Pitoëff et des décors et costumes dus au peintre René Auberjonois. Cent ans plus tard, jour pour jour, en ce lieu même, l’événement est commémoré par sept instrumentistes guidés par François Sochard, le violon solo de l’Orchestre de Chambre de Lausanne et par une production d’Alex Ollé (de la Compagnie La Fura del Baus) dans des décors et costumes de Lluc Castells.

Nathan Milstein souverain au Festival de Lucerne

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Felix Mendelssohn (1809-1847) : Concerto pour violon et et orchestre en mi mineur, op. 64*; Antonín Dvorák (1841-1904) : Concerto pour violon et orchestre en la mineur, op. 53**.Nathan Milstein (violon), Orchestre du Festival suisse, Igor Markevitch*, Ernest Ansermet**(direction). 2018 - ADD- 57’16- Textes de présentation en allemand, anglais et français - Audite 95.646